Les familles d’otages veulent « briser l’indifférence et faire descendre les gens dans la rue »
Recouverts de peinture rouge et les mains liées, des proches d'otages ont manifesté devant le QG de l'armée pour demander de l'aide et un accord pour la libération de leurs proches
Des proches d’otages ont organisé une séance de questions-réponses sur la place des otages, à Tel Aviv, mardi soir, à l’occasion du 200e jour de captivité de leurs proches encore aux mains du Hamas à Gaza.
Après la séance de questions réponses, nombre de ces proches se sont grimés en otages du Hamas avant de passer, l’un après l’autre, devant la base militaire de Kirya, devant laquelle ils se sont assis en appelant à l’aide et en demandant le retour de leurs proches.
Organisée par le Forum des otages et des familles de disparus, la session de questions-réponses a pris un tour nettement plus intimiste que la manifestation qui se tient habituellement sur la place des otages. Ses organisateurs ont invité les membres du public à écrire leurs questions, adressées aux six panélistes – proches d’otages, parents éplorés par la perte d’un enfant, citoyens déplacés et même un rescapé du massacre de la rave Supernova.
L’événement a duré un peu plus d’une heure et les conférenciers ont répondu à quelques questions : le public a activement participé à l’événement.
Au lieu de discours préparés lus depuis la scène, les panélistes avaient pris place devant le public pour évoquer leur sentiment de culpabilité, leur optimisme, leur envie ou non de rester en Israël sur le long terme et d’autres sujets plus personnels encore.
Une trentaine de minutes après le début de l’événement, d’autres manifestants sont lentement passés devant eux, sur la Place des Otages. On pouvait entendre les slogans contre le gouvernement depuis la rue voisine.
En entendant les slogans, des panélistes ont demandé à leur auditoire de rester avec eux et le forum des familles, pour offrir un front uni pour le sort des otages.
Yamit Ashkenazi, évacuée de Kfar Aza et sœur de Doron Steinbrecher, otage du Hamas, a regretté que la place des Otages soit « vide, ou tout du moins bien moins pleine » que ces dernières semaines.
« Entre mon arrêt de bus et la Place des Otages, j’ai aperçu des milliers de personnes avec des drapeaux israéliens et des t-shirts du Forum des familles d’otages, mais ils allaient dans l’autre direction », a-t-elle déclaré, faisant allusion aux manifestations antigouvernementales à Tel Aviv menées par un petit groupe de proches d’otages. « Si vous êtes déjà là, pourquoi ne pas venir nous soutenir, pourquoi ne pas venir sur la Place des Otages ? »
Liron Eldor, le père du soldat Adi Eldor, qui avait combattu à Kfar Aza le 7 octobre et a été tué à Khan Younès en février dernier, a exprimé un sentiment similaire à celui d’Ashkenazi, regrettant une certaine indifférence de la société israélienne envers les otages.
« C’est notre objectif – briser l’indifférence et faire descendre les gens dans la rue », a-t-il déclaré, ajoutant que, même s’il était pleinement en accord avec les manifestants anti-gouvernementaux, il estimait nécessaire pour le mouvement des proches d’otages de faire front, dans la cohésion.
« Changer de gouvernement, cela se fera après la libération des otages, mais il faut que nous soyons unis. Cela ne peut pas marcher, en ce moment, avec un pareil manque de cohésion », a-t-il regretté.
Il a rappelé les manifestations de grande ampleur organisées suite à la tentative du Premier ministre Benjamin Netanyahu de destituer le ministre de la Défense Yoav Gallant, l’an dernier, et regretté le manque de mobilisation pour les otages, aujourd’hui.
Eldor s’est par ailleurs montré critique envers certains slogans populaires contre la guerre.
« Ensemble, nous gagnerons ? Mais où est le ‘ensemble’ ? a-t-il interrogé le public en regardant autour de lui. « On parlait de soutien inconditionnel – mais les otages ne sont toujours pas là, 200 jours après leur enlèvement. Où est ce soutien inconditionnel ? Il n’y a ni ‘ensemble nous vaincrons’, ni ‘soutien inconditionnel’. »
A la fin de la séance de questions-réponses, de nombreux proches d’otages, recouverts de peinture rouge semblable à du sang et, pour certains, les mains liées, ont quitté la scène, en silence, l’un après l’autre, et traversé la rue pour aller s’asseoir devant le quartier général militaire de Kirya.
Au bout de quelques minutes, ils se sont mis à crier pour demander de l’aide et rappeler le nom de leurs proches. Le public y a répondu en scandant les slogans « Ramenez-les à la maison ! » et
« Agissez maintenant ! »
Des manifestants, des pancartes avec la photo de leurs proches disparus en main, ont frappé les poteaux de signalisation en rythme devant quelques badauds.
Chacun des proches avait la bouche recouverte d’un scotch portant le nombre 200. Avant de se disperser pour la nuit, ils ont, avec le public, répété le nombre 200, soit le nombre exact de jours écoulés depuis l’attaque du 7 octobre au cours de laquelle ils ont été pris en otage.