Les coupes budgétaires de Trump nuisent aux survivants de la Shoah aux US – avocats
La réduction drastique du personnel et des bureaux du DOGE risque de priver de leurs aides des survivants âgés de 80 à 90 ans

JTA — Une survivante de la Shoah âgée de 100 ans vivant à Skokie, dans l’Illinois, a reçu l’an dernier une lettre surprenante de la part de l’administration de la Sécurité sociale (SSA) : le gouvernement lui demandait de rembourser un trop-perçu.
La survivante, qui bénéficie du SSI (Supplemental Security Income), un programme pour les personnes âgées à faible revenu, s’est vue dire qu’elle gagnait trop d’argent pour continuer à y avoir droit. La lettre indiquait par conséquent que ses prestations de Sécurité sociale, sa seule source de revenu, seraient désormais saisies.
Un assistant social d’une organisation juive locale a informé cette femme, qui a récemment quitté l’Ukraine pour s’installer aux États-Unis et ne parle pas anglais, dudit problème.
Le travailleur social a également immédiatement compris la situation : le revenu qui rendait la survivante inéligible à l’aide sociale provenait en réalité d’indemnités versées aux victimes de la persécution nazie, qui ne peuvent légalement être considérées comme des salaire. Des démarches ont immédiatement été entreprises pour régler le problème.
« Ils lui ont retiré son argent », a déclaré son avocate, Me Stacey Dembo, qui a pris en charge le dossier de cette survivante gratuitement par l’intermédiaire du Council for Jewish Elderly (CJE) basé à Skokie et du Jewish United Fund of Chicago (JUF).
« Je ressens beaucoup de pression en raison de son âge. »

L’histoire de cette survivante, dont la JTA tait le nom à la demande de son avocate, offre un aperçu d’un phénomène inquiétant qui perdure depuis des décennies : des survivants de la Shoah à faibles revenus se voient refuser le versement de leurs prestations de Sécurité sociale en raison d’une erreur bureaucratique qui ne concerne qu’eux.
Ces problèmes ont toujours été résolus grâce à la persévérance de leurs avocats. Mais Me Dembo a déclaré que le démantèlement de la SSA par l’administration Trump lui avait rendu plus difficile l’obtention de réparations pour les survivants de la Shoah. Sous l’égide du département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE), la SSA prévoit de supprimer environ 12 % de ses effectifs, soit environ 7 000 emplois, et de fermer des dizaines de ses bureaux locaux, alors même que l’agence a instauré de nouvelles règles obligeant les bénéficiaires à se rendre en personne dans les bureaux pour régler les litiges.
« Il est clair qu’ils ne comprennent tout simplement pas. Ils ne se soucient pas de comprendre », a déclaré Me Dembo.
« Par le passé, il suffisait d’envoyer une lettre pour régler le problème », a-t-elle ajouté.

Mais aujourd’hui, avec les nombreuses réductions d’effectifs au sein du département, « c’est comme si on criait dans le désert ».
La SSA n’a pas répondu aux questions envoyées à son service de presse dans le cadre de la rédaction de cet article.
Le problème trouve son origine dans la catastrophe historique qui a frappé les Juifs d’Europe et dans les réparations historiques négociées au nom des survivants.
Après la Shoah, la Conference for Material Claims Against Germany, connue sous le nom de Claims Conference, et d’autres groupes ont demandé une indemnisation pour le nombre relativement faible de Juifs qui ont survécu à la campagne d’extermination nazie. Chaque année depuis 1952, la Claims Conference négocie une enveloppe financière destinée à soutenir les survivants et, de plus en plus, l’éducation sur la Shoah. L’an dernier, le montant total s’élevait à 1,5 milliard de dollars.
Selon la Claims Conference, environ 34 000 survivants de la Shoah vivaient aux États-Unis en 2024, dont un tiers sous le seuil de pauvreté, selon l’organisation à but non lucratif Blue Card. Comme tous les Américains dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil, ces survivants ont droit au SSI, une forme de Sécurité sociale réservée aux adultes à faibles revenus et aux personnes en situation de handicap.

