Les chrétiens d’un village du nord de la Galilée, redoutant l’avenir, s’appuient sur leur foi
Dans la paix ou dans la guerre, les cloches des églises de Fassuta sonnent tous les jours - ce qui donne de l'espoir à certains habitants ; d'autres s'inquiètent de la prochaine génération et d'un retour à la guerre
- Le Père Michael Assi après la messe du dimanche matin à l'église Mar Elias à Fassuta le 23 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
- Lina Assi, épouse du Père Michael Assi, après la messe à l'église Mar Elias à Fassuta, le 22 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
- Khalil Khoury se tient sur le porche de sa maison avec le Liban en arrière-plan, le 23 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
FASSUTA — En ce dimanche matin clair et lumineux, les cloches de l’église Mar Elias résonnent depuis tout en haut de la colline. Les habitants du village chrétien melkite de Fassuta, qui est situé à 3,5 kilomètres au sud du Liban, font chanter quotidiennement les cloches de leur église et c’était d’ores et déjà le cas bien avant le récent conflit qui a opposé Israël, au Hezbollah, au Liban, à la frontière nord du pays – elles sonnent en temps de paix comme en temps de guerre.
« Même pendant la guerre, les cloches de l’église ont sonné tous les jours, explique Rima Khoury, qui est la cofondatrice de Beit Rima, un centre culturel du village. « Elles sonnaient le matin, à midi et le soir. C’était comme un rappel fort : celui que nous sommes réellement protégés et que nous sommes ici, en sécurité ».
Toutefois, à la veille de la visite effectuée par le Times of Israel, le 23 mars, six roquettes tirées du sud du Liban sur le nord d’Israël ont souligné la fragilité du traité de paix conclu entre le Hezbollah et Israël.
Cela fait quatorze mois que les 3 400 habitants de Fassuta vivent sous la menace très concrète des tirs de roquettes – depuis le 8 octobre 2023, date à laquelle le Hezbollah avait commencé à lancer des projectiles en direction d’Israël en soutien à son allié, le Hamas, dans le contexte de la guerre à Gaza. Une guerre qui avait commencé le 7 octobre 2023, quand plus de 5 000 terroristes qui étaient placés sous la direction du Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Les hommes armés avaient commis des atrocités et ils avaient utilisé les violences sexuelles comme arme à grande échelle.
Les habitants de Fassuta n’ont pas été évacués pendant la guerre – mais le village est devenu une zone militaire fermée. Après la signature du traité de paix, le 27 novembre 2024, les visiteurs ont commencé à revenir à Fassuta, s’aventurant dans ses ruelles étroites et pleines de charme.
Mais l’attaque de samedi a provoqué des annulations – et les habitants doutent, une fois de plus, de leur sentiment de sécurité.
Selon le Bureau central des statistiques (CBS), environ 180 000 chrétiens vivent en Israël, soit 1,8 % de la population du pays.
« Quel est l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants ? », s’interroge Sharif Eseid, qui se tient aux abords de l’église de Fassuta, devant la journaliste que je suis. Il travaille à l’hôpital EMMS de Nazareth où il est infirmier au bloc opératoire. Il montre d’un geste son fils Wadea, un élève de terminale qui veut se lancer dans des études d’ingénieur. « S’il part étudier en Europe, il ne reviendra pas », déplore-t-il.
Un message confié de manière répétée par les habitants de Fassuta que le Times of Israel est amené à rencontrer : La nouvelle génération doute de son avenir, que ce soit dans le village ou plus largement en Israël.

« Tout le monde, ici, connaît quelqu’un qui est parti s’installer ailleurs », explique Khalil Khoury, âgé de 25 ans, qui est diplômé d’une école d’architecture et qui est actuellement à la recherche d’un emploi.
« Les gens ne se lancent plus dans une construction dans le nord depuis le début de la guerre », ajoute-t-il. Tout en cherchant du travail, il aide son père, Walied, qui est forgeron.
Selon une nouvelle enquête, 36 % des chrétiens en Israël et à Jérusalem-Est envisagent de quitter le pays, un chiffre qui atteint les 48 % chez les moins de 30 ans.
Les résultats préliminaires de l’étude ont été diffusés le 27 mars par l’ONG israélienne Rossing Center for Education and Dialogue – en même temps que paraissait son rapport annuel 2024 sur les attaques essuyées par les chrétiens en Israël et à Jérusalem-Est.

Pour presque la moitié des résidents interrogés par le Times of Israel, la question de la sécurité est l’un des facteurs les plus importants entrant en compte dans cette envie de partir. Un autre tiers mentionne la situation socio-politique.
A Fassuta, un acte de vandalisme a été commis contre des biens de l’église – un acte qui a été répertorié dans le rapport de l’ONG Rossing. Selon l’organisation, ce sont 35 incidents de ce type au total qui sont survenus dans tout Israël. Huit se sont produits en Galilée.

Au mois de décembre, une statue de la vierge Marie qui se trouve à l’entrée du village a été prise pour cible par des vandales – la vitre qui la protégeait et certaines de ses décorations ont été brisées. L’auteur des dégradations serait, semble-t-il, un Juif religieux. La statue a depuis été réparée.
En même temps, selon l’enquête, les chrétiens de Galilée paraissent avoir été davantage épargnés par le harcèlement en raison de leur identité religieuse que leurs coreligionnaires, ailleurs dans le pays.
L’une des conclusions de l’enquête a aussi souligné que l’église jouait un rôle important pour plus de huit chrétiens sur dix en Israël et à Jérusalem-Est – 33 % des personnes interrogées déclarant participer régulièrement aux activités de l’église et 52 % de manière plus occasionnelle.
Un prêtre catholique melkite – et son épouse
À Fassuta, le père Michael Assi, prêtre de l’église Mar Elias, a fait la messe devant plus de 100 fidèles. Il s’entretient ensuite avec le Times of Israel.
« Nous espérons que la paix viendra », déclare-t-il. « Nous avons besoin de paix. Nous voulons vivre en paix ».
Officiellement, l’église melkite est affiliée à l’Église catholique – mais elle partage le rite byzantin de nombreuses églises orthodoxes orientales. Et, comme dans les églises orthodoxes orientales, les prêtres melkites ont le droit de se marier.

Lina, son épouse, évoque les difficultés rencontrées pendant la guerre.
Elle explique que le plus effrayant était de conduire sous les tirs de roquettes jusqu’à l’autre village chrétien melkite de Mielia, en Galilée, qui se situe à environ 15 kilomètres, où elle enseigne l’hébreu dans une école élémentaire. L’après-midi, elle rentre à Fassuta en empruntant des routes désertées et elle organise des activités religieuses pour les jeunes du village.
Elle raconte que depuis leur habitation, sur la colline de Fassuta, ils peuvent voir le Liban : « On voit les bombes et la fumée ».
« C’est devenu une habitude », note-t-elle, presque sans se poser de questions. « Les sirènes, aller dans l’abri, les explosions, l’attente, retourner à la maison… »
Pendant la guerre, la messe a été célébrée les dimanches et les jours fériés, sans changements – mais le Commandement du Front intérieur a toutefois limité le nombre de fidèles autorisés à entrer dans l’église.

« Tous, dans le village, nous nous sommes habitués à la routine de la guerre : les alertes, les explosions, les coups de feu, les incendies », dit-elle. « La foi en Dieu et les prières m’ont aidée à faire face à la situation ».
Elle dit craindre que la guerre ne reprenne et qu’elle « n’éclate de manière plus brutale, avec des meurtres en représailles ».
« J’espère qu’un accord de paix va être signé dans la région et que nous allons connaître des jours calmes et tranquilles », s’exclame-t-elle.
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