Israël en guerre - Jour 433

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Interview

Les enfants ne vont pas bien, avertit un expert israélien

Pour l'économiste Dan Ben-David, l'éducation de mauvaise qualité et l'exode des cerveaux sont des menaces urgentes pour le pays, et la classe politique doit y remédier au plus vite

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Illustration : Une école ultra-orthodoxe, dans l'implantation de Beitar Illit, le 27 août 2014. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)
Illustration : Une école ultra-orthodoxe, dans l'implantation de Beitar Illit, le 27 août 2014. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Les camps de la droite et de la gauche en Israël s’opposent sur de très  nombreux points, mais tous semblent s’accorder à dire que ce pays est d’une fragilité unique et qu’il fait face à des dangers existentiels. Les partis de droite ont tendance à s’inquiéter des voisins hostiles d’Israël et de l’antisémitisme mondial, tandis que ceux de gauche insistent sur des problèmes comme la corruption interne et les multiples efforts visant à saper l’État de droit.

Dan Ben-David, professeur d’économie à l’Université de Tel Aviv et fondateur et président de la Shoresh Institution for Socioeconomic Research, s’inquiète d’un troisième développement, qui ne semble peut-être pas urgent pour le citoyen moyen, mais qui constitue néanmoins la menace à long-terme la plus profonde pour Israël. Ce problème est si important qu’il estime que les deux plus grands partis de la Knesset, le Likud et Kakhol lavan, devraient mettre de côté leurs divergences et former un gouvernement d’unité pour le bien du pays, un gouvernement qui leur permettrait de mettre le pays sur la bonne voie.

En résumé, Dan Ben-David a averti, lors d’une récente interview téléphonique accordée au Times of Israel, qu’Israël ne restera pas viable s’il n’améliore pas considérablement la qualité de l’éducation qu’il délivre à ses enfants.

« Quand nous regardons l’avenir d’Israël, la moitié des enfants d’aujourd’hui reçoivent une éducation du tiers monde. Les enfants haredim [ultra-orthodoxes], qui n’apprennent pas les matières de base comme les mathématiques, les sciences, la lecture et l’anglais, font partie des segments de la population dont la croissance est la plus rapide », a-t-il dit. « C’est insoutenable. »

Selon l’expert, Israël n’a pas d’autre choix que de rester un pays moderne et développé, mais les tendances démographiques vont à l’encontre de cela.

« Vous pouvez dire ce que vous voulez sur la corruption et autres problèmes. Je ne les ignore pas », dit-il. « Mais fondamentalement, continuer d’exister en tant que pays dépend de notre capacité à soutenir une économie de premier rang, car sinon nous ne pourrons pas nous défendre dans la région la plus violente de la planète. »

Dan Ben-David (Autorisation)

En l’espace de deux générations, a expliqué Ben-David dans un récent bulletin politique intitulé « Two Wars and Demography : A Long Run View of Israel’s Recent Elections » (Deux guerres et démographie : une vue à long-terme sur les dernières élections israéliennes), près de la moitié des enfants du pays seront ultra-orthodoxes.

Dan Ben-David cite des recherches qui montrent que les enfants qui n’étudient pas les matières de base pendant l’enfance, comme c’est le cas de la plupart des enfants haredim, sont très peu susceptibles d’accéder à des professions comme la médecine, l’architecture ou l’ingénierie, qui sont essentielles dans une économie moderne. La situation des enfants israéliens non-haredim n’est pas non plus nettement meilleure. Les écoles israéliennes sont parmi les pires du monde développé, selon les données. Les résultats obtenus dans les matières du tronc commun telles que les mathématiques, les sciences et la lecture placent Israël au 24e rang sur 25 pays développés, sans compter les haredim, qui ne passent pas les tests internationaux.

L’expert pose la question en des termes très durs.

« La raison pour laquelle nous pouvons abattre des missiles aujourd’hui, c’est que nous avons des gens extrêmement instruits. Ils vivent ici. Ils veulent vivre ici. »

Mais cela pourrait changer : à un moment donné, le fardeau de la vie ici pourrait l’emporter sur l’attachement sentimental des gens pour cet endroit. Pour certains, c’est déjà le cas. Dan Ben-David souligné qu’en 2017, pour quatre Israéliens diplômés de l’enseignement supérieur qui ont quitté le pays, une seule personne ayant une formation équivalente y est revenue.

