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Les EAU appellent leurs ressortissants à quitter le Liban « le plus tôt possible »

Le ministre de l'Information libanais George Kordahi a qualifié "d'absurde" l'intervention de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen

Des partisans yéménites du mouvement chiite terroriste des Houthis pro-Iran participent à une cérémonie commémorant le septième anniversaire de la prise de contrôle par les Houthis de la capitale Sanaa, le 21 septembre 2021 (Crédit : MOHAMMED HUWAIS / AFP)
Des partisans yéménites du mouvement chiite terroriste des Houthis pro-Iran participent à une cérémonie commémorant le septième anniversaire de la prise de contrôle par les Houthis de la capitale Sanaa, le 21 septembre 2021 (Crédit : MOHAMMED HUWAIS / AFP)

Après le retrait de leurs diplomates, les Emirats arabes unis ont appelé dimanche leurs ressortissants à quitter le Liban, plongé dans une grave crise diplomatique avec plusieurs Etats arabes du Golfe à la suite de propos d’un ministre libanais critiquant la guerre au Yémen.

« A la lumière des événements récents, les citoyens émiratis qui se trouvent au Liban sont appelés à rentrer aux Emirats le plus tôt possible », indique le ministère émirati des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Toutes les mesures nécessaires pour faciliter leur retour ont été prises », poursuit le ministère.

Dans une émission télévisée datant du 5 août et diffusée lundi, le ministre de l’Information libanais George Kordahi, qui n’était pas alors encore ministre, a qualifié « d’absurde » l’intervention de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen opposant depuis 2014 pouvoir et rebelles. Il a affirmé que les insurgés se défendaient « face à une agression extérieure ».

Sur cette photo d’archives prise le 13 septembre 2021, le ministre libanais de l’Information George Kordahi s’exprime lors d’une conférence de presse au palais présidentiel de Baabda, à l’est de la capitale Beyrouth. (Crédit : ANWAR AMRO / AFP)

Réagissant à ces propos, l’Arabie saoudite, poids lourd du Golfe et rival régional de l’Iran, a rappelé vendredi son ambassadeur au Liban, où la scène politique est largement dominée par le groupe terroriste chiite du Hezbollah pro-iranien, et demandé le départ de Ryad de l’ambassadeur libanais.

Bahreïn, le Koweït et les Emirats arabes unis ont suivi le pas en « solidarité » avec Ryad.

Le Koweit a expliqué sa décision par l’ « échec » du gouvernement libanais à « répondre aux propos inacceptables et répréhensibles tenus contre l’Arabie saoudite et le reste des (six pays) du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ».

Des centaines de milliers de Libanais travaillent dans les pays formant le CCG – Arabie saoudite, Emirats, Qatar, Bahreïn, Koweït et Oman.

Le Qatar a lui condamné les propos « irresponsables » de M. Kordahi mais il n’a pas pris de mesures de rétorsion, appelant seulement le gouvernement libanais à agir « pour surmonter les dissensions entre (pays) frères ».

En brouille pendant trois ans, le Qatar et l’Arabie saoudite ont renoué au début de l’année. Ryad avait entre autres reproché à Doha de se rapprocher de l’Iran chiite, grand rival de l’Arabie saoudite sunnite.

Et Oman a appelé les différentes parties à œuvrer « pour éviter l’escalade et régler les différends par le dialogue ».

Intervenue en 2015 au Yémen, la coalition militaire à laquelle participent aussi les Emirats arabes unis et Bahreïn, soutient le pouvoir face aux rebelles appuyés par l’Iran.

Le Premier ministre libanais Najib Mikati arrive à une réunion du cabinet au palais présidentiel de Baabda, à l’Est de Beyrouth, le 13 septembre 2021. (Crédit : AP Photo/Bilal Hussein)

Cette grave crise intervient alors que le gouvernement du Premier ministre libanais Najib Mikati misait sur une potentielle aide financière des riches monarchies du Golfe pour relancer l’économie du pays en plein effondrement.

Mikati s’est en effet démarqué des propos de M. Kordahi et l’a appelé implicitement à démissionner.

« Ma démission est hors de question », a répondu dimanche le ministre Kordahi à la chaîne de télévision libanaise Al-Jadeed. Il était injoignable pour plus de commentaires. Après le tollé, M. Kordahi a souligné que ses propos reflétaient son « opinion personnelle » avant sa nomination ministre de l’Information. Mais il a refusé de s’excuser.

Le Hezbollah, allié indéfectible de l’Iran, a dit aussi qu’il s’opposait à toute démission.

