Les divisions entre les chefs d’implantation se poursuivent
La grève de la faim entamée pour obtenir des routes de contournement plus sûres amène le débat sur les meilleurs moyens de faire pression sur les dirigeants nationaux, et en particulier Netanyahu
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le 5 novembre, après 12 jours entiers de mouvement de protestation et sans décision du cabinet à l’horizon, Dagan, Naim, le maire de Kiryat Arba-Hebron Melachi Levinger et plusieurs représentants de familles en deuil avaient intensifié leur campagne, annonçant une grève de la faim qui durerait jusqu’à une date indéterminée.
Le jour suivant, Netanyahu avait annoncé l’allocation de 200 millions de shekels pour le pavage immédiat de deux routes de contournement autour des villages palestiniens et que la somme de 600 millions qui avait été encore promise à Roeh ferait partie du budget 2019 dont la première esquisse est actuellement forgée par Netanyahu et le ministre des Finances Moshe Kahlon.
Cette promesse avait été plus concrète de la part du Premier ministre, et les responsables du conseil régional de Samarie l’avaient attribuée aux efforts de Dagan. Mais la somme est bien inférieure au montant promis à l’origine par Netanyahu pour l’année à venir.
Alors Dagan et les familles endeuillées ont une fois encore déclaré que la promesse de Netanyahu n’était pas différente des précédentes – que le Premier ministre n’avait pas tenues – et ils ont annoncé qu’ils continueraient cette grève de la faim jusqu’à ce que l’argent soit transféré par le biais d’une décision contraignante du cabinet.
Mais à ce stade, les voix de l’opposition au sein du mouvement pro-implantation commencent à se faire entendre davantage. « Dagan utilise les familles en deuil pour son propre profit politique », a déclaré un chef de conseil régional de Cisjordanie lundi au Times of Israël, reflétant le point de vue de nombreux autres.

Ces accusations se sont intensifiées mardi lorsque les organisateurs de la manifestation ont distribué une photo d’une gréviste de la faim, une mère endeuillée couchée sur une civière après s’être évanouie. Sur le cliché, Dagan et Naim regardent Ruti Hasano avant qu’elle ne soit emmenée par des médecins pour être prise en charge.
« C’est elle qui a voulu que la photo soit utilisée mais nous avons réalisé après que cela pouvait être de mauvais goût », a commenté un responsable du Conseil régional de Samarie.
Politique de camp
Ces querelles internes se sont encore exacerbées lors des élections pour la direction du conseil de Yesha, l’année dernière, qu’un grand nombre de personnes ont considéré comme ratées.
Au début du mois d’août, Roeh avait annoncé qu’il démissionnerait de son poste de président après cinq ans passés à la tête de l’organisation. Considéré comme une personnalité d’unité, Roeh a été salué pour avoir amené les maires issus des implantations haredim et laïques dans une organisation-cadre qui a été longtemps dominée par le camp nationaliste et religieux, constituant environ 30% des Israéliens qui vivent au-delà de la Ligne verte.
Les chefs du conseil de Yesha avaient initialement affirmé qu’une décision concernant l’élection d’un nouveau chef serait prise dans les jours suivants, mais l’organisation a alors choisi de traîner les pieds. La recherche d’un candidat a continué malgré l’annonce du maire de Karnei Shomron, Yigal Lahav, que la fonction l’intéressait, très rapidement après la démission de Roeh.
Le nom du maire d’Efrat, Oded Revivi, avait été également prononcé comme candidat possible, ses partisans notant ses liens étroits avec le bureau du Premier ministre, son anglais courant et sa réputation de communiquant de talent, en particulier auprès des publics étrangers.

Apparemment insatisfaits de ces options, les chefs de conseils ont tenté de convaincre d’autres candidats à se présenter.
Mais le 2 novembre – alors que Dagan et les familles en deuil commençaient leur dixième jour de protestation – le conseil a annoncé que le maire de Kedumim, Hananel Dorani, deviendrait le prochain président de l’organisation.
Selon un chef de conseil régional, Dorani avait été approché par un groupe de chefs d’implantation et de militants qui pensaient que les « points de vue pro-palestiniens » de Lahav et de Revivi compromettraient l’organisation. Ils ont convaincu le maire de Kedumim de se présenter.
Ce que le président du conseil régional a qualifié de « putsch » a mené Lahav à non seulement retirer sa candidature mais à annoncer qu’il quittait l’organisation. L’acrimonie et les retombées de cette annonce soudaine ont amené également Revivi, qui n’avait pas encore officialisé sa candidature, à renoncer à se présenter au scrutin.
Dans un communiqué annonçant la victoire de Dorani, le conseil de Yesha a noté qu’il était le seul candidat – une approbation étrangement décevante pour le nouveau leader du groupe.
A moins que Dorani soit en mesure d’endiguer la mauvaise volonté générée par l’alignement de deux chefs d’implantations importants, le travail de Roeh, qui a oeuvré à rendre le conseil plus inclusif et plus influent, pourrait péricliter rapidement.

