Les églises françaises à l’épreuve de la menace jihadiste
Le père Jacques Hamel, 85 ans, a été égorgé fin juillet par deux hommes disant appartenir à l'EI ; 2 782 lieux chrétiens" sont protégés en France
Fausses alertes, fébrilité de certains fidèles, patrouilles renforcées : après l’attaque jihadiste contre une église française, la vigilance s’est accrue dans les édifices catholiques, même si l’Église insiste sur son refus de transformer ses lieux de culte en « forteresses ».
Jeudi, une église d’Elbeuf, dans le nord-ouest, a été le théâtre d’un incident qui n’était pas totalement inédit : une paroissienne, s’inquiétant du comportement d’un homme entré en même temps qu’elle dans le bâtiment, a accouru au commissariat, craignant la préparation d’un attentat.
Une fausse alerte, qui s’est produite à quelques jours de la cérémonie de réouverture, dimanche, non loin de là, de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, où le père Jacques Hamel, 85 ans, a été égorgé fin juillet par deux hommes disant appartenir au groupe terroriste Etat islamique (EI).
Dès le dimanche suivant l’assassinat du prêtre, à Châteaubriant (ouest), c’est le correspondant local d’un journal qui a dû quitter l’église entre deux gendarmes alertés par un fidèle sur la présence de cet homme d’origine marocaine portant un sac et un casque de moto.
« Cela s’est fait avec beaucoup de délicatesse de la part des forces de l’ordre, mais, vous l’imaginez bien, cela a fortement choqué l’intéressé », a écrit sur la page Facebook de la paroisse le curé, navré par cet incident survenu dans un « lieu de paix, de recueillement, de communion ».
Inquiétudes irrationnelles ? Le groupe EI a fait des « croisés » chrétiens l’une de ses cibles et, dès avril 2015, a mis ses menaces à exécution avec un attentat avorté contre une église à Villejuif, en banlieue parisienne.
Le gouvernement avait alors annoncé une « adaptation » de son dispositif sécuritaire. Aujourd’hui, « 2.782 lieux chrétiens » sont protégés en France, essentiellement par des patrouilles, soit un net renforcement depuis Saint-Etienne-du-Rouvray, selon la Conférence des évêques de France (CEF).
Il est toutefois impossible de sécuriser les quelque 42.000 églises et chapelles catholiques recensées par la CEF, qui ne le demande d’ailleurs pas aux autorités.
« On ne peut pas et on ne veut pas faire de nos églises des forteresses », explique à l’AFP le porte-parole de la CEF, Mgr Olivier Ribadeau Dumas. « En même temps, on est conscients que les églises sont des cibles potentielles ».
« L’attentat, ‘j’y pense parfois »
Panneaux d’information plus visibles pour requérir une meilleure attention des fidèles, contrôles visuels par quelques paroissiens à l’entrée des messes, limitation du nombre d’accès, fouille des sacs les jours de grosse affluence… Les possibilités sont multiples et graduées pour renforcer la sécurité. Jusqu’à l’installation de caméras de vidéoprotection, à laquelle les pouvoirs publics incitent, moyennant une aide financière, mais que les responsables ecclésiaux envisagent avec prudence.
« Nous y sommes sans doute plus hostiles que les responsables d’autres religions », comme le Consistoire juif ou le Conseil du culte musulman, confirme Mgr Olivier Ribadeau Dumas. Qui disposera des images ? Pendant combien de temps ? « La liberté de culte, c’est aussi la liberté de celui qui se rend au culte », fait valoir le prélat.
« Il faut qu’on clarifie le dispositif », abonde Karine Dalle, à la communication du diocèse de Paris, qui s’est adjoint le concours bénévole du responsable sûreté d’une grande entreprise pour réfléchir à la question.
Sur le terrain, la sécurité des églises et des fidèles semble « davantage un sujet de conversation que de véritable tension », résume l’abbé Pierre Amar, curé en banlieue parisienne. Pourtant l’attaque jihadiste, « j’y pense parfois, alors qu’avant je croyais que ça n’arrivait qu’en Syrie ou en Irak », confie-t-il.
Dans son église Saint-Ferdinand-des-Ternes à Paris, le père Matthieu Rougé prône pour sa part une « surveillance tranquille, pas plus que ça ». Mais il constate une grande réactivité de la police, « très vigilante, de manière visible ou pas ». « Récemment, nous avons eu une interrogation sur la présence d’une voiture: tout de suite, on a vu surgir les forces de l’ordre ».