L’envoyé israélien à New York « profondément inquiet » face à la situation en Israël
Dans une rare critique du gouvernement de la part d'un diplomate en exercice, Asaf Zamir, nommé par Lapid, dit qu'un "foyer national" en Israël doit "être vraiment démocratique"
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le consul général israélien à New York a fait part de son « inquiétude profonde », jeudi, face à la direction empruntée par le pays – une critique rare de la part d’un diplomate en exercice concernant la politique gouvernementale et une indication supplémentaire du fort malaise face à l’initiative prise par la coalition israélienne de la ligne dure visant à réformer le système judiciaire du pays.
« Je suis profondément inquiet face à la direction empruntée aujourd’hui par le pays », a dit Asaf Zamir dans un discours prononcé lors du dîner de gala annuel de l’ANU Museum — Museum of the Jewish People, un dîner de collecte de fonds. « Si on veut avoir un foyer national, si on veut qu’il soit le foyer de tous, alors il doit être réellement démocratique ».
Une vidéo du discours qui a été prononcé lors de cet événement privé a été mise en ligne dans un premier temps par le site d’information Walla.
La dirigeante du conseil d’administration de l’ANU Museum est Irina Nevzlin, l’épouse du député du Likud Yuli Edelstein, qui a critiqué la coalition pour son obstination à faire passer en force cette refonte du système judiciaire. Il est difficile de dire si Nevzlin était présente lors du dîner de New York.
Zamir est en poste à New York depuis août 2021. Il avait été nommé à sa fonction par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Yair Lapid. Zamir avait déjà passé presque décennie dans l’arène politique à ce moment-là. Il avait été adjoint au maire de Tel Aviv puis il avait rejoint le parti Kakhol lavan, de Benny Gantz, en 2019, devenant ministre du Tourisme pendant un gouvernement d’unité formé entre le chef de son parti et le leader du Likud Benjamin Netanyahu – un gouvernement qui n’avait fait qu’une courte apparition au pouvoir.
Il avait démissionné de son poste de ministre en 2020 pour protester contre le gouvernement Netanyahu et la coalition s’était effondrée peu après, laissant la place à un autre gouvernement d’unité – qui devait rester un an à ses fonctions – placé sous l’autorité du responsable de la faction Yamina, Naftali Bennett, et de Lapid.
Zamir est resté à New York depuis que le gouvernement s’est effondré, au mois de juin dernier, alors même que d’autres diplomates qui avaient été désignés par Lapid – Yael German en France et Ronen Hoffman à Canada — avaient démissionné en signe de protestation contre les politiques de la coalition de Netanyahu.
« Nous vivons des périodes dramatiques dans nos vies, et ce qui est très particulier dans ces périodes dramatiques, c’est qu’on ne sait pas toujours qu’on est en train de les vivre au moment même où elles se produisent. Et j’ai ce sentiment qu’aujourd’hui même, nous traversons une période réellement dramatique », a-t-il affirmé aux centaines de personnes qui assistaient au dîner de gala.
Scoop: Israel's consul general in NY @asafzamir criticized last night the Netanyahu government's judicial overhaul: “I am deeply concerned about the direction the country (Israel) is going…if we want a national home & we want it to be everyone’s home – it has to be Democratic” pic.twitter.com/RsYrvREJzG
— Barak Ravid (@BarakRavid) March 17, 2023
« Cela fait 18 mois que j’explique Israël, que je représente Israël. Parfois, il y a des choses auxquelles je souscris moi-même et parfois, des choses avec lesquelles je suis clairement en désaccord. Cela fait partie du travail d’un diplomate. Cela fait partie du fait d’être citoyen israélien. Parfois c’est plus facile et parfois, c’est plus dur », a-t-il continué avant d’indiquer que sa mission était devenue beaucoup difficile à mener « au cours des dernières semaines ».
Parmi les autres diplomates qui avaient été choisis par Lapid, l’ambassadeur aux États-Unis Mike Herzog, l’ambassadeur aux EAU Amir Hayek, l’ambassadeur en Allemagne Ron Prosor et l’ambassadeur en Angola Shimon Solomon. Aucun d’entre eux n’a donné d’indication publique sur une possible démission. Leur contrat dure trois ans et il est rare qu’un nouveau gouvernement rappelle un envoyé nommé par un gouvernement précédent.
Malgré deux mois de manifestations publiques contre le projet de refonte judiciaire et malgré les avertissements lancés par les experts israéliens et internationaux des secteurs des affaires, du droit et des finances, et malgré aussi les mises en garde de l’armée, la coalition n’a pas mis en pause, ni ralenti sa campagne-coup de poing à la Knesset visant à faire adopter au plus vite les législations controversées.
Les projets de loi actuellement avancés au parlement donneraient au gouvernement et à la coalition le contrôle complet de la nomination de tous les juges en Israël ; ils interdiraient à la Haute-cour de réexaminer les Lois fondamentales, qui sont quasi-constitutionnelles en Israël et ils permettraient à la Knesset d’adopter des textes des lois dont le réexamen judiciaire par la Haute-cour sera interdit grâce à l’introduction d’une clause dans ce sens.
Les critiques s’insurgent contre des changements révolutionnaires dans la gouvernance d’Israël – en supprimant la capacité de la Haute-cour à tenir un rôle de contre-pouvoir face à la Knesset et à une coalition majoritaire. Ce qui est susceptible de transformer la démocratie libérale dans le pays en un autre système de gouvernance, ont averti les spécialistes.
De leur côté, les partisans de la refonte estiment que le système judiciaire a acquis trop de pouvoir au fil des décennies et que les propositions faites par le gouvernement rétabliront l’équilibre entre les différentes branches du gouvernement.