Les indemnités versées par les groupes de réparation des victimes de la Shoah peuvent parfois, sur le papier, faire passer les revenus de ces survivants juste au-dessus du plafond mensuel de l’aide sociale.
En 1994, le Congrès américain a adopté la loi sur les victimes de la persécution nazie, stipulant que ces indemnités ne peuvent être considérées comme des revenus ou des actifs dans le cadre du SSI. Pourtant, il arrive régulièrement qu’en raison d’une erreur humaine, d’une méconnaissance de la loi ou d’un malentendu lié à la langue ou à des barrières cognitives, un survivant soit encore considéré à tort dans le système comme ayant reçu un « trop-perçu » en raison de ses réparations, ce qui crée ce que l’on appelle une erreur de « sur-ressourcement ».
Cela peut conduire la SSA à saisir les prestations d’un survivant, parfois pendant des mois, voire à exiger le remboursement de la somme versée, traitant ainsi l’erreur comme une fraude. Cette décision peut alors priver des survivants à faibles revenus d’un accès essentiel à l’assurance maladie Medicaid pendant les dernières années de leur vie.
Ces erreurs peuvent prendre un temps considérable pour être rectifiées, et nécessitent souvent des mois de batailles juridiques de la part du survivant ou, plus probablement, de son avocat. Les organisations juives fournissent souvent une aide juridique pro bono dans de tels cas, afin de lever l’obstacle financier pour ces survivants. Mais pour les survivants âgés de 90 ans ou plus, sans autre source de revenus, le temps est un luxe qu’ils ne peuvent pas se permettre.
Le nombre exact de survivants concernés est difficile à déterminer. « Je pense que nous avons affaire à un petit pourcentage », estime Me Avram Sacks, avocat spécialisé dans les questions de Sécurité sociale basé à Skokie, qui a aidé plusieurs survivants à faire appel dans de tels cas.
« Mais même un seul, c’est déjà trop. »
Les cas peuvent souvent être « cycliques », selon Kate Lang, directrice de l’organisation juridique à but non lucratif Justice in Aging, qui se concentre sur les bénéficiaires du SSI. Tous les deux ou trois ans, explique Lang, elle entend parler de nouvelles erreurs de surévaluation des ressources des survivants, liées à une nouvelle série de paiements de réparations de la Claims Conference. Pour elle, cela revêt une ironie amère.
« Malheureusement, ils se disent : ‘Nous voilà. Nous venons en aide aux gens. Nous allons leur envoyer de l’argent’ », a déclaré Lang à propos de la Claims Conference.

« Et cela a ensuite un effet domino qui cause des problèmes aux bénéficiaires du SSI dans tout le pays. »
Bet Tzedek, un groupe d’aide juridique basé à Los Angeles et spécialisé dans les questions touchant la communauté juive, dont le récent gala de charité était présidé par l’ancien deuxième gentilhomme Douglas Emhoff, a eu affaire à tellement de clients de ce type que le groupe a publié un guide à l’intention des bénéficiaires de la Claims Conference sur la manière de conserver leurs prestations SSI.
Le guide de Bet Tzedek souligne ce que les défenseurs considèrent comme l’un des aspects les plus troublants de la situation : c’est aux survivants qu’il incombe de prouver que les indemnisations qu’ils ont reçues pour la Shoah ne sont pas frauduleuses.
« Il est important d’informer la Sécurité sociale de vos indemnités versées au titre de la Shoah », conseille Bet Tzedek aux survivants.
« Sans quoi, elle ne saura pas que ces indemnités sont versées en raison de votre statut de victime de la persécution nazie, et vos prestations SSI pourraient être réduites ou supprimées par erreur. »
Pour Me Sacks et d’autres avocats qui surveillent ce domaine, le fait que les survivants continuent d’être victimes d’erreurs de surallocation est inexcusable, étant donné que l’agence chargée des prestations a reçu pour instruction spécifique de les identifier. Lorsqu’il tente de résoudre de tels cas, Me Sacks dit que parfois, l’agent de la Sécurité sociale avec lequel il traite – qui, dans le cadre d’un recours, est là pour fournir une expertise détaillée du droit des prestations – n’est même pas au courant de la loi. Il parvient parfois à sortir de l’impasse en menaçant de porter son affaire devant les médias.
« Je ne savais pas si j’avais affaire à une employée de bureau qui était en réalité bien informée et qui choisissait d’ignorer la loi parce qu’elle n’aimait pas les Juifs, ou si elle choisissait d’ignorer la loi parce qu’elle ne la comprenait pas », a déclaré Me Sacks, évoquant un cas dont il s’était occupé à Détroit.
Le processus complexe de recours pour contester une erreur de la Sécurité sociale peut également intimider les personnes âgées qui maîtrisent mal l’anglais ou l’informatique. Même les représentants légaux peuvent se perdre dans les méandres des lignes téléphoniques automatisées.