La productivité du travail en Israël est l’une des plus faibles du monde développé, a ajouté M. Ben-David, et les 20 % des salariés les mieux payés paient 92 % des impôts – un chiffre qui en fait un cas particulier dans l’OCDE. Israël doit améliorer d’urgence les services publics tels que l’éducation, les soins de santé et les transports pour empêcher ces travailleurs instruits et productifs de quitter le pays.

Avec l’aimable autorisation de l’Institut Shoresh.

Mais ce n’est pas à cela que sert l’argent du gouvernement. Au lieu de cela, des milliards de shekels sont dépensés dans des secteurs d’intérêt spécial comme les haredim et les implantations, sur lesquels le Premier ministre Benjamin Netanyahu a toujours compté pour former ses coalitions. Par exemple, explique M. Ben-David, le nombre de lits d’hôpital par habitant en Israël a chuté de 45 % depuis 1977, et les hôpitaux israéliens sont les plus surpeuplés de l’OCDE.

Le Times of Israel s’est entretenu avec Ben-David par téléphone pour comprendre pourquoi il pense que l’éducation est une urgence nationale, comment nous en sommes arrivés là et ce qui peut être fait pour y remédier.

Times of Israel : Le sous-titre de votre rapport est « Une vision à long- terme des élections israéliennes ». Selon vous, qu’est-ce qui ressort le plus des résultats électoraux, et que pensez-vous du fait que d’autres observateurs se soient trompés ?

Dan Ben-David : Je pense que la plupart des gens se concentrent sur le présent, en général, et pas seulement sur les élections ; ils ne voient pas les tendances à long-terme, comment elles se développent et quelles sont leurs implications. Nous regardons toujours les élections les plus récentes par rapport aux précédentes et nous pensons avoir fait preuve d’une diligence raisonnable.

Mais quand vous regardez les blocs de vote plutôt que les partis individuels, le bloc de centre-gauche a diminué au cours des deux dernières décennies.

Notre intuition naturelle est de penser que Netanyahu est fort et n’a pas eu de concurrence depuis un certain temps et aussi de penser que le bloc de droite/religieux (qui comprend le Likud, Yisrael Beytenu, l’Union des partis de droite, Koulanou et autres partis de droite) est en hausse. Ce qui me surprend, c’est qu’en fait, le bloc de droite a culminé en 1977 et, depuis, sa part dans le total des votes a diminué, sauf au cours des deux dernières élections, où elle a un peu augmenté, mais sa tendance générale est à la baisse.

Le bloc du centre-gauche se réduit donc de plus en plus, et le bloc droite/religieux est également en déclin. Qui est en hausse ? Quand vous regardez la situation dans son ensemble, le gros problème, ce sont les haredim, qui ont plus que triplé leur pourcentage de voix.

Si ces tendances se poursuivent, elles auront des conséquences très importantes pour l’avenir. Les haredim n’ont jamais fait partie d’un gouvernement israélien avant 1977 et ont fait partie de presque tous les gouvernements depuis. Ils ont été au pouvoir pendant 39 des 42 années qui se sont écoulées depuis 1977.

Les haredim sont donc les principaux acteurs de la politique israélienne. Personne à gauche ou à droite ne pense même à former un gouvernement sans eux [Yaïr Lapid le pense]. Alors que la gauche et la droite se concentrent sur des questions politiques comme les Palestiniens et la défense, former une coalition avec les ultra-orthodoxes semble apparemment coûter moins cher, car vous pouvez conclure un accord avec eux sans avoir à sacrifier vos idéaux sur les questions droite-gauche. Mais en faisant cela, on hypothèque l’avenir des haredim, et celui d’Israël aussi, car l’un de leurs principes majeurs est de priver leurs enfants d’une éducation de base.

Pourquoi les haredim ne veulent-ils pas que leurs enfants apprennent les mathématiques de base et l’anglais ?

À mon avis, c’est lié à un problème beaucoup plus vaste. Ils essaient également de protéger leurs communautés de tout média extérieur, etc. Cela leur permet de leur raconter n’importe quelle histoire qu’ils veulent sur le monde extérieur – que nous sommes Sodome et Gomorrhe, et que tout est mauvais et terrible et que c’est l’enfer dehors. Par conséquent, ils doivent rester où ils sont, rester haredim et ne même pas penser à chercher ailleurs. Je pense que c’est ce qui les préoccupe.