L’union fait la force… ?
Si les partisans de Dagan admettent que l’unité parmi les chefs d’implantation serait une bonne chose, ils affirment que le président du conseil régional de Samarie a été capable de forcer la main à Netanyahu, l’amenant à adopter des politiques pro-implantations sans l’appui du Conseil de Yesha tout entier.
Au mois de juin, quand Dagan avait appris le plan israélien d’élargissement de la ville palestinienne – surpeuplée – de Qalqilya, il était entré dans une campagne publique agressive contre la proposition, l’appelant une « récompense du terrorisme ». Ses pressions avaient été tellement réussies que le cabinet avait voté un mois plus tard le gel de ce plan initié par le ministre de la Défense Avigdor Liberman et soutenu par Netanyahu.
Et pourtant, Dagan a peu de choses négatives à dire sur le conseil de Yesha. S’exprimant auprès du Times of Israël, il a expliqué que son conseil régional travaille en coopération avec l’organisation cadre. « Bien sûr, il y a des désaccords, mais tout va bien. Je ne suis pas impliqué dans les débats internes », a-t-il expliqué.

« Yesha considère comme sa mission la représentation des intérêts de tous les habitants de Judée et Samarie, notamment ceux qui vivent dans les communautés les plus reculées et qui sont une minorité », a expliqué le conseiller de longue date de Dagan, David Haivri. Il a suggéré que les querelles avaient eu à voir avec des différences d’ordre personnel.
« A certains moments, il semble qu’on veuille sacrifier ces communautés éloignées au nom de ‘l’intérêt général’. Yossi Dagan, d’un autre côté, voit sa mission comme étant de défendre la construction, le développement et la protection de toutes les communautés de Samarie (nord de la Cisjordanie), sans compromettre le développement et l’avenir de l’implantation juive la plus éloignée qu’elle soit », a ajouté Haivri.
Quelle que soit sa cause, un grand nombre de personnes se demandent si le refus de Dagan de travailler plus étroitement avec le conseil de Yesha au sens large nuit au mouvement pro-implantations.
« En regardant les choses en tant que responsable élue, ils ne sont plus aussi unis que cela a été le cas », a indiqué la vice-ministre aux Affaires étrangères issue du Likud, Tzipi Hotovely. « C’est plus difficile pour nous de leur venir en aide alors qu’ils sont divisés par des questions d’ordre politique sans importance ».

Le docteur Anat Roth, qui étudie le mouvement pro-implantations au sein de l’Institut israélien de la démocratie et au forum de Kohelet, a expliqué que le conseil de Yesha a perdu la confiance de ses électeurs lorsqu’il a échoué à empêcher le désengagement de 2005 à Gaza. Cet événement a mené à la croissance d’une opposition au sein du Conseil régional de Samarie qui existe encore aujourd’hui, a-t-elle estimé.
Roth a affirmé que Roeh et le directeur-général du conseil Shiloh Adler étaient parvenus à faire revenir dans les rangs un grand nombre de leaders qui avaient abandonné le groupe suite à ce désengagement,à l’exception significative de Yossi Dagan.
« Je pense que Yossi [Dagan] nuit [au conseil de Yesha] qui se trouve à l’apogée de son pouvoir lorsqu’il est la première instance de représentation du mouvement pro-implantation ».
Tandis que Dagan pourrait être capable de remporter les résultats ‘tactiques’ de son mouvement de protestation, « un leadership divisé perd de la légitimité dans l’opinion publique et, du coup, est pris moins au sérieux par le gouvernement », a-t-elle ajouté.
Roth a cité l’adoption au mois de février à la Knesset de la loi de légalisation des implantations et l’établissement au mois d’octobre d’une commission ministérielle chargée de légaliser les avants-postes comme étant deux accomplissements réalisés par le conseil de Yesha au moment où il a été en mesure de mobiliser tous les leaders des conseils de Cisjordanie, notamment Dagan.
« Votre capacité à remporter des résultats auprès de ce gouvernement est plus forte lorsque vous travaillez de concert. C’est pour cela qu’était né le conseil de Yesha. Cinq doigts sont faibles mais lorsqu’ils s’unissent en serrant le poing, ils deviennent puissants », a-t-elle dit.
Elu d’une manière considérée comme illégitime par de nombreux maires de Cisjordanie, Dorani va avoir du pain sur la planche pour rassembler à nouveau tous les chefs d’implantations. Tant que Dagan sera capable de forcer la main à Netanyahu pour obtenir des concessions, Dorani devra lutter pour démontrer qu’une telle unité est même nécessaire.