Les banquiers à Smotrich : La réforme judiciaire a déjà des conséquences économiques
Les banquiers préviennent le ministre que le montant des fonds sortant du pays sont 10 fois plus élevés que d'habitude dû aux craintes liées à la réforme et à l'instabilité

Des responsables de banques ont mis en garde mardi le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, des dommages que pourraient causer à l’économie les mesures prises par le gouvernement pour restreindre le pouvoir judiciaire.
Au cours d’une réunion tendue, les membres de l’Association des banques d’Israël ont déclaré qu’ils avaient décelé des signes avant-coureurs indiquant que la législation prévue porterait atteinte à l’économie et ils ont exhorté la coalition d’adopter le compromis proposé par le président Isaac Herzog, selon la presse israélienne.
Les responsables de banque avaient auparavant publié une lettre de soutien à la proposition de Herzog.
Uri Levin, le PDG de l’Israel Discount Bank, a déclaré au cours de la réunion qu’il était profondément préoccupé par l’impact économique de la réforme, et qu’il en voyait déjà les retombées.
« Il y a des indicateurs négatifs. Nous observons une multiplication par dix du nombre de personnes souhaitant ouvrir un compte d’épargne dans une banque étrangère. Le shekel s’affaiblit, le facteur de risque d’Israël augmente et notre bourse se porte moins bien que les autres dans le monde », a-t-il dit, selon la Douzième chaîne. « Le marché est basé sur la confiance et si nous ne mettons pas fin à cela maintenant, nous pourrions devoir faire face à une crise sévère. »
Les préoccupations de Levin ont été partagées par d’autres banquiers de haut niveau.
Un autre participant aurait déclaré : « L’argent quitte Israël à un rythme dix fois plus élevé que d’habitude. »
Smotrich aurait balayé les mises en garde et accusé les banquiers de pratiquer une politique de deux poids deux mesures.
« Votre travail consiste à rassurer le public. Vous avez une responsabilité en tant que directeurs de banque. Je ne me souviens pas vous avoir entendu manifester votre inquiétude à propos des accords d’Oslo ou de l’évacuation de Gush Katif », a déclaré Smotrich, chef du parti extrémiste HaTzionout HaDatit, évoquant les communautés évacuées de Gaza lors du désengagement de 2005.
Il a insisté sur le fait que le remaniement judiciaire renforcera l’économie en réduisant l’interférence juridique dans les transactions commerciales.
« Nous allons préparer un budget responsable, axé sur la croissance, qui comprendra de nombreuses réformes. Nous ne dépasserons pas le budget et il n’y aura pas de dépenses excessives pour la coalition », a indiqué Smotrich.
Le ministère des Finances a déclaré dans un communiqué que les banquiers avaient « discuté avec le ministre des Finances des questions économiques actuelles et ils lui ont présenté un tableau à jour de la situation ».
La réunion comprenait des dirigeants de la Bank Hapoalim, de la Bank Mizrahi, de la Israel Discount Bank et de la First International Bank of Israel.

La tentative du gouvernement d’affaiblir radicalement le système judiciaire a déclenché des manifestations de masse, une forte pression de l’opposition, des grèves et des avertissements de la part des chefs d’entreprise.
Ces dernières semaines, des entreprises technologiques, financières, des sociétés commerciales, des responsables politiques et d’éminents économistes ont répété leurs avertissements : le projet de réforme judiciaire, qui, d’après eux, représente une menace pour la démocratie, nuira à la position d’Israël en tant que pôle d’investissement stable.
Nombre d’entre eux craignent que l’affaiblissement du système judiciaire ne crée un climat d’incertitude dans lequel les investisseurs étrangers seront moins enclins à injecter des fonds dans les entreprises locales. Cette situation pourrait à son tour contraindre les entreprises locales et internationales à partir et à s’installer ailleurs. Le secteur technologique israélien est crucial à l’économie et dépend des investissements étrangers et de la coopération avec les entreprises étrangères.
Des centaines de start-ups technologiques, de cabinets d’avocats et d’autres entreprises du secteur privé ont autorisé leurs employés à participer à une grève nationale mardi, prévoyant même des bus pour les emmener jusqu’à la capitale pour y manifester en masse.
Un certain nombre de « licornes » israéliennes – des entreprises valant plus d’un milliard de dollars – ont déjà annoncé qu’elles retiraient des fonds importants de leurs comptes bancaires israéliens pour les placer à l’étranger en raison de la pression exercée par des investisseurs étrangers inquiets.
La semaine dernière, plusieurs dizaines de personnalités du monde économique ont écrit un courrier au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour l’exhorter à tenir des négociations sur ces propositions, et elles ont présenté un cadre alternatif à la réforme.
La semaine dernière également, plus de 50 économistes réputés d’universités américaines ont écrit une lettre ouverte à Netanyahu pour l’avertir que la restructuration judiciaire serait « préjudiciable » à la croissance économique.
Au début du mois, le principal institut financier américain JPMorgan a prévenu du risque croissant d’investir en Israël en raison des projets du gouvernement, dont la portée serait considérable.
Malgré ces avertissements, la coalition a fait avancer la législation, qui devrait être soumise en séance plénière de la Knesset pour un premier vote la semaine prochaine.
La réforme judiciaire, proposée par le ministre de la Justice Yariv Levin et soutenue par Netanyahu, accorderait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, y-compris ceux de la Cour suprême ; elle limiterait sévèrement la capacité de la Haute Cour à annuler des lois et elle permettrait à la Knesset de relégiférer les lois que la Cour aurait réussi à invalider avec une majorité de seulement 61 députés.
Les critiques affirment qu’avec d’autres projets de loi, ces réformes radicales porteraient atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tous les pouvoirs à l’exécutif et en laissant sans protection les droits individuels et sans défense les minorités. Netanyahu et d’autres membres de la coalition ont rejeté ces critiques.