Peut-être que les haredim qui votent pour les partis ultra-orthodoxes qui rejettent un programme de base refusent la modernité. N’est-ce pas leur droit de le faire ?

Pour autant que je sache, la modernité comprend l’accès à des médecins, à des architectes et à des ingénieurs pour concevoir votre maison et votre quartier, ainsi que les infrastructures sur lesquelles les gens comptent sans nécessairement en être conscients (et nous n’entrons même pas dans le rôle des sciences fondamentales pour permettre des améliorations médicales, techniques et autres). Et puis il y a la question des systèmes de protection sociale qui n’ont vu le jour qu’après l’avènement de la modernité.

Suggérez-vous que les haredim rejetteraient tout ce qui précède, refuseraient d’aller chez le médecin lorsqu’ils sont malades, de vivre et de travailler dans des bâtiments construits selon les normes anti-sismiques et renonceraient à toute aide sociale – ou autre – de la part du gouvernement ?

La modernité ne consiste pas seulement à prendre ce que l’on peut aux autres. Imaginez si c’est ce que nous ressentions tous.

Donc vous dites que le mode de vie des haredim nous affecte tous ?

Les partis politiques ultra-orthodoxes ont un pouvoir politique croissant en Israël, ce qui est suffisant pour que cela continue indéfiniment. Le problème, c’est que cela ne peut pas durer éternellement, parce qu’aujourd’hui déjà, non seulement les haredim mais la moitié de la population ici est si pauvre qu’elle ne paie même pas d’impôt sur le revenu. Ils n’atteignent pas le dernier échelon de l’échelle de l’impôt sur le revenu. Quatre-vingt-douze pourcents de tout l’impôt sur le revenu en Israël provient de seulement 20 % de la population, soit les deux déciles supérieurs des salariés.

Avec l’aimable autorisation de l’Institut Shoresh.

Ce sont les gens qui travaillent dans le secteur de la haute technologie. Ce sont les scientifiques et les universitaires. Ces gens maintiennent essentiellement Israël à flot, parce que lorsqu’on regarde la tendance à long-terme en termes de PIB par heure travaillée, nous sommes parmi les plus bas de l’OCDE.

Depuis les années 1970, nous accusons un retard de plus en plus grand par rapport aux principaux pays développés en matière de productivité des travailleurs, et cela ne pourra pas se terminer bien.

Vous avez indiqué que pour chaque Israélien ayant une licence ou plus qui rentre en Israël chaque année, plusieurs partent ?

C’est ce que cela signifie d’être de plus en plus à la traîne. Je ne pense pas que nous soyons encore sous la « ligne rouge » ou que nous ayons perdu une masse critique de personnes, bien que dans certains domaines ce soit le cas.

Dans quels domaines ?

Dans mon domaine, en économie, nous disons à nos meilleurs étudiants qui veulent retourner à l’université et enseigner que s’ils veulent le faire, ils doivent obtenir un doctorat dans une des meilleures universités américaines : Harvard, Chicago, Stanford ou MIT. Mais si vous êtes assez bon pour ça, vous n’avez pas besoin de revenir en Israël juste après avoir obtenu votre diplôme. Et l’une des choses qui s’est produite, c’est que la plupart d’entre nous, dans ma génération, sommes revenus – je suis allé à l’Université de Chicago, par exemple – ce qui n’est pas le cas pour les jeunes.

À tel point que les deux principaux départements d’économie d’Israël – l’Université hébraïque et l’Université de Tel Aviv – ont regroupé nos programmes d’études supérieures il y a environ huit ans, parce que nous n’avions tout simplement pas assez de gens qui étaient revenus en Israël pour enseigner les cours qui, à notre avis, devraient être enseignés au niveau supérieur.

Il y a donc tous ces jeunes diplômés qui quittent le pays et qui ne reviennent pas toujours ?

On peut arranger ça. C’est une question de priorités nationales. C’est de cela qu’il s’agissait dans ce rapport. On se ressaisit et on arrange ça. Nous avons démontré notre capacité à le faire par le passé. Regardez la génération fondatrice d’Israël. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils avaient les moyens de construire des hôpitaux, des universités et des routes même s’ils avaient beaucoup moins d’argent que nous. Nous pouvons donc certainement arranger les choses, sauf que ce que nous faisons en ce moment, c’est dépenser de l’argent à toutes sortes de fins autres que celles-là.

Le problème, c’est que la seule solution est politique. Quiconque est responsable du pays doit en faire une priorité. Mais comment y parvenir si certains membres du gouvernement profitent de la façon dont l’argent est actuellement dépensé ? Peut-être que les 20 % de contribuables qui paient des impôts devraient déclencher une révolte fiscale ?

Il n’y aura pas de révolte fiscale, ils partiront tout simplement.

Je pense que l’un des points positifs de cette élection est le fait que, pour la première fois depuis les années 1990, les deux plus grands partis sont majoritaires à la Knesset. Ils n’ont donc pas à conclure d’accords avec les haredim ou tout autre parti extrémiste à gauche ou à droite [s’ils se sont unis]. Je n’ai pas vu beaucoup de différence entre les deux partis sur les questions qui sont centrales pour la plupart des Israéliens – les questions d’infrastructure comme les soins de santé, l’éducation et les transports.

Cela n’arrivera pas parce que Kakhol lavan a dit qu’il ne siégerait pas dans un gouvernement avec Netanyahu.

Imaginez donc le scénario suivant : et si le procureur général [Avichai] Mandelblit offrait à Netanyahu une grâce ou une carte de sortie de prison s’il quitte la politique à jamais ? C’est essentiellement ce que Gerald Ford a fait avec Richard Nixon. Ce n’est pas la première fois que l’on fait ce genre de choses, et cela ouvrirait la porte à la collaboration entre ces deux partis.

Beaucoup de critiques du gouvernement actuel considèrent la corruption comme un problème fondamental, mais cela ne semble pas être votre principale préoccupation.

Je m’inquiète de ce qui s’est passé une étape avant cela. J’essaie de comprendre pourquoi nous n’avons pas dépensé ce que nous aurions dû dépenser pour ce qui est le plus important pour l’avenir d’Israël – une bonne éducation pour tous nos enfants. Pourquoi n’avons-nous pas investi là-dedans ? J’ai examiné les données et constaté que lorsque vous examinez les dépenses du gouvernement civil, même après déduction des dépenses de défense, il y avait suffisamment d’argent.

Donc, s’il y avait assez d’argent, pourquoi n’a-t-il pas été consacré à l’éducation ? C’est une question politique. Alors je me suis dit, d’accord, quels étaient les partis politiques ? Quels étaient les blocs politiques ? Comment tout cela s’est-il passé ?

Vous dites donc que la chose la plus importante est qu’Israël reste une économie moderne ?

Le plus important, c’est qu’Israël continue d’exister. La capacité d’Israël à se défendre ne vient que d’un seul domaine, la capacité économique de financer ce dont nous avons besoin et les ressources nécessaires pour financer le genre de cerveaux qui abattront des missiles ou feront tout ce dont nous aurons besoin dans le futur, ce à quoi je ne peux même pas penser aujourd’hui. Si nous avons besoin d’une économie moderne, ce n’est pas parce qu’elle figure sur ma liste de souhaits, c’est parce que sans elle, il n’y a pas d’Israël, parce que nous ne serons pas capables de nous défendre.

Pourquoi ne peut-on pas avoir un pays où 10 % de la population travaille dans la haute technologie ? Ils peuvent vivre à Tel Aviv et avoir une vie digne d’un pays développé.

Et payer toutes les taxes. Pourquoi rester ici et ne pas aller en Amérique ou ailleurs ? Ajoutez à cela un autre petit détail, à savoir que leurs enfants vont probablement à l’armée et que ce n’est pas le cas de la partie de la population dont la croissance est la plus rapide. Alors qui va les défendre ? Est-ce que ces 10 % de la population vont payer les impôts et élever les futurs mercenaires ?

