Les 7 survivants de la cérémonie de Yad Vashem
Une répétition générale pleine d'émotion a permis de rencontrer les rescapés de la Shoah qui ont allumé la torche et la femme qui a partagé son histoire avec le pays au cours de la cérémonie de dimanche

Soixante-douze ans après la fin de l’Holocauste, sept individus marchent fièrement sur la scène, libres et en sécurité au sein l’état juif alors qu’ils participent à la répétition générale de la cérémonie d’allumage de la torche qui a eu lieu dimanche à Yad Vashem pour marquer le début de la Journée de la commémoration de l’Holocauste qui, cette année, a commencé dimanche dans la soirée.
Chacun d’entre eux est un survivant. Certains sont des héros et ont sauvé des vies durant des procès cauchemardesques. Six ont été sélectionnés pour allumer des torches lors de la cérémonie nationale. L’un des rescapés, une femme, a partagé également son histoire.
Max Privler est assis gravement dans son fauteuil roulant, dans son uniforme de vétéran, la poitrine recouverte de médailles et le visage intimidant. Devant et au centre des décorations, une étoile jaune où figure le mot « Juif ». Durant un moment de relâche, il se penche vers Elka Abromovitz, au visage doux, qui a allumé la torche après lui, et lui raconte une histoire d’un ton bourru en yiddish pendant ce qui semble être une éternité. Encore et encore, il répète les mots « meshuga » et « meshuganeh » jusqu’à ce qu’Elka éclate de rire.
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En termes de vêtements, d’accent, de comportement, les sept se distinguent les uns des autres – un contraste douloureux avec la déshumanisation que les nazis ont cherché à leur imposer en leur imprimant des chiffres sur le bras.
Le sourire illumine leurs regards et leurs déplacements.
Ils racontent des histoires uniques sur les différents mondes dont ils sont originaires – des villes et des villages de régions différentes, parfois éloignées, d’Europe, et les milieux variés dont la guerre les a extraits, qu’ils soient traditionnellement hassidiques ou laïcs.
Ce qui les unit, cela a été la tentative de l’ennemi de leur dérober – ainsi qu’à tous ceux qu’ils connaissaient – leur individualité au cours du pire génocide que le monde a connu.

« L’histoire de mon grand-père est très spéciale », indique Amit Jakubowitz, 20 ans, parlant de Moshe Jakubowitz. « Il a traversé tant de choses dans sa vie, en Pologne et dans les ghettos ».
Des chaises en plastique ont envahi la place du ghetto de Varsovie à Yad Vashem, méticuleusement alignées, rangée après rangée. Autour d’elles, des employés gravitent, lançant des instructions à voix haute, laissant occasionnellement s’échapper un juron. Un échafaudage à été dressé, une grue de caméra est à la recherche du meilleur angle et les techniciens du son testent des micros en nombre insuffisant.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a prononcé un discours ainsi que le président Reuven Rivlin. Le directeur de Yad Vashem Avner Shalev a allumé la torche de commémoration. Et l’une des rescapées de l’horreur, Esther Miron, s’est adressée à la foule.
Sur un coin de la scène, les sept survivants reçoivent les instructions de dernière minute pour la répétition générale et, avec obligeance, s’assoient, se lèvent, s’assoient une nouvelle fois. A côté d’eux, un membre plus jeune de leurs familles respectives semble être sensible à l’honneur de figurer aux côtés de son aïeul.

Une chanson perçante s’élève dans l’air, triste, belle, sans assistance d’un micro – et quelques têtes se retournent pour observer Roni Dalumi, une jeune pop-star israélienne, vider son coeur sur la scène.

Un par un, les rescapés sont à contrecoeur appelés pour parler avec la presse. Certains s’expriment faiblement et d’autres avec vigueur, mais là encore, les histoires commencent à s’entremêler alors que l’horreur émerge. Il est facile de perdre la trace des membres de la famille qui ont disparu… D’oublier quels sont les mois, les années, qui se sont succédé, camp après camp… Et quelles ont été les maladies qui ont brisé les corps.
Et les regards portés sur les visages de leurs compagnons plus jeunes reflètent toute une série d’émotions similaires : Une solennité obligée – il est manifeste qu’ils ont entendu ces récits de nombreuses fois auparavant – mais également une étincelle de curiosité, comme si un nouvel élément avait été révélé dans cette nouvelle narration des choses.
Le visage obsédant de Moshe Ha-Elion, le regard taquin d’Abromovitz et le sourire espiègle de Moshe Porat laissent une marque durant les entretiens et font revivre des descriptions animées de Salonique, de Roumanie et de la Hongrie rurale d’avant-guerre.
Au milieu de son récit, Miron ne peut plus continuer. Alors qu’elle décrit les forces alliées se saisissant de son corps indifférent, cloué au sol, durant la libération de Mauthausen, elle s’arrête, demande pardon, réclame une carte de visite et offre de continuer son récit un autre jour.

« Après la guerre, ceux d’entre nous qui sommes retournés chercher des survivants dans notre village avons décidé de partir en Israël », dit Porat. « Et nous sommes allés à travers l’Europe, et nous y sommes encore et encore retournés et nous nous sommes dit : ‘Demain, nous partirons en Israël. Demain’. Il m’a fallu trois ans lorsque j’ai été libéré de Mauthausen pour y arriver. Demandez-moi pourquoi ».
Il attend qu’on le lui demande.
« Il n’y avait pas d’Israël », dit-il. « Il n’y avait pas de droit au retour ».
Abromovitz est elle aussi catégorique. Elle a été retenue par les Britanniques à Chypre pendant des mois avant d’obtenir l’accès au mandat britannique de Palestine, peu de temps avant la déclaration d’indépendance d’Israël.
« Nous avions besoin de cet endroit », dit-elle d’une voix stridente. « Nous avions besoin d’un endroit où les Juifs pourraient aller si quelque chose de similaire devait se passer à nouveau. Où John Doe de Nouvelle-Zélande pourrait se rendre, acheter un billet sans devoir demander la permission. Et nous avons besoin de gens comme vous pour construire cet endroit et lui donner sa force, et ne pas être distraits par ces idées que les gens peuvent avoir à l’étranger ».
Les propos sont transparents et crus, vides de toute justification ultérieure ou de rhétorique politique. Ils contiennent ce désir animal de vivre, transportés par cette conviction – qui s’est trouvée un jour si ancrée dans la réalité – que la vie ne doit pas être une option.
Même si elle a perdu son époux l’année dernière, Abromovitz continue à être bénévole au sein de l’organisation de la commémoration de l’Holocauste et elle vient également en aide aux familles des soldats de l’armée israélienne décédés au combat. Elle consacre énormément de temps à écouter les expériences des autres.
« Je continue seulement à le faire, même si cela fait mal parfois, avec la perte de mon mari », dit-elle. « Je veux continuer… Et vous, vous êtes d’où ? Quand est-ce que vous êtes arrivé ? Maintenant, c’est à mon tour de vous interviewer ».
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