Les cerveaux derrière le Dôme de fer
Les diplômés du Technion du projet Dôme de fer de Rafael expliquent comment ils ont surmonté d'énormes difficultés pour construire le système de défense antimissile
Le développement de Dôme de fer a transformé nos vies, nous imposant des semaines de travail intenses et même certains week-ends. Je n’étais jamais à la maison avant 23 heures, et bien sûr, je n’ai pas pris un seul jour de congé pendant trois années entières. Mais je ne regrette pas un seul instant », dit H., un diplômé de la Faculté du Technion de génie mécanique (1975), qui dirige le projet Dôme de fer à Rafael Defense Advanced Systems Ltd.
En 2004, le ministère israélien de la Défense publiait un appel de propositions pour un système d’interception de roquettes de courte portée. Une équipe d’experts de l’agence de R&D du ministère (Mafat) a évalué 24 propositions et le Dôme de fer de Rafael, capable de fonctionner dans toutes les conditions météorologiques, a été élu.
H. note que les membres de l’équipe initiale du projet, G., D., A. et C., sont tous diplômés du Technion. « Bien sûr, la réussite du système revient à des centaines d’ingénieurs, techniciens et gestionnaires qui ont participé à son développement », ajoute H., mais l’équipe contient « certainement les principaux acteurs ».
Le défi était de développer un système capable d’identifier les menaces aériennes, principalement des roquettes, et de les éliminer de manière autonome. H. explique : « Notre système comprend un capteur qui permet de localiser la menace, un centre de commandement et de contrôle qui analyse la trajectoire de la roquette et son potentiel de dégâts, et un (missile) intercepteur qui élimine. C’est un système très complexe. »
« Les roquettes Qassam sont constituées de composants de fortune, et leurs trajectoires sont très ‘chancelantes’ plutôt que droites. Imaginez une bouteille de Coca voler plusieurs fois plus vite que la vitesse du son sur un parcours irrégulier. L’intercepter semble tiré par les cheveux. »
D., ingénieur en chef de Dôme de fer, ajoute : « Si cela ne suffisait pas, nous avons été confrontés à certaines contraintes exténuantes », notamment l’impératif de développer le système « dans un délai de 30 mois. Juste pour préciser, nous avons passé plus de 10 ans sur le développement du missile précédent. En outre, le coût approuvé était un huitième du système précédent. »
Certains ont affirmé que Dôme de fer n’était pas aussi efficace que les alternatives proposées. En réponse, A., diplômé de la Faculté de génie aérospatial du Technion (2000), précise, « nous devrions peut-être remercier les médias. Parce que quand vous lisez un article cynique, vous vous dites, ‘on va leur montrer’ et vous vous attaquez au projet, revigoré. Nous savions que finalement les critiques éveilleraient notre réaction, qui est venue quand le premier déploiement opérationnel a détruit huit roquettes sur huit au-dessus d’Ashkelon et de Beersheva. »
A., ingénieur des systèmes et du lanceur de l’intercepteur, poursuit : « Un vendredi, en 2007, j’étais à la maison, frustré par les attaques de roquettes sur Sderot. Je me suis dit, nous devons faire quelque chose. Au début de la semaine, D. m’a pris à part et m’a invité à rejoindre l’équipe de Dôme de fer. C’était comme un rêve devenu réalité. »
« Nous avons développé rapidement d’excellentes capacités de dépistage qui nous ont aidés à décider quand abandonner une idée et passer à autre chose », continue A. « Cela ne signifie pas qu’au long du chemin, il y a pas eu des crises et d’échecs, mais nous n’avons jamais désespéré. Nous avons développé une culture de travail de prise de risques, basée sur la compréhension que les échecs vous apprennent aussi beaucoup. »
« Chaque expérience – réussie ou non – était suivie d’une enquête professionnelle et approfondie. Nous avons appris à créer des solutions dans les heures suivantes, puis à répéter l’expérience. »
« Le succès d’un projet dépend toujours du choix des bonnes personnes », dit D., diplômé de la Faculté de génie aérospatial (1972). « Les meilleurs dans le domaine se sont réunis pour ce projet. La décision de donner la priorité de ce projet à Rafael et de réunir d’excellents éléments d’autres projets a sans aucun doute eu beaucoup de poids. »
H. ajoute : « Les gens se sont battus pour participer au projet. Il est clair qu’il transcende le défi technologique ; c’est une mission nationale. »
« Nous avons cru que nous allions réussir, mais c’était un défi sans précédent. Rétrospectivement, ce sont les contraintes, qui semblaient presque insurmontables, qui nous ont conduits à développer des solutions créatives et victorieuses. La simplicité du système a également été démontrée dans le processus de fabrication. L’équipe de production nous a affirmé que c’était le missile le plus simple qu’ils aient jamais fait. »
« Une des lignes directrices de ce projet était de ne pas faire du génie, ne pas réinventer la roue », dit G., diplômé de la Faculté de génie agricole (1976), responsable du lanceur. « C’est pourquoi nous avons approché différents fabricants pour toutes les technologies disponibles. Par exemple, j’ai parlé au fabricant du système de missiles Patriot pour en savoir davantage sur l’achat de certaines pièces, mais le prix était très élevé et nous avons dû développer les parties nous-mêmes. En conséquence, les pièces sont très simples et peu coûteuses. »
« C’était une expérience incroyable. Je travaille à Rafael depuis 30 ans et je pense qu’il n’y a jamais eu de si belle équipe », dit G.
C., titulaire d’une maîtrise en ingénierie des systèmes (2010), ajoute : « Un très grand nombre de composants matériels et logiciels doivent être intégrés dans la construction des systèmes de Dôme de fer (intercepteur, lanceur, centre de commandement et de contrôle, et radar). Nous avons dû utiliser une nouvelle stratégie d’intégration et de test qui nous a permis de combiner rapidement des sous-systèmes de différentes équipes de développement et de tester le système de fonctionnement dans son entité. »
« Les contraintes de temps nous ont contraints à continuer à développer le système pendant les tests. Il en est résulté beaucoup de travail avec des versions revisitées dans les laboratoires, par rapport à n’importe quel autre projet. Nous avons formulé des pratiques de travail tirées d’autres projets, mais surtout inspirées de notre propre expérience. »
H. conclut : « Nous avons dû rappeler que la mission n’était pas d’obtenir un système parfait, mais plutôt un système qui fonctionne bien. Notre relation avec les gens sur le terrain était sans précédent ; c’était essentiel pour adapter le système à toutes les contraintes. »
Cet article a été publié par la revue du Technion en anglais, Focus Magazine, et est disponible ici (avec des modifications rédactionnelles mineures) avec l’autorisation du Technion.