Des études comme celle de la Martin School de l’Université d’Oxford prédisent que la moitié des emplois pourraient être supprimés dans les 15 à 20 prochaines années, que l’intelligence artificielle dirigera les choses et qu’il ne faudra que quelques personnes hautement qualifiées qui travailleront et que les autres auront simplement un revenu minimum garanti pour tout le monde. Alors peut-être que la plupart des Israéliens pourraient simplement obtenir un revenu de base puisque le secteur de la haute technologie est si productif qu’il sera en mesure de financer le reste.

L’orientation générale est effectivement celle dont vous parlez, mais nous n’en sommes pas encore aux dernières étapes. En d’autres termes, la croissance économique se caractérise par des changements structurels permanents, ce qui signifie que certaines industries disparaissent et que de nouvelles industries plus efficaces apparaissent à leur place. Et c’est ça, la productivité. Cela signifie que nous travaillons peut-être le même nombre d’heures, mais que nous produisons plus, que notre salaire augmente et donc que nous vivons mieux.

Cela signifie que nous avons besoin de personnes mieux à même de répondre aux besoins d’une société moderne. En d’autres termes, la croissance économique implique une demande accrue de personnes instruites et qualifiées. La demande ne cesse d’augmenter. Le revers de la médaille, c’est qu’il y a toujours une baisse de la demande de personnes moins instruites et non qualifiées. Nous en avons besoin de moins en moins. Ce que la société doit faire, c’est améliorer l’éducation pour qu’elle donne à une plus grande partie de ses enfants la capacité de s’adapter.

Il ne s’agit pas seulement d’obtenir un doctorat en physique. Si vous voulez avoir un garage, par exemple, vous devez savoir comment faire fonctionner un ordinateur afin de pouvoir connecter l’ordinateur à toutes les voitures qui viennent d’arriver ce matin-là. L’ordinateur peut immédiatement diagnostiquer ce qui ne va pas avec les voitures, et vous serez en mesure de réparer deux fois plus de voitures que vous ne l’auriez fait autrement. C’est ce qu’on appelle la productivité.

Avec l’aimable autorisation de l’Institut Shoresh.

Vous devez connaître l’anglais si vous voulez commercer avec d’autres pays, parce que c’est là que se trouvent la plupart des marchés. Vous devez savoir beaucoup de choses que si vous n’étudiez pas quand vous êtes enfant, vous ne serez pas capable d’étudier quand vous serez adulte.

Par exemple, beaucoup de gens pensent : « Je n’aurai jamais besoin des maths. Je n’aime pas les maths. Mon prof de maths est nul. Je n’ai pas le goût des maths, et je n’en aurai jamais besoin. »

Peut-être, mais vous ignorez peut-être si vous en aurez besoin ou non. Parce que si vous avez un emploi et qu’un jour vous décidez que vous voulez améliorer votre situation en suivant des cours de gestion, que ce soit un diplôme en gestion ou un MBA ou des cours en gestion publique, vous allez devoir suivre un cours d’économie.

Si vous suivez un cours d’économie, vous allez me rencontrer, moi ou quelqu’un comme moi. Et ça veut dire que vous aurez besoin de maths. Et vous aurez aussi besoin de l’anglais, parce que la plupart des textes de cours d’études supérieures sont en anglais.

Avec l’aimable autorisation de l’Institut Shoresh.

La plupart des outils nécessaires pour comprendre des choses qui ne sont pas intuitives nécessitent d’être capable de modéliser des choses en mathématiques, pas en mathématiques de haut niveau, mais si vous ne savez pas comment résoudre deux équations à deux inconnues, ce qui est en fait de l’algèbre du niveau de quatrième, vous aurez un problème majeur dans un cours d’économie.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de remise à zéro dans la vie. Quand on a la vingtaine ou la trentaine, on ne peut pas tout refaire quand on doit travailler et avoir des enfants, et qu’il y a tant d’autres choses qui se passent. C’est impossible.

Vous soulignez dans le journal qu’un lauréat du prix Nobel, James Heckman, a montré que plus un enfant reçoit une éducation tôt, plus il en bénéficiera plus tard dans sa vie.

Son travail montre que plus on atteint les enfants tard, plus le gain est faible par la suite, parce qu’ils comprennent beaucoup mieux les choses quand ils sont enfants. Ils apprennent les choses beaucoup plus rapidement, ils sont plus curieux et ont moins d’inhibitions pour explorer des choses qui pourraient être des vaches sacrées pour les adultes ou les enfants plus âgés.