« Ce n’est déjà pas facile de s’y retrouver quand c’est votre métier. Mais c’est encore pire quand vous avez plus de 80 ans et que ce n’est pas votre métier », a déclaré Me Michelle Spadafore, avocate principale au New York Legal Assistance Group, qui aide les survivants à New York à obtenir leurs prestations.
Me Spadafore travaille principalement sur des cas liés au handicap, mais une initiative récente financée par une subvention de l’UJA-Federation of New York lui a permis de se familiariser avec le problème des survivants.
Dans des exemples de documents qu’elle a partagés avec la JTA, 29 survivants russophones différents ont été identifiés à tort par la sécurité sociale comme ayant reçu des versements indus entre 2022 et 2024. Parmi ceux-ci, cinq erreurs, soit 17 %, concernaient d’une manière ou d’une autre des indemnités de réparation.
Me Spadafore a donné l’exemple d’une veuve russophone âgée de 85 ans qui a reçu une lettre de la Sécurité sociale en 2023 l’informant qu’elle avait reçu 7 000 dollars de « trop-perçu ». L’administration lui a retiré ses prestations SSI, ce qui a également entraîné la perte de ses prestations Medicaid, une conséquence courante de ce type de décision, puisque l’éligibilité à l’assurance maladie est déterminée par les revenus. Du jour au lendemain, la seule source de revenus de cette veuve provenait du Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP), qui verse actuellement 200 dollars par mois aux personnes seules éligibles pour couvrir leurs dépenses alimentaires.
Après avoir contacté une assistance juridique, cette survivante a obtenu l’annulation de la décision et le rétablissement de ses prestations SSI. Mais pour prouver que le « trop-perçu » provenait des réparations de la Shoah, ses avocats ont dû rassembler ses anciens relevés bancaires.
Les avocats affirment que ces cas sont symptomatiques d’une culture organisationnelle plus large qui accorde une importance excessive à la lutte contre la fraude potentielle, pourtant rare.
« Leur état d’esprit est le suivant : mieux vaut qu’une personne non éligible ne touche pas d’allocations plutôt que dix personnes éligibles en bénéficient », explique Lang.
« Il faut changer les mentalités et ne pas partir du principe que les survivants de la Shoah essaient d’escroquer le gouvernement », a ajouté Me Sacks.
« Lorsqu’un employé assis dans un bureau à l’arrière rencontre une personne âgée de 90 ans née en Lituanie, qui se retrouve soudainement avec 2 000 dollars de trop par rapport à la limite de 2 000 dollars, l’attitude de cet employé devrait être la suivante : « Il y a probablement une bonne raison à cela. »
En 2021, reconnaissant le problème récurrent, la SSA a envoyé un « message d’urgence » à son personnel alors que la Claims Conference s’apprêtait à verser une nouvelle série de paiements de restitution aux survivants. Dans son avis, la SSA a souligné que ces versements ne devaient pas être déclarés comme des revenus.
Mais le problème était tel que, trois ans plus tard, le directeur de la National Organization of Social Security Claimants’ Representatives (Organisation nationale des représentants des demandeurs de prestations sociales ou NOSSCR) a imploré le commissaire de l’administration de l’époque, Martin O’Malley, de mettre en place des mesures de protection supplémentaires.
« Nous espérons que ces suggestions réalisables contribueront à atteindre l’objectif qui est d’éviter des souffrances inutiles aux survivants de la Shoah », a écrit le PDG David Camp dans sa lettre.

