Les Accords d’Abraham peuvent grandir avec les implantations, selon une démocrate US
Dans une interview accordée au ToI, la sénatrice Kirsten Gillibrand propose d'offrir des F-35 aux pays signataires des accords qui investissent dans l'aide aux Palestiniens
WASHINGTON — La sénatrice démocrate Kirsten Gillibrand a déclaré que l’élargissement des Accords d’Abraham ne doit pas être nécessairement accompagné par une limitation de l’expansion des implantations israéliennes en Cisjordanie.
« Je pense qu’on peut avoir ces négociations sur les Accords d’Abraham indépendamment de toute autre question politique locale », déclare Gillibrand au Times of Israel lorsqu’elle est interrogée sur la possibilité de faire avancer les discussions portant sur l’Accord au même moment où de nouvelles habitations sont simultanément construites par Israël au-delà de la Ligne verte.
Ce positionnement exprimé par cette membre du congrès de longue date et originaire de New York au cours d’un entretien qu’elle a accordé quelques jours après un voyage dans les quatre pays signataires des Accords d’Abraham – Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc – en compagnie d’autres sénateurs semble être aux antipodes de l’approche sur la question pour laquelle a opté l’administration Biden.
L’administration a fait part d’une opposition sans équivoque aux constructions dans les implantations. Elle veut aussi tenter de tirer parti des Accords d’Abraham pour améliorer l’existence des Palestiniens et leurs moyens de subsistance, et elle souhaite renforcer les perspectives de résolution du conflit sur la base de la solution à deux États – un cadre qui apparaît clairement comme contradictoire avec une expansion supplémentaire de la présence israélienne en Cisjordanie, que les Palestiniens considèrent comme l’ensemble de leur futur État.
Gillibrand n’approuve pas les constructions dans les implantations mais elle paraît bien moins inquiète face à une possible augmentation de ce type d’initiative sous le nouveau gouvernement de la ligne dure du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a été établi sur la base d’engagements en faveur du développement de la présence israélienne en Cisjordanie.
« Je pense que le Premier ministre Netanyahu a une forte emprise sur son gouvernement », affirme-t-elle.
Gillibrand a été accompagnée lors de son voyage dans la région par six autres sénateurs qui font partie du Caucus des accords d’Abraham au Congrès, qui cherche à consolider les accords de normalisation depuis la colline du Capitole. Cette délégation bipartisane avait fait les gros titres lorsque l’une de ses co-dirigeantes, la démocrate Jacky Rosen, avait demandé au ministère des Affaires étrangères, avant son voyage, à ne pas rencontrer les ministres d’extrême-droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich ou toute autre personnalité issue de leurs formations respectives, Otzma Yehudit et Hadzionout HaDatit. Ben Gvir et Smotrich ont de longs antécédents de paroles hostiles à l’encontre des Arabes israéliens, des Palestiniens et de la communauté LGBTQ.
La sénatrice de New York indique qu’elle avait eu connaissance de la demande de Rosen par le biais des médias, ajoutant que ce déplacement ne prévoyait pas, de toute façon, de telles rencontres dans la mesure où les législateurs se sont majoritairement entretenus avec des chefs d’État.
Gillibrand établit clairement qu’elle nourrit ses « propres inquiétudes concernant les déclarations ou les actions entreprises par les membres de l’extrême-droite au sein de la coalition israélienne. Mais une fois encore, le Premier ministre nous a assuré que ce ce sont ses positionnements, et pas les leurs, qui rentrent en jeu… Et je veux le croire sur parole. »
Gillibrand, l’une des législatrices démocrates les plus pro-israéliennes, fait part d’un optimisme particulier sur la possibilité de développer encore les Accords d’Abraham à l’issue de ses visites dans les quatre pays.
« J’ai eu le sentiment que les dirigeants du Maroc, de Bahreïn et des Émirats arabes unis voulaient tous renforcer, élargir et approfondir les Accords d’Abraham », explique-t-elle. « Ils veulent encore développer les investissements économiques avec Israël ainsi qu’un plan régional de sécurité avec les États-Unis et Israël » dans la lutte contre l’Iran.
Elle ajoute qu’elle espère vraiment que de nouveaux pays rejoindront les accords, nommant le Koweït. Allié des États-Unis, ce petit pays en développement a exclu avec véhémence toute possibilité de suivre l’exemple des EAU et de Bahreïn, même si les rumeurs ont laissé entendre qu’il pourrait rejoindre les Accords.
Gillibrand estime que les États-Unis devraient vivement recommander aux pays signataires des Accords d’Abraham d’investir dans des projets humanitaires en direction des Palestiniens « en échange de F-35 et autres technologies dont ils désespèrent de bénéficier, ce qui les aidera à créer un système de défense antiaérienne contre l’Iran ».
L’administration Trump avait accepté de vendre aux Émirats 50 avions de chasse F-35 dans le cadre d’un accord conclu en marge du processus de normalisation avec Israël – mais qui avait été considéré comme déterminant pour permettre à ce dernier de se concrétiser. L’administration Biden, pour sa part, a critiqué cette vente, inquiète de ce qu’elle ne mette en péril l’avantage militaire qualitatif de Jérusalem face aux autres nations de la région. La vente n’a pas été annulée mais les négociations n’ont pas encore abouti.
L’idée de vendre de telles armes à l’Arabie saoudite – très courtisée par les partisans des Accords d’Abraham – est encore moins populaire aux États-Unis et particulièrement au sein du parti démocrate en raison des tristes antécédents de Ryad en matière de droits de l’Homme et de la politique énergétique qui a été adoptée par le royaume.
Mais Gillibrand, qui siège à la Commission des forces armées et des renseignements au sénat, laisse entendre que cette perspective reste encore envisageable. Elle explique que les modalités d’un éventuel accord doivent être négociées et que les États-Unis doivent aussi obtenir l’assurance que leur technologie militaire ne sera pas partagée avec la Chine, dont l’influence est croissante dans la région.
« Dans le contexte d’un accord régional de paix plus large, je pense malgré tout qu’on peut discuter de tout ça », ajoute la sénatrice.
La délégation s’est rendue en Cisjordanie où elle a rencontré le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Mohammad Shtayyeh.
Ce dernier s’est montré « très ouvert », lui aussi, aux Accords d’Abraham, affirme Gillibrand.
Mais les autorités à Ramallah ne se sont-elles pas refusées à s’engager dans cette initiative jusqu’à présent ?… Gillibrand maintient ses propos.
« Je lui ai demandé : ‘Si les EAU voulaient investir un milliard de dollars dans des infrastructures d’eau sur les territoires palestiniens, est-ce que vous seriez favorable à cette initiative dans le cadre des Accords d’Abraham ?’ et il m’a répondu : ‘J’y serais très favorable’, » se souvient la sénatrice.
Le Times of Israel est entré en contact avec le bureau de Shtayyeh pour d’éventuels commentaires – une demande qui était encore sans réponse au moment de la rédaction de cet article.
« [Shtayyeh] veut de la stabilité et comme une nouvelle génération est en train de grandir, il veut leur donner un avenir d’espoir – des objectifs qui sont légitimes pour tout dirigeant d’une nation… Il y a des moyens de le faire avec ce gouvernement de Netanyahu, sous les auspices d’un accord du genre des Accords d’Abraham », déclare-t-elle.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel