Israël en guerre - Jour 396

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La première femme maire de la ville espère inverser la tendance grâce au tourisme

Les chrétiens s’inquiètent de voir leur communauté disparaître à Bethléem

Là où est né Jésus-Christ, la population chrétienne a chuté de 86 % à 12 % en 60 ans, suivant une tendance présente dans tout le Moyen Orient, sauf en Israël

Un charpentier palestinien sculpte sur du bois dans un atelier de Bethléem, le 13 décembre 2016. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)
Un charpentier palestinien sculpte sur du bois dans un atelier de Bethléem, le 13 décembre 2016. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)

Marquant le lieu de naissance de Jésus-Christ, l’arbre de Noël de la place de la Mangeoire de Bethléem mesure 17 mètres de haut. Pendant la saison des fêtes, les visiteurs affluent autour de sa base, prenant des selfies tout en mangeant du maïs servis dans des coupes en papier. Les lumières de Noël décorent la vielle allée pavée et les vendeurs de fallafels travaillent plus tard que d’habitude.

Plus d’un million de visiteurs étrangers visitent l’église de la Nativité tous les ans, particulièrement au moment de Noël. Peu de visiteurs remarqueront que quelque chose ne va pas pendant une visite rapide sur le lieu de naissance de Jésus-Christ, alors qu’ils s’élancent dans la cathédrale, l’appareil photo à bout de bras, et prennent quelques minutes pour parcourir la pléthore de magasins vendant des babioles chrétiennes, comme l’ont fait les visiteurs depuis des décennies. Mais derrière les joyeuses lumières de Noël, la démographie raconte une histoire différente.

La population chrétienne de Bethléem disparaît rapidement, alors que les membres de la communauté partent en masse à l’étranger.

Bethléem, ainsi que les villages voisins de Beit Sahour et Beit Jala, étaient à 86 % chrétiens en 1950. Mais en 2016, la population chrétienne ne représente plus que 12 % des habitants, selon la maire de Bethléem, Vera Baboun, une catholique qui est la première femme à être élue dans la ville.

L'arbre de Noël de 17m de haut de la place de la Mangeoire à Bethléem, le 11 décembre 2016. (Crédit : Sebi Berens/Flash90)
L’arbre de Noël de 17m de haut de la place de la Mangeoire à Bethléem, le 11 décembre 2016. (Crédit : Sebi Berens/Flash90)

Cette tendance se retrouve dans toute la Cisjordanie. Dans les années 1970, les chrétiens représentaient 5 % de la population. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 2 %. A Bethléem, il ne reste que 11 000 chrétiens là où est né le christianisme.

La situation des chrétiens est encore plus précaire dans la bande de Gaza. En 2006, un avant que le groupe terroriste du Hamas ne prenne le pouvoir au Fatah, plus modéré, 5 000 chrétiens vivaient dans la bande. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 1 100, selon Samir Qumsieh, chercheur spécialiste des sujets chrétiens et propriétaire de Nativity TV, la seule chaîne de télévision chrétienne de Cisjordanie.

En Israël, la population arabe chrétienne a cependant augmenté en suivant la croissance démographique, gagnant 5 000 membres ces 20 dernières années. Il y a aujourd’hui 164 700 chrétiens en Israël, soit environ 2 % de la population, un ratio similaire à celui des dernières décennies.

Au contraire, une étude de 2014 du Centre Pew a montré que bien que le nombre total de chrétiens au Moyen Orient a augmenté de 1,6 million de personnes en 1900 à 7,5 millions en 2010, une hausse de presque 400 %, les populations non chrétiennes ont augmenté dix fois plus vite sur la même période. Le pourcentage de chrétiens dans la population totale de la région a ainsi diminué de 10 % en 1900 à 5 % en 2010.

L’étude Pew indiquait qu’une partie de ce déclin était due au nombre de naissances plus faible chez les chrétiens que chez les musulmans. Elle a cependant aussi montré que les chrétiens avaient une probabilité plus importante que les autres groupes religieux d’émigrer.

En 2012, les chrétiens ont fait face à un harcèlement religieux dans plus de pays du Moyen orient et d’Afrique du Nord que dans toute autre région du monde, selon l’étude.

