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Les Etats-Unis ont formellement demandé à réintégrer l’Unesco, un oeil vers la Chine

L'acceptation du retour américain ne pourra se faire qu'après un vote à la majorité des autres Etats, attendu en juillet

Le siège de l'Unesco à Paris. (Crédit : Wikimedia Commons/Albertus teolog/domaine public)
Le siège de l'Unesco à Paris. (Crédit : Wikimedia Commons/Albertus teolog/domaine public)

Les Etats-Unis, sous la houlette du président Joe Biden, ont officiellement demandé à réintégrer l’Unesco quittée sous Donald Trump, une décision visant notamment à contrer l’influence grandissante de la Chine dans l’ordre multilatéral international.

« Je souhaite vous informer, au nom du département d’Etat, que les Etats-Unis ont l’honneur de proposer un plan pour leur retour dans l’Unesco », a écrit Richard Verma, un adjoint au secrétaire d’Etat, dans un courrier à la directrice générale de l’organisation Audrey Azoulay, vu par l’AFP.

« Si l’Unesco va bien, elle ira mieux encore avec le retour des Etats-Unis », a lancé Mme Azoulay lors d’une réunion avec les pays membres à Paris, siège de l’institution onusienne. « C’est un grand jour pour l’Unesco, pour le multilatéralisme ».

L’acceptation du retour américain ne pourra se faire qu’après un vote à la majorité des autres Etats, attendu en juillet.

A l’unisson de l’ambassadeur du Japon à l’Unesco, qui s’est réjoui d’un « développement historique », plus de 40 pays ont soutenu la tenue d’un vote rapide sur le sujet et se sont montrés favorables à la réintégration américaine.

La Chine, via son ambassadeur auprès de l’Unesco Yang Jin, a indiqué qu’elle ne s’y opposerait pas. « La Chine est prête à travailler avec tous les États membres, y compris les États-Unis », a-t-il lancé, malgré les relations houleuses entre Pékin et Washington.

L’ancien président américain Donald Trump s’adresse au sommet national 2019 du Conseil israélo-américain au Diplomat Beach Resort à Hollywood, en Floride, le 7 décembre 2019. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)

Cette décision américaine s’inscrit dans le contexte général de la rivalité croissante entre les deux pays et alors que la Chine souhaite transformer l’ordre multilatéral international mis en place après la Deuxième guerre mondiale, dont l’Unesco est une émanation.

Sous la présidence de Donald Trump, les Etats-Unis avaient annoncé en octobre 2017 quitter l’Unesco dont ils avaient notamment dénoncé les « partis pris anti-israéliens persistants ». Ce retrait, accompagné de celui d’Israël, était effectif depuis décembre 2018.

En mars, le secrétaire d’Etat Anthony Blinken avait toutefois estimé que l’absence américaine permettait à la Chine de peser davantage que les Etats-Unis sur les règles de l’intelligence artificielle (IA), quand l’Unesco a produit une recommandation sur l’éthique de l’IA dès 2021.

« Je crois vraiment que nous devrions revenir à l’Unesco, pas pour faire un cadeau à l’Unesco, mais parce que les choses qui se passent à l’Unesco ont de l’importance », avait-il déclaré.

Audrey Azoulay, ancienne ministre française de la Culture et nouvelle directrice de l’UNESCO, en conférence de presse suite à son élection, au siège de l’UNESCO à Paris, le 13 octobre 2017. (Crédit : Thomas Samson/AFP)

L’Unesco « crée des normes importantes. Quand vous êtes absents de cela, vous laissez bien sûr la place à d’autres », a remarqué Audrey Azoulay lundi dans un court entretien avec la presse.

« Carrefour géopolitique »

Depuis 2011, et l’admission de la Palestine au sein de l’Unesco, les Etats-Unis, dirigés alors par Barack Obama, avaient stoppé tout financement à l’organisation onusienne pour la culture, l’éducation et les sciences, un énorme coup d’arrêt pour celle-ci, alors que les contributions américaines représentaient 22 % de son budget.

La dette américaine auprès de l’Unesco, contractée entre 2011 et 2018, est aujourd’hui de 619 millions de dollars, soit davantage que le budget annuel de l’Unesco, évalué à 534 millions de dollars.

« L’argent frais américain va faire beaucoup de bien à l’Unesco », a estimé sous couvert de l’anonymat un diplomate de cette agence, pour qui le président américain « et la Première dame » ont été « impliqués » dans la demande de réintégration de Washington.

Le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden accompagné de son épouse Jill parle à la presse au National Constitution Center de Philadelphie, le 10 mars 2020 (Crédit : AP Photo/Matt Rourke)

« Les Etats-Unis ont besoin de renouer une forme de dialogue. (…) Le retour des Américains à l’Unesco cristallise plein de tectoniques des plaques qui bougent de partout », observe Annick Cizel, maître de conférence à l’université Paris III.

Car l’Unesco est un « carrefour géopolitique » où Washington peut s’entretenir par exemple avec la Chine sur des questions environnementales, mais aussi avec le Moyen-Orient, « qui échappe de plus en plus aux Américains », énumère cette spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis.

L’Unesco, c’est aussi « la vérité scientifique face à la désinformation de Truth social », le réseau social de Donald Trump, ou face aux fake news propagées par « l’axe sino-russo-irano-nord-coréen », relève-t-elle.

Les Etats-Unis ont indiqué avoir demandé au Congrès américain de décaisser 150 millions de dollars pour l’année fiscale 2024, un montant équivalent devant être déboursé les années suivantes « jusqu’à résorption de nos arriérés », selon le courrier de Richard Verma.

Les Etats-Unis avaient déjà quitté l’Unesco en 1984, sous Ronald Reagan, invoquant l’inutilité supposée et les débordements budgétaires de cette organisation qu’ils avaient ensuite réintégrée en octobre 2003.

La Russie et l’Iran, autres membres de l’Unesco avec lesquels Washington entretient des relations complexes, ne se sont pas prononcés lundi. Le scénario d’un rejet de la candidature américaine lors du vote de juillet est toutefois considéré à l’Unesco comme peu probable.

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