Le président libanais Michel Aoun, un allié du Hezbollah, s’est dit « soucieux d’avoir les meilleures relations avec l’Arabie saoudite soeur », critiquant ceux « qui provoquent des crises entre les deux pays ».

En mai, le ministre libanais des Affaires étrangères du gouvernement précédent, Charbel Wehbé, a dû démissionner après avoir qualifié les pays du Golfe de « bédouins » et les avoir accusés de liens avec le groupe jihadiste Etat islamique.

Le président libanais Michel Aoun lors d’un discours à la nation au palais présidentiel, à Baabda, à l’est de Beyrouth, au Liban, le 21 novembre 2019. (Crédit : Dalati Nohra via AP)

Samedi, une cellule de crise formée par M. Mikati s’est réunie en présence du numéro deux de l’ambassade américaine, Richard Michaels. « Les Américains et les Français, ainsi que d’autres pays arabes, participent aux efforts en vue de régler la crise avec les pays du Golfe », a affirmé à l’AFP un responsable politique libanais sous le couvert de l’anonymat.

Après la réunion, le ministre de l’Education Abbas Halabi a déclaré avoir « bon espoir » de régler la crise avec les monarchies du Golfe.

Chef de file du CCG, le royaume saoudien avait été le premier à rappeler vendredi son ambassadeur au Liban et à décider l’expulsion de l’ambassadeur libanais. Il a également décidé d’arrêter toutes les importations libanaises.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhan a indiqué à la chaîne CNBC que « les relations avec le gouvernement actuel au Liban sont infructueuses (…) en raison de l’hégémonie du Hezbollah sur la scène politique locale ». « Les propos du ministre (Kordahi) reflètent cette réalité, mais l’affaire, à nos yeux, va bien au-delà des simples commentaires d’un ministre. »

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, prononce un discours au lendemain d’une explosion meurtrière à Beyrouth, le vendredi 7 août 2020. (Crédit : capture d’écran d’al-Manar)

Pour les experts, la crise va au-delà des propos du ministre et reflète une lutte d’influence entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, dont le Liban paie le lourd tribut.

« La récente escalade a très peu à voir avec ce que ce ministre a déclaré un mois avant sa prise de fonction », estime l’analyste Karim Emile Bitar. « Je pense que c’est surtout lié au conflit saoudo-iranien des dernières années ».

Pour le politologue, les propos du ministre constituent « un prétexte pour quelque chose qui se préparait, et qui est lié au fait que le Liban reste l’un des champs de bataille entre l’Iran et l’Arabie saoudite, aux côtés de l’Irak, de la Syrie, du Yémen et de Bahreïn ».

« Je crois que les Saoudiens intensifient leurs pressions sur leurs alliés au Liban (…) pour (les pousser à) prendre des positions plus fermes face au Hezbollah », estime M. Bitar. Le politologue se demande si le royaume saoudien ne cherche pas ainsi à « contrebalancer d’éventuelles concessions » qu’il ferait au Yémen.

« Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit et le Liban souffre une nouvelle fois des guerres par procuration », ajoute-t-il.

Des terroristes du Hezbollah en formation lors d’un rassemblement pour marquer la Journée de Jérusalem, ou Journée Al-Qods, dans une banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 31 mai 2019. (Crédit : AP Photo / Hassan Ammar)

Pour l’analyste Michael Young du centre Malcom Kerr Carnegie Middle East, « le Liban a besoin d’un gouvernement et ne gagne rien en se tirant une balle dans le pied au milieu d’un conflit régional ».

« Du moment que les Saoudiens considèrent le Liban comme une carte iranienne, ils estiment normal de se comporter ainsi à son égard », ajoute-t-il sur Twitter. « Mais le problème est qu’en isolant le Liban, ils garantiront uniquement que l’Iran et ses alliés renforcent leur contrôle sur le pays ».

Cette escalade fragilise encore plus le gouvernement libanais, formé après un blocage de 13 mois, et qui comprend plusieurs des principales forces politiques du pays.

Le cabinet ne se réunit déjà plus depuis trois semaines en raison de l’exigence du Hezbollah de voir le juge chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth en 2020 remplacé, une crise qui a provoqué des violences et des morts dans la rue le 14 octobre.

Des militants et des proches de victimes de l’explosion du port de Beyrouth manifestent le 29 septembre 2021 devant le palais de justice de la capitale libanaise pour protester contre la suspension de l’enquête sur l’explosion du port du 4 août 2020. (Crédit : Anwar AMRO / AFP)

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