Les préparatifs de Noël sur la place de la Mangeoire de Bethléem, le 11 décembre 2016. (Crédit : Sebi Berens/Flash90)
Les préparatifs de Noël sur la place de la Mangeoire de Bethléem, le 11 décembre 2016. (Crédit : Sebi Berens/Flash90)

Comparativement, les chrétiens palestiniens sont bien plus à l’aise que les chrétiens syriens ou irakiens, qui fuient leur pays en raison des guerres civiles et des persécutions religieuses, a déclaré le Dr Amnon Ramon, chercheur spécialiste de la chrétienté à l’Institut de Jérusalem pour la recherche politique.

Mais même dans des endroits qui ne sont pas frappés par la crise, les chrétiens partent tout de même, souvent pour des raisons économiques. « L’émigration chrétienne se produit dans tout le Moyen Orient, en partie parce que c’est plus facile pour eux que pour les musulmans de s’intégrer », a déclaré Ramon.

Ramon a souligné que les chrétiens envoient souvent leurs enfants dans des écoles religieuses, où les langues européennes sont enseignées à un très haut niveau. « C’est un avantage énorme, et cela leur donne un bon départ pour s’intégrer quand ils émigrent », a déclaré Ramon. Les chrétiens sont aussi proportionnellement plus citadins et proviennent de classes économiques plus élevées, ce qui facilite également le processus d’intégration.

Dans des endroits comme l’Europe ou l’Amérique du Nord, il y a également moins d’hostilité envers les immigrants chrétiens que contre les musulmans, a déclaré Ramon.

Une interaction christiano-musulmane complexe

Nabil Giacaman, propriétaire chrétien du magasin « Maison de Noël » sur la place de la Mangeoire, a déclaré que l’attention sur l’émigration uniquement chrétienne était une tentative de creuser un fossé entre les chrétiens et les musulmans et de promouvoir la division interne de la société palestinienne. Puisque la population chrétienne est bien moins importante, la baisse de sa population est ressentie de manière bien plus intense, a-t-il déclaré.

« Ce n’est pas au sujet des chrétiens et des musulmans, ce n’est pas que je n’affronte ces sujets que parce que je suis chrétien, a déclaré Giacaman. Quand les musulmans souffrent, les chrétiens souffrent aussi. Au final, nous sommes tous palestiniens, nous avons le même permis et le même traitement aux checkpoints. »

D’autres disent que la situation est plus nuancée.

« Officiellement [dans les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne], les lois sont les mêmes pour les chrétiens et les musulmans, mais il existe du racisme [contre les chrétiens] », a déclaré Qumsieh, qui a noté que la plupart du racisme est lié à la propriété de terrains, et que les personnes tentent généralement de vendre à des acheteurs de leur propre religion.

« Les gens resteront s’ils peuvent avoir un appartement et un emploi »
Samir Qumsieh

En dehors de la situation politique, une autre raison principale de l’émigration est l’économie difficile de Bethléem. Selon Baboun, le taux de chômage atteint 27 % à Bethléem, le plus important des territoires palestiniens après celui de Gaza. Le taux de chômage moyen en Cisjordanie est de 22 %.

« Nous avons besoin de projets immobiliers, nous avons besoin d’investisseurs qui emploieront nos jeunes, a déclaré Qumsieh. Les gens resteront s’ils peuvent avoir un appartement et un emploi. »

La propre famille de Qumsieh est un exemple parfait du combat pour que les jeunes Palestiniens diplômés restent. Dans sa fratrie de six frères diplômés, dont quatre sont ingénieurs, Qumsieh est le seul à être resté à Bethléem. Ses deux fils, qui étudient aux Etats-Unis, « me rient au nez » quand il leur demande s’ils reviendront à Bethléem après avoir terminé l’université.

« Je ne vois pas comment nous aurons un futur avec ce problème d’émigration actuel, a déclaré Qumsieh. J’espère que nous n’arriverons pas au point au l’église de la Nativité et l’église du Saint Sépulcre deviendront des musées. »

Le projet de Baboun pour améliorer l’économie locale se centre sur le tourisme. La ville possède l’un des premiers sites touristiques du Moyen Orient, l’église de la nativité, mais n’arrive pas à saisir la manne financière qui devrait provenir de tant de touristes internationaux.