C’est comme un livre ouvert. Vous pouvez faire n’importe quoi avec eux. En gros, vous pouvez les remplir de tant d’informations qui leur ouvriront la porte de leur vie par la suite. Vous voyez cela dans de nombreux pays.

Vous dites que même pour les enfants non-haredim, le système éducatif israélien n’est pas si bon.

Il est épouvantable ; c’est au-delà du pas terrible.

Supposons que les deux principaux partis forment une coalition. Quelle est la première chose que leur nouveau gouvernement devrait faire ?

Réforme de l’éducation. Entre autres choses, nous devons améliorer considérablement les exigences relatives à ce que nous voulons que nos enfants étudient. Qu’est-ce qu’on veut à la maternelle ? Que voulons-nous que les élèves de CE1 étudient pour devenir des élèves de CE2 ? Quelles sont les conditions requises pour que les élèves de sixième deviennent des élèves de cinquième, et pour que les élèves de terminale obtiennent leur diplôme ? En d’autres termes, définir un programme d’études de base réglé sur les niveaux les plus élevés du monde développé et l’appliquer ensuite à toutes les écoles en Israël, y compris les écoles haredim.

C’est la première chose.

Deuxièmement, qui sont les enseignants ? Près de 79 % des enseignants en Israël sont issus d’institut de formation des enseignants. Il en existe moins de deux dizaines, et les conditions d’admission y sont inférieures à celles fixées pour tous les départements universitaires de toutes les universités du pays.

Il y a des gens qui deviennent enseignants par conviction, qui sont capables de faire beaucoup de choses et qui en font beaucoup, mais la grande majorité des enseignants en Israël sont des gens qui ne pourraient pas être acceptés dans une université. Alors comment pouvons-nous nous attendre à ce qu’ils élèvent nos enfants à ce niveau ?

Nous devons inverser la tendance. Au lieu d’étudier pour devenir enseignant et d’apprendre un peu de mathématiques ou un peu d’anglais, je pense que les enseignants devraient passer par un processus de sélection pour être acceptés dans un département de mathématiques, de physique ou d’anglais.

Étudiez cela. Devenez un expert en la matière, du moins au niveau de la licence. Cela produira deux bonnes choses. Tout d’abord, vous n’êtes pas obligé d’être enseignant, vous avez d’autres options.

A titre d’illustration : Des lycéennes israéliens préparent leur examen final de mathématiques à Maale Adumim, à l’est de Jérusalem, le 20 mai 2015. (Hadas Parush/Flash90)

Si vous avez d’autres options, vous n’avez pas à vous contenter de bas salaires, ce qui signifie que si nous, en tant que nation, voulons que vous enseigniez, nous devrons vous payer beaucoup plus. Mais ensuite vient l’autre côté. Si nous sommes en concurrence avec le secteur privé pour vos services, nous pouvons également exiger que vous travailliez du matin au soir tous les jours de l’année et que vous ayez les mêmes vacances que les autres.

De cette façon, nous aurions moins d’enseignants et nous pourrions les payer beaucoup plus.

La charge de travail des enseignants dans les écoles primaires israéliennes est 25 % inférieure à la moyenne de l’OCDE, et dans les lycées, les professeurs travaillent moitié moins que la moyenne de l’OCDE – ce n’est pas assez.

Ensuite, il y a le système éducatif lui-même. Vous ne pourriez pas faire fonctionner une épicerie de la façon dont il est géré. C’est le plus gros budget d’Israël, et il n’y a presque aucune mesure ou analyse à ce sujet.

Prenons l’exemple des examens de Bagrout [le baccalauréat]. Ils coûtent énormément d’argent, mais ils ne sont pas étalonnés au fil du temps, de sorte qu’on ne peut pas les comparer. En d’autres termes, supposons que dans les cinq unités de l’examen de mathématiques de cette année, la note moyenne était de 90. Il y a vingt ans, c’était 95. Cela ne veut pas dire que les enfants d’aujourd’hui en savent moins. Et si c’était 80 dans le passé, cela ne veut pas dire qu’ils en savent plus.

Non seulement vous ne pouvez pas comparer les examens dans le temps, mais vous ne pouvez même pas comparer différentes régions d’Israël en une seule année, parce qu’il y a une composante locale dans la notation.

