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Les fabricants d’armes allemands ne se cachent plus

Dans un pays hanté par la culpabilité de la Shoah et de la guerre d'anéantissement lancée en 1939 par Hitler, l'industrie de défense est restée dans l'ombre durant des années

Le PDG du fabricant d'armes allemand Rheinmetall, Armin Papperger (G), et le directeur financier de la société, Dagmar Steinert, pour une photo à l'extérieur de la Bourse de Francfort, le 20 mars 2023 à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne, avant la cérémonie d'introduction de la société dans l'indice boursier allemand DAX. Rheinmetall rejoindra l'indice DAX de Francfort, soulignant l'amélioration de la situation de l'industrie de l'armement du pays, alors que la guerre en Ukraine stimule la demande.
(Crédit : Daniel ROLAND / AFP)
Le PDG du fabricant d'armes allemand Rheinmetall, Armin Papperger (G), et le directeur financier de la société, Dagmar Steinert, pour une photo à l'extérieur de la Bourse de Francfort, le 20 mars 2023 à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne, avant la cérémonie d'introduction de la société dans l'indice boursier allemand DAX. Rheinmetall rejoindra l'indice DAX de Francfort, soulignant l'amélioration de la situation de l'industrie de l'armement du pays, alors que la guerre en Ukraine stimule la demande. (Crédit : Daniel ROLAND / AFP)

Les blindés et munitions de l’entreprise Rheinmetall rejoignent lundi l’élite économique à la Bourse de Francfort, symbole d’une industrie allemande de l’armement qui reprend du galon depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Ce groupe plus que centenaire, fabricant notamment d’une partie des chars Leopard livrés à Kiev, fait son entrée au Dax, l’indice regroupant les 40 plus grandes entreprises du pays, aux côtés de Volkswagen, Siemens ou Bayer.

Une consécration pour Rheinmetall qui a enregistré des résultats record l’an dernier, multipliant par 2,5 le cours de ses actions depuis l’invasion russe.

Dans une Allemagne hantée par la culpabilité de la Shoah et de la guerre d’anéantissement lancée en 1939 par Hitler, l’industrie de défense est restée dans l’ombre durant des décennies.

Elle n’a pourtant pas cessé de se développer, l’Allemagne comptant parmi les principaux vendeurs d’armes. Le pays se classait cinquième exportateur mondial sur les cinq dernières années, avec 4 % du marché, derrière les Etats-Unis, la Russie, la France et la Chine, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

Mais la première économie européenne a longtemps préféré mettre en lumière ses champions de l’industrie automobile ou des machines-outils.

La guerre en Ukraine a tout changé. Le chancelier Olaf Scholz vante désormais le savoir-faire des fabricants nationaux, comme lors d’une récente visite chez le groupe Hensoldt, spécialiste de l’électronique militaire. Il a promis de créer « une base industrielle » pour la production d’équipement militaire « afin de contribuer à garantir la paix et la liberté en Europe ».

Le chancelier allemand Olaf Scholz assiste à une conférence de presse à la Chancellerie à Berlin, le 4 juillet 2022. (Crédit : AP Photo/Michael Sohn, Archives)

« Pas de militarisme » 

Le PDG de Rheinmetall, Armin Papperger, est lui devenu une personnalité médiatique, régulièrement sollicité par les médias.

« Je comprends parfaitement qu’au cours des 25 dernières années la pression politique et de la population n’ait pas été forte » pour augmenter les dépenses militaires, confiait-il la semaine dernière.

Les commandes de l’armée allemande ont en effet accusé un retard tel que la Bundeswehr « manque de tout », a encore rappelé récemment la commissaire à la Défense au Bundestag Eva Högl.

Conscient des années de sous-investissement à rattraper, le gouvernement d’Olaf Scholz a annoncé il y a un an un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée.

L’Allemagne « ne fait pas de militarisme », assure à l’AFP le député Alexander Müller, mais il s’agit de « reconstituer les capacités » manquantes, selon cet élu du parti libéral FDP, membre de la coalition gouvernementale.

Les poids lourds allemands de la défense comptent profiter de cette manne : le groupe KMW, également fabricant du char Leopard, Thyssenkrupp pour les sous-marins et navires de guerre, MBDA ou Diehl dans les missiles.

La production d’armement employait environ 55 000 personnes en Allemagne en 2020, et même 135 000 en comptant fournisseurs et prestataires.

Rheinmetall, basé à Düsseldorf (ouest), prévoit deux nouvelles usines en Allemagne et en Hongrie et espère pouvoir en ouvrir une en Ukraine.

Les contrats liés au fonds de 100 milliards devraient être passés cette année, a promis Olaf Scholz alors que les industriels s’impatientent.

Sur la durée

Mais « on ne créera pas la sécurité en appuyant un peu sur l’accélérateur pendant un an », prévient M. Papperger.

Les efforts budgétaires devront durer si Berlin veut consacrer 2 % de son PIB à la défense, comme les grandes puissances de l’Otan.

Cette part était de 5 % dans les années 1960 puis est descendue sous les 2 % depuis 1990 et l’éclatement de l’URSS, avec seulement 1,3 % en 2021.

L’engagement à revenir à 2 % « signifie de passer d’environ 50 milliards d’euros de dépenses militaires annuelles à 70 voir 75 milliards sur une base durable », observe Pieter Wezeman de l’Institut Sipri.

Berlin devra aussi décider du sort d’un projet de loi visant à encadrer plus étroitement les exportations d’armes qui avait été promis par le gouvernement avant la guerre en Ukraine.

La question est délicate au moment où les Etats européens veulent renforcer leur défense commune, car avec une telle loi, « la coopération européenne en matière d’armement impliquant des entreprises allemandes deviendra encore plus difficile », prévient Christoph Atzpodien, responsable de la promotion de l’industrie allemande de la défense.

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