L’épopée de 8 réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée
Le livre de l’historien et enseignant Jean-Christophe Dubuisson livre un regard méconnu sur l’histoire de la Shoah en Belgique et rend hommage aux disparus et aux Justes
L’histoire démarre pendant la Shoah. Jacques Breuer, conservateur du département de la Belgique ancienne et directeur du service des fouilles des Musées royaux d’Art et d’Histoire du Cinquantenaire, à Bruxelles, abrite, cache et protège dans son musée le jeune Ralph Mayer, Juif, ami de son fils.
« Faute d’un autre refuge pour le fugitif et comme il eut été de la plus grande imprudence de recueillir celui-ci chez moi à ce moment, je résolus d’occuper le jeune Mayer dans mes bureaux du Musée, comme s’il s’était agi d’un étudiant. Avec la complicité du concierge, Mayer passait les nuits dans mon bureau personnel, y dormant sur un matelas pneumatique. Deux fois par jour, en venant au bureau, j’apportais la nourriture et, lorsque je m’absentais – ce qui arrivait fréquemment –, ma femme se chargeait de la chose », écrit Jacques Breuer dans un témoignage retrouvé par son arrière-petit-fils, l’historien et enseignant Jean-Christophe Dubuisson.
Aujourd’hui, celui-ci publie aux éditions Racine une enquête bouleversante, L’épopée de huit réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée, qui narre notamment le parcours de Ralph Mayer et des parents de celui-ci – un couple d’industriels déportés et tués à Auschwitz. Il y a quelques années, il avait permis la pose de pavés de la mémoire devant l’ancien domicile des Mayer, à Cologne, en Allemagne.
L’auteur revient également sur l’histoire de d’autres exilés qui ont fui l’Allemagne nazie pour la Belgique.
« Les chemins de l’Histoire avaient mené les Mayer dans un immeuble bruxellois où ils se cachèrent en compagnie d’autres réfugiés originaires de Francfort, les Bloch, et de Berlin. La destinée de ces huit Juifs m’intriguait, elle me faisait penser à l’histoire d’Anne Frank et de ses proches, ‘version belge’. J’entrepris donc de retracer leurs parcours », a-t-il expliqué au Times of Israël dans un mail.
Après la période passée dans cet appartement de Bruxelles, Ralph Mayer a été protégé par l’avocat belge Albert Jonnart, jusqu’à l’arrestation de celui-ci sur dénonciation d’un voisin. « Albert Jonnart est envoyé dans un camp de travail où il décède des suites de mauvais traitements. Ralph, lui, parvient à s’échapper par les toits », explique Jean-Christophe Dubuisson. C’est alors qu’il s’est retrouvé hébergé au musée, protégé par l’arrière-grand-père de l’auteur.
Celui-ci a mené son enquête pendant quatre ans. Ce travail l’a ainsi mené, outre la Belgique, en France, en Allemagne, en Pologne, en Suisse, en Israël et aux États-Unis.
Dans son livre, il relate aussi le parcours méconnu de certains personnages de cette époque : « Comme le gros Jacques, Juif qui accepta de collaborer avec les Allemands à Bruxelles. Ou Youra Livchitz, l’organisateur de l’unique attaque en Europe occidentale d’un convoi à destination d’Auschwitz. Il a permis de libérer 261 prisonniers. Ou encore Hélène Moszkiewiez, une résistante juive qui infiltra la Gestapo bruxelloise, ou encore le docteur Arthur Bloch qui se suicida au sein de la caserne Dossin… »
Son enquête livre ainsi un regard méconnu sur l’histoire de la Shoah en Belgique. Il vient aussi rendre hommage aux disparus et aux Justes qui risquèrent leur vie.
Les Breuer ont été reconnus « Justes parmi les nations » par l’État d’Israël l’an dernier.
Jean-Christophe Dubuisson avait déjà publié deux ouvrages, Une famille belge dans la tourmente de l’Histoire et Decoster le dernier guide de Napoléon, publiés en 2018 et 2019 aux éditions Jourdan.