Ce sont des données dont nous avons besoin. Nous devons trouver un moyen de savoir si notre éducation s’améliore ou empire. Une refonte en profondeur du système éducatif s’impose.

Quelle est la ligne rouge ou le point de non-retour si les choses continuent ainsi ?

Toutes les tendances que je décris sont assez simples. Les choses évoluent dans une certaine direction, mais elles ne vont pas continuer ainsi. Je pense qu’il y aura une crise majeure, soit une guerre ou une crise économique, parce qu’il y en a toujours une de temps en temps.

Avec l’aimable autorisation de l’Institut Shoresh.

La question est de savoir ce qui se passe au lendemain de cette crise. Allons-nous nous ressaisir collectivement et dire, au diable toutes ces vaches sacrées, qu’on répare les choses. Ou pas ? Si nous ne le faisons pas, nous n’assisterons pas seulement à une augmentation progressive de l’exode des cerveaux. Quiconque a l’option de partir partira et les gens partis seront ceux qui n’auront pas le choix, mais il n’y aura plus personne pour les soutenir.

Je suis un éternel optimiste. Je ne crois pas que nous ayons dépassé le point de non-retour, mais il se pourrait très bien que les dernières élections le fassent, si nous ne pouvons obtenir un gouvernement qui fasse de cette question une priorité.

Et après ? À quoi ressemblera Israël après l’exode des cerveaux que vous décrivez ?

C’est un processus qui arrive dans certains pays. Ne cherchez pas plus loin que notre voisin au nord, le Liban. Beyrouth s’appelait autrefois le Paris du Moyen-Orient et les chrétiens, qui étaient pour la plupart les citoyens les plus instruits et les mieux lotis, n’y sont plus.

Oui, mais le Liban existe toujours. Il semble tout simplement qu’il s’agit d’un pays où les gens ne choisiraient pas nécessairement d’y vivre.

Mais le Liban des années 1960 et du début des années 1970 n’était pas cela. C’était le joyau du Moyen-Orient, un modèle de ce à quoi pourrait ressembler un pays arabe.

Regardez le Venezuela. Ils ont du pétrole, ils ont tout, mais tous les gens instruits qui avaient la possibilité de partir ne sont plus là. Ils sont partis. Ce pays est dans le gouffre.

Dans notre cas, cependant, c’est plus compliqué parce que ce genre de processus signifierait la fin d’Israël.

L’analogie que j’utilise est que nous sommes essentiellement les passagers d’un paquebot de luxe. Israël est un pays développé, et nous nous disputons toujours au sujet de l’emplacement des chaises longues. Mais le Titanic était un paquebot de luxe et un immense iceberg se trouve devant nous. Si nous n’arrêtons pas de nous disputer pour savoir qui a le droit de s’asseoir sur quel fauteuil sur le pont pour nous concentrer sur cet iceberg, alors ceux qui le peuvent seront sur le radeau de sauvetage qui quitteront cet endroit et le reste du pays percutera directement cet iceberg.

Cet iceberg est notre voisin. Si vous voulez l’analogie ultime, il y a peu, c’était le jour du souvenir de la Shoah, qui a coûté la vie à six millions de Juifs. Savez-vous combien de Juifs vivent en Israël aujourd’hui ? Six millions. C’est ce groupe qui est en danger si nous ne nous ressaisissons pas aujourd’hui en Israël pendant que nous le pouvons encore.

Nous avons des voisins qui mettent les gens dans des cages et les jettent dans l’eau pour qu’ils se noient. Pas tous nos voisins, évidemment pas tous, mais ceux qui vivent encore au Moyen Âge ont eu beaucoup d’influence dans le monde arabe au cours de la dernière décennie. Donc si c’est ce qu’ils font aux autres Arabes, imaginez ce qu’ils nous feront si nous ne pouvons pas nous défendre.

C’est pourquoi nous devons nous réveiller et mettre le pays sur une meilleure voie. Si cela signifie donner à Netanyahu une carte de sortie de prison gratuite juste pour que les deux plus grands partis puissent se réunir et réparer l’avenir, alors faites-le. Ça empeste à souhait, mais c’est un petit prix à payer. Il s’agit de l’avenir d’Israël.

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