Feux d'artifice pendant la cérémonie d'illumination de l'arbre de Noël de Bethléem, le 3 décembre 2016. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)
Feux d’artifice pendant la cérémonie d’illumination de l’arbre de Noël de Bethléem, le 3 décembre 2016. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)

Selon le ministère palestinien du Tourisme, 1,16 million d’étrangers ont visité l’église de la Nativité en 2013, le chiffre disponible le plus récent. La même année, 3,54 millions de touristes se sont rendus en Israël.

Tous les touristes de Bethléem arrivent d’Israël par l’un des 29 checkpoints qui mènent à la ville et aux villages environnants.

Une plainte majeure des habitants de Bethléem impliqués dans le tourisme est que la plupart des touristes étrangers ne viennent à Bethléem que pour quelques heures. Leurs énormes bus arrivent à la gare routière touristique proche de la place de la Mangeoire, ils marchent quelques dizaines de mètres pour visiter l’église de la Nativité, puis remontent immédiatement dans leur bus pour rentrer à Jérusalem. Pendant leur brève visite, ils ne dépensent que peu d’argent dans la ville.

Baboun a déclaré que la ville envisageait une taxe touristique pour assurer qu’une partie de l’argent des touristes soit dirigée vers la ville, mais a refusé de préciser comment ou quand la ville lèverait cet impôt.

Bethléem est aussi au cœur de la rénovation à 20 millions de dollars dont a cruellement besoin l’église de la Nativité, après des années de négociation avec les trois Eglises qui administrent le site et les autorités israéliennes et palestiniennes. Les rénovations, qui ont commencé en 2014, permettront de réparer le toit qui fuit, de renforcer les colonnes de soutien et de révéler la mosaïque originale de son sol.

Iconostase de l'Eglise de la Nativité, à Bethléem. (Crédit : Antoine Taveneaux, CC BY-SA 3.0, WikiCommons)
Iconostase de l’Eglise de la Nativité, à Bethléem. (Crédit : Antoine Taveneaux, CC BY-SA 3.0, WikiCommons)

L’église a été construite au 4e siècle, et aucune rénovation n’a eu lieu ces 200 dernières années. En 2012, l’UNESCO l’a désignée comme un site du patrimoine mondial en danger, une mesure qu’Israël a jugée politique, et que les Palestiniens ont célébré comme une reconnaissance de leur souveraineté sur le lieu.

Baboun a déclaré qu’un obstacle majeur au développement économique est que beaucoup de grands projets d’infrastructure doivent être coordonnés avec l’Administration civile israélienne, l’armée israélienne, l’Autorité palestinienne et le conseil municipal de Bethléem. La plupart de la ville n’a pas l’eau courante, ce qui force les habitants à se faire livrer de l’eau. Et il n’y a pas de traitement des eaux usées dans la région, ce qui représente un problème environnemental sérieux.

Baboun espère que les touristes qui se pressent sur la place de la Mangeoire le 24 décembre reconnaitrait les difficiles réalités tout en célébrant le traditionnel esprit de Noël.

« Bethléem est ouverte, et Bethléem sonne les cloches de la joie pour la paix au Moyen Orient », a-t-elle déclaré.

Il existe à présent 55 hôtels à Bethléem, a ajouté Baboun, qui assurent maintenant que, contrairement à Joseph et Marie, tous ceux qui veulent une place dans une auberge en trouveront une.

Vera Baboun, première femme à être élue maire de Bethléem, dans son bureau, le 13 décembre 2016. (Crédit : Melanie Lidman/Times of Israel)
Vera Baboun, première femme à être élue maire de Bethléem, dans son bureau, le 13 décembre 2016. (Crédit : Melanie Lidman/Times of Israel)

« Le sujet de l’émigration chrétienne est devenu un outil politique », a déclaré Ramon, le chercheur de l’Institut de Jérusalem. « Il y a des associations de droite, comme les évangélistes, qui disent toujours que ‘les chrétiens sont dans une mauvaise situation avec les musulmans et c’est pour cela qu’ils partent !’ Ensuite, les protestants libéraux soulignent que les relations entre chrétiens et musulmans sont bonnes, et que c’est simplement l’occupation israélienne qui est responsable de tout cela. »

« La situation réelle se situe entre ces deux extrêmes, a-t-il déclaré. La question de savoir s’il faut rester dépend vraiment d’une seule chose : la réponse à la question ‘où mes enfants auront-ils un meilleur avenir ?’ »

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