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Législatives en Afrique du Sud : L’ANC a perdu sa majorité absolue

Le parti, qui a mené la campagne juridique contre Israël dans le cadre de la guerre contre le Hamas, doit former une coalition pour rester au pouvoir après avoir gouverné seul pendant 30 ans

Les derniers résultats des élections affichés au Centre d'exploitation des résultats (ROC) à Midrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, 31 mai 2024. (Crédit : Themba Hadebe/AP)
Les derniers résultats des élections affichés au Centre d'exploitation des résultats (ROC) à Midrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, 31 mai 2024. (Crédit : Themba Hadebe/AP)

Après trente ans de règne, le Congrès national africain d’Afrique du Sud (ANC), au pouvoir depuis l’avènement de la démocratie et l’élection de Nelson Mandela en 1994, a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Selon les résultats quasi complets de la commission électorale samedi, à plus de 99,5 % du dépouillement à 14H00 GMT, le parti historique recueille 40,21 % des voix et enregistre un revers cinglant, en plongeant nettement sous la barre critique des 50 %.

La plus grande formation d’opposition (Alliance démocratique, DA) rassemble 21,79 % des suffrages exprimés. Le parti uMkhonto weSizwe (MK) de l’ex-président Jacob Zuma, né seulement quelques mois avant le scrutin, réalise une performance à 14,61 %, tandis que les radicaux de gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF) restent à 9,48 %.

Les résultats définitifs du scrutin le plus disputé de l’Histoire démocratique du pays doivent être annoncés ce dimanche.

Des électeurs faisant la queue pour voter lors des élections générales, à Alexandra, près de Johannesburg, en Afrique du Sud, le 29 mai 2024. (Crédit : Themba Hadebe/AP)

Jusqu’à présent, l’ANC tout-puissant avait remporté chaque élection nationale avec une large majorité. Mais la désillusion des 62 millions de Sud-Africains a cette fois vaincu une loyauté longtemps infaillible envers le mouvement qui a libéré le pays du joug de l’apartheid.

Dans la deuxième puissance industrielle du continent, le chômage frappe un tiers de ceux en âge de travailler et plus particulièrement les jeunes. La pauvreté s’aggrave et les inégalités se creusent, tandis que la criminalité bat régulièrement ses propres records.

Au quotidien, les coupures répétées d’eau et d’électricité rappellent à quel point le rêve d’une nation dotée d’un accès pour tous à l’éducation, un logement et aux services de base, promise par l’ANC à la fin de l’apartheid, est encore hors de portée.

Pire, la confiance s’est envolée à mesure qu’ont éclaté ces dernières années de multiples scandales de corruption impliquant des hauts dirigeants du parti et nourrissant les gros titres.

Appelés aux urnes mercredi, quelque 16 millions d’électeurs se sont déplacés, pour beaucoup avec une colère qui couvait depuis longtemps : l’ANC n’avait déjà rassemblé que 57 % des suffrages exprimés aux dernières législatives de 2019, contre 70 % en 2004.

La participation s’établit pour l’instant à 58,6 % en baisse par rapport aux 66 % lors du dernier scrutin.

« Canaux ouverts »

Après l’annonce des résultats finaux, les 400 sièges de députés seront répartis. La nouvelle Assemblée devra ensuite siéger courant juin pour élire le prochain président.

Le leader de la principale opposition, l’Alliance démocratique, John Steenhuisen (à droite) serrant la main du président de l’ANC. Gwede Mantashe (à gauche) lors d’une visite au Centre des résultats (ROC), à Midrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 31 mai 2024. (Crédit : Themba Hadebe/AP)

L’ANC, qui détient actuellement 230 sièges (57,5 %), reste la plus grande formation politique. Mais dépouillé de sa stature de parti dominant, il devra entamer des négociations dans les prochains jours.

À ce stade, les spéculations vont bon train sur la formation du prochain gouvernement, experts et observateurs misant sur la formation d’un gouvernement de coalition.