En réponse, O’Malley a publié un autre message à l’attention de l’ensemble du personnel concernant ce problème, ce que les défenseurs ont apprécié. Le commissaire nommé par l’administration Biden a reçu des félicitations de la part des avocats spécialisés dans le domaine de la sécurité sociale, qui ont salué le fait qu’il soit le premier commissaire depuis des décennies à donner la priorité à l’aide aux bénéficiaires plutôt qu’à la poursuite des cas de fraude. Cependant, des erreurs ont persisté sous son mandat, notamment celle concernant la centenaire de Skokie.
Mais le climat est différent aujourd’hui. Malgré le départ public d’Elon Musk du gouvernement et la rupture de ses relations avec Trump, le DOGE est toujours prêt à remanier en profondeur le fonctionnement de la Sécurité sociale. Au début du mois, la Cour suprême a statué que le DOGE pouvait collecter des données privées sur des millions de dossiers de Sécurité sociale. Et l’actuel commissaire à la Sécurité sociale, Frank Bisignano, le troisième à occuper ce poste depuis le début du second mandat de Trump, a déclaré qu’il était « profondément attaché au DOGE ».
Bisignano s’est également engagé à réduire les délais d’attente pour joindre le service téléphonique, entre autres mesures. Mais déjà à l’époque du DOGE, selon les personnes qui se sont entretenues avec la JTA, il était beaucoup plus difficile de joindre les employés du service de Sécurité sociale par téléphone, et ceux qui sont encore en poste sont souvent trop débordés pour traiter correctement les problèmes.
« Cela rend plus difficile pour [les survivants] de joindre quelqu’un qui s’y connaît dans un bureau local de la Sécurité sociale », a déploré Me Sacks.
« Le problème est donc résolu uniquement par correspondance écrite, alors que vous avez affaire à une population qui a du mal à communiquer efficacement par écrit sur une question juridique. »
De toute évidence, le changement culturel tant attendu par les défenseurs des victimes, à savoir que l’agence ne présume pas automatiquement que les irrégularités sont dues à la fraude, n’est pas près de se produire. Pour justifier leurs actions, les dirigeants du DOGE ont affirmé que jusqu’à 40 % des appels reçus par leur agence provenaient de fraudeurs (ce chiffre serait en réalité inférieur à 1 %, selon les documents internes de l’agence).
Les défenseurs des droits des survivants de la Shoah qui ont été victimes de cette erreur ont déclaré qu’ils devaient persévérer pour rectifier la situation, car ils ont bel et bien droit à ces prestations.
Dix mois après avoir été accusée d’avoir perçu des prestations indus, la cliente de Me Dembo, la centenaire russophone, a enfin obtenu le rétablissement intégral de ses prestations SSI à la fin du mois de mai. L’administration maintient toutefois qu’elle a perçu 50 dollars de trop, somme qui sera déduite d’une future prestation. Mais la survivante, qui ne souhaite plus se battre, a décidé de ne pas contester cette dernière somme.
« Les gens doivent comprendre qu’ils doivent persévérer, que ces allocations sont vraiment vitales pour leur survie et qu’ils ne doivent pas y renoncer », a insisté Lang.
« Et ils doivent faire preuve de la persévérance nécessaire pour résoudre ce problème. »
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