L’enseignante arabe arrêtée dit avoir été détenue toute une nuit dans une voiture de police
Entisar Hijaze, qui assure n'avoir eu aucune mauvaise intention avec sa vidéo publiée avec la date du 7 octobre, veut porter plainte contre la police et Itamar Ben Gvir
Pour sa première interview depuis son arrestation controversée, l’enseignante arabe israélienne dit avoir été détenue toute une nuit à bord d’une voiture de police, yeux bandés et pieds et mains menottés, après avoir publié une vidéo d’elle en train de danser, avec en filigrane la date du 7 octobre.
Entisar Hijaze a été interpelée après que le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, dont le ministère est en charge des forces de police, a relayé sa publication sur les réseaux sociaux à un service de police dédié à la lutte contre l’incitation à la haine en ligne. Cette réaction a suscité un tollé de la part d’observateurs estimant que cette publication avait été mal interprétée et faisait en fait partie d’un challenge de danse sur TikTok.
« Je n’arrive pas à croire ce qui m’est arrivé. Je n’ai jamais fait de mal à personne », a déclaré Hijaze sur la chaîne N12 jeudi.
Elle a expliqué que le jour du 7 octobre 2023, elle était arrivée tôt à l’école où elle travaille, à Yafa an-Naseriyye, dans le nord d’Israël, et avait fait une vidéo d’elle en train de danser. Elle a assuré qu’à ce moment-là, elle n’était pas au courant de ce qui se passait à la frontière de Gaza.
Son fil d’actualité comprend un très grand nombre de vidéos du même genre, sans oublier plusieurs publications suite à l’attaque du Hamas dans lesquelles elle pleure la mort d’un de ses amis juifs du kibboutz Beeri, qui y a été assassiné.
En début de semaine dernière, TikTok lui avait envoyé un rappel de cette vidéo qu’elle avait décidé de republier, ce qui s’est fait avec la première date de publication. Cela a attiré l’attention, sur les réseaux sociaux, certains pensant que c’était une façon de célébrer l’anniversaire des massacres. Lorsque Ben Gvir a eu connaissance de ce contenu, il a demandé à la police d’enquêter sur cette affaire, soupçonnant Hijaze d’être favorable au terrorisme.

« Je n’ai mis aucun commentaire sur cette publication et je n’ai jamais eu l’intention de blesser qui que ce soit ou de faire quelque chose de mal », a déclaré Hijaze à N12.
Elle a parlé des mauvais traitements que lui ont infligés les agents du poste de police de Nazareth, qui lui ont menotté les mains et les pieds et lui ont bandé les yeux avec le tissu de flanelle utilisé pour les suspects palestiniens de Cisjordanie, d’où des accusations de racisme.
Après avoir été forcée de dormir à bord d’une voiture de police, Hijaze a reçu l’ordre de se tenir devant un drapeau israélien et de lever ses mains menottées pour les besoins d’une photo, les yeux toujours bandés – autre tactique policière employée depuis l’an dernier avec les Arabes soupçonnés de soutenir le terrorisme. Des photos de Hijaze ont ensuite été transmises à Ben Gvir et rendues publiques.
Hijaze a déclaré que, tout au long de sa détention, les agents lui avaient crié dessus et s’étaient moqués d’elle, lui ordonnant de danser alors qu’elle était menottée. Lorsqu’elle a demandé à aller aux toilettes, l’un des agents lui a dit de faire sur elle.
Selon les informations de N12, Hijaze a l’intention de porter plainte contre la police pour arrestation injustifiée et d’intenter un procès en diffamation contre Ben Gvir, qui l’a qualifiée de soutien du terrorisme.
N12 a précisé que, selon les juristes, elle avait toutes les chances de gagner dans les deux cas.
La police a expliqué que Hijaze avait été arrêtée pour soupçon de « conduite portant atteinte à l’ordre public ». Elle a été libérée dans la soirée de mercredi, au moment où la critique enflait envers la conduite des forces de l’ordre. L’enquête se poursuit.
Ben Gvir s’en est pris à la chaine N12, jeudi, en écrivant sur X qu’elle tentait de « laver le cerveau » des téléspectateurs et que l’interview avait été menée par un « journaliste à charge ».
Hijaze est « présentée comme une pauvre victime qui n’a absolument rien fait », a écrit Ben Gvir.
שרשור סיפורו של חרטא: 2 שרים כבר רקדו על הריקוד של אינתיסאר חיג'אזי מטמרה מדריכה בקרן קרב, גם המשטרה. הכי עצוב זה שלל כלי התקשורת שפרסמו ואיש לא טרח להקדיש 5 דקות לבדיקה בסיסית. זה הסרטון שלה ולטענת המשטרה פורסם אתמול עם כיתוב בעברית כדי להסית לטרור ולהתסיס דווקא ביום הנורא הזה pic.twitter.com/WIAa1B9ANg
— יוסי מזרחי Yossi Mizrachi (@yosimiz1) October 8, 2024
Dans la publication sur TikTok qui lui est reprochée, on voit Hijaze – qui est médiatrice animalière à l’école – en train de danser sur la chanson « Betty Boop », de Charlie Puth, dans une école de Nazareth. On entend les paroles « good time » alors que les mots « On This Day – 7/10/23 » apparaissent sous la vidéo.
Les journalistes et observateurs des réseaux sociaux expliquent qu’il s’agit là d’un titre repris par un challenge de danse sur TikTok et, pour ce qui est de l’étiquette « On this day », elle est très fréquemment utilisée par les créateurs de contenu pour ajouter de l’information à leurs vidéos.
L’organisation d’investigation Fake Reporter a constaté que les comptes de Hijaze sur les réseaux sociaux ne présentaient aucun signe d’activisme politique ou nationaliste et qu’elle avait publié des vidéos disant sa tristesse face à la guerre et à la mort d’Israéliens.
L’essentiel des contenus mis en ligne sur TikTok de Hijaze, dont le nom d’utilisateur est PinkIguana6, est constitué de vidéos d’elle en train de présenter des animaux en classe à des enfants ou de vidéos de danse semblables, sans oublier les tendances et filtres TikTok.
Les services du procureur de l’État ont indiqué que, « compte tenu des circonstances rapportées, la question du menottage de la suspecte et de l’apposition d’un bandeau sur ses yeux ne s’expliquait pas », ajoutant par ailleurs que la police n’avait pas ouvert d’enquête sur Hijaze pour incitation à la haine.
Encore récemment, le procureur de l’État, Amit Aisman, a reproché aux services de police de ne pas respecter l’obligation qui leur est faite de demander l’autorisation de ses services avant d’enquêter sur des cas d’incitation à la haine en arrêtant des personnes pour « troubles de l’ordre public ».