Si l’ANC décide de se rapprocher de la DA, il devra faire des concessions au mouvement libéral qui prône la privatisation du secteur public et une dérégulation de l’économie.

Un rapprochement avec l’EFF et le provocateur Julius Malema impliquerait des compromis sur des demandes de réformes radicales telles que la redistribution sans compensation des terres aux noirs et la nationalisation de secteurs économiques clefs.

« Nous ne sommes pas désespérés et ne ferons aucun compromis sur nos revendications et nos principes », a martelé Malema lors d’une conférence de presse samedi.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa écoutant la décision de la Cour internationale de justice qui a critiqué la guerre d’Israël contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, depuis Johannesburg, en Afrique du Sud, le 26 janvier 2024. (Crédit : AP)

Largement en tête avec 45,90 % des voix dans la province du KwaZulu-Natal (KZN, est), fief traditionnel de l’ANC (17,64 %), le MK devient la troisième force du pays. Mais le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, et Jacob Zuma, 82 ans, sont de vieux ennemis politiques et un apaisement des relations entre les deux hommes semble improbable.

L’idée que l’ANC puisse continuer à gouverner malgré la perte de sa majorité absolue, sur la base d’un accord avec certains partis sur des aspects clefs comme le budget ou un engagement à ne jamais soutenir de motion de censure, fait également son chemin.

« Un gouvernement minoritaire serait quelque chose de totalement nouveau en Afrique du Sud mais c’est une option parmi d’autres », a confirmé à l’AFP Helen Zille, dans le comité de tête de la DA.

« Les négociations entre partis ne sont pas encore entamées mais des canaux ont été ouverts, des discussions de personne à personne », a-t-elle glissé sans en dire plus.

L’ANC a également été blâmé – et maintenant puni par les électeurs – pour l’échec des services gouvernementaux de base qui affecte des millions de personnes et laisse beaucoup d’entre elles sans eau, sans électricité ou sans logement convenable.

Près de 28 millions de Sud-Africains étaient inscrits sur les listes électorales et le taux de participation devrait avoisiner les 60 %, selon les chiffres de la commission électorale indépendante.

L’Afrique du Sud a maintenu des relations diplomatiques avec Israël après l’arrivée au pouvoir de l’ANC en 1994, malgré la coopération importante d’Israël avec le régime de l’apartheid. Toutefois, en raison de son identification avec le mouvement national palestinien, le parti s’est montré très critique à l’égard d’Israël au fil des ans, en raison de sa politique à l’égard des Palestiniens.

Les agents sud-africains Vusimuzi Madonsela (assis à droite) et Cornelius Scholtz (assis à la deuxième à gauche) discutant avant le début des audiences à la Cour internationale de justice, à La Haye, le 16 mai 2024. (Crédit : Peter Dejong/AP)

À la suite de l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, le Parlement sud-africain a décidé de rompre ses relations avec Israël jusqu’à la fin des hostilités. En mars, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a déclaré que les citoyens sud-africains servant dans l’armée israélienne seraient arrêtés à leur retour dans le pays.

En décembre, l’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ), affirmant qu’Israël commettait un « génocide » dans la bande de Gaza. Dans son arrêt, la CIJ a ordonné à Israël de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les violations de la Convention des Nations unies sur le génocide – émise après l’extermination de 6 millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale -, mais n’a pas ordonné à Israël de mettre fin à son opération militaire à Gaza, qui a commencé à la suite de l’assaut du Hamas du 7 octobre, au cours de laquelle des terroristes ont tué près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et en ont enlevé 252 autres.

À la suite d’un recours déposé par l’Afrique du Sud en mai, la CIJ a rendu une décision ambiguë demandant à Israël de mettre fin aux opérations menées à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, qui risquent d’entraîner la destruction de la population civile. Les juges n’étaient pas d’accord entre eux sur la question de savoir si l’ordonnance exigeait d’Israël qu’il mette immédiatement fin à ses opérations en cours dans la ville.

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