« Les gens meurent encore » : les rabbins d’Ukraine prient pour les réfugiés à NY
Des dirigeants juifs ukrainiens porteurs des messages des déplacées, des orphelins et des assiégés ont afflué sur la tombe du Rabbi de Loubavitch pour le 28e anniversaire de sa mort
NEW YORK – Des dizaines de milliers de fidèles se sont rendus dans un cimetière new-yorkais au cours du week-end pour marquer l’anniversaire de la mort du chef spirituel du mouvement Habad, le rabbin Menachem Mendel Schneerson, parmi eux des rabbins ukrainiens porteurs des prières des personnes déplacées, des orphelins et des assiégés.
Environ 50 000 fidèles se sont rendus sur le site pour marquer le 28e anniversaire de la mort de Schneerson, un événement annuel majeur pour le mouvement, qui domine la vie juive en Ukraine.
« La situation est tellement difficile en Ukraine en ce moment, que c’est une raison encore meilleure de venir ici. Parce que, hormis un miracle, rien ne va nous aider. Pour que [le président russe] Poutine se retire, nous n’avons pas besoin d’une armée, nous avons besoin d’un miracle », a déclaré le rabbin Avraham Wolff, le grand rabbin d’Odessa.
Il a apporté avec lui des « requêtes » manuscrites et orales de Juifs de sa communauté à déposer sur la tombe de Schneerson, vénéré par ses fidèles comme « le Rebbe », qui signifie « rabbin » en yiddish. Il a indiqué que tous les responsables rabbiniques d’Ukraine étaient présents à New York pour l’événement.
Schneerson était originaire d’Ukraine, tout comme certains de ses proches qui sont enterrés près de lui dans le cimetière Montefiore, dans le quartier du Queens. Il est enterré à côté de son beau-père, qui l’a précédé à la tête du mouvement Habad. Les tombes de sa femme et de sa belle-mère sont situées à proximité.
Le mouvement Habad, également connu sous le nom de Habad-Loubavitch, a ressuscité la communauté juive d’Ukraine après la chute de l’Union soviétique. Il a joué un rôle central dans sa réponse à l’invasion russe, en aidant à évacuer des dizaines de milliers de personnes. Selon le groupe, il y aurait quelque 400 émissaires Habad répartis dans 32 villes et villages ukrainiens.
« Je suis venu pour prier, pour être proche du Rebbe, pour apporter les requêtes des réfugiés. J’ai apporté un sac de lettres, et après je repars », a déclaré Wolff. « La guerre n’est pas finie. »
« Tous les rabbins d’Ukraine sont ici, et chacun a emmené avec lui un sac de demandes. »
Chaque année, les Juifs marquent l’anniversaire de la mort d’un proche, yahrzeit en yiddish, généralement selon le calendrier hébraïque. Cette année, le yahrzeit de Schneerson est tombé samedi, et les fidèles ont afflué dans le cimetière tout au long du week-end, laissant un tas de notes avec des prières sur sa tombe.
Le nombre de visiteurs est revenu cette année à un niveau pré-pandémique après deux années d’interdiction de voyager et d’autres restrictions qui ont empêché de nombreux visiteurs de se rendre sur place.
L’événement est également significatif car Schneerson aurait eu 120 ans cette année, ce qui est un âge important dans la tradition juive. On dit que Moïse avait 120 ans à sa mort, et traditionnellement, on se souhaite, aux anniversaires, de « vivre jusqu’à 120 ». Le mouvement Habad a marqué le 120e anniversaire de Schneerson par une célébration mondiale au début de l’année, au cours de laquelle 120 camionnettes aux couleurs du mouvement ont circulé dans la ville de New York.
Le yahrzeit de cette année est également le premier depuis le début de la guerre en Ukraine. Schneerson est né à Mikolayiv, en Ukraine, en 1902 et a fui l’Europe occupée par les nazis pour les États-Unis, s’installant dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn, où se trouve toujours le siège du mouvement Habad. Il considérait les États-Unis comme un endroit spécial pour les Juifs et était engagé dans le quartier. Il a pris la tête du mouvement en 1951 et l’est resté jusqu’à sa mort en 1994, devenant l’une des figures les plus influentes du judaïsme moderne.
Il n’a toujours pas été remplacé à son poste et reste le chef spirituel et le guide du Habad, et il est encore très vivant pour la communauté aujourd’hui. Sa photo est omniprésente est partout et ses disciples parlent encore parfois de lui au présent. Le siège de Habad au 770 Eastern Parkway (ou « 770 » en abrégé), où il a vécu, est un symbole du mouvement et un élément central de la communauté du quartier. Ses enseignements ont été compilés dans environ 250 volumes et 2 000 heures d’enregistrements.
Il prêchait une politique d’ouverture et d’activisme tournée vers l’extérieur ainsi que l’empathie, principalement par l’accomplissement de mitzvot, ou commandements religieux, et diffusait son message en utilisant les dernières technologies, méthode toujours utilisée par le Habad.
Le groupe est également connu pour ses actions de sensibilisation dans les rues de la ville, où, au nom de cette mission, il invite les passants juifs à prier et où il fait circuler des « mitzvah tanks » qui distribuent entre autres actions des hanoukiot lors de Hanoukka. Des milliers de centres Habad dans le monde proposent également des repas de shabbat et d’autres formes d’assistance aux voyageurs dans plus de 100 pays. Ces politiques ont contribué à transformer le mouvement en l’un des principaux groupes hassidiques du monde après la destruction causée par la Shoah.
Le lieu de repos de Schneerson est aujourd’hui un lieu de pèlerinage et est considéré comme un endroit profondément spirituel, en particulier le jour de l’anniversaire de sa mort. Environ 400 000 personnes du monde entier s’y rendent au cours de l’année, y compris de nombreux Juifs qui ne font pas partie du Habad et des non-Juifs. Le maire de la ville de New York, Eric Adams, a visité le site dimanche, et la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, a publié une déclaration marquant le yahrzeit de Schneerson.
Le rabbin Yosef Kantor, le grand rabbin de Thaïlande, a voyagé pendant 24 heures pour assister à l’événement dans le Queens et a déclaré que l’anniversaire du décès de son maître était à la fois puissant et responsabilisant.
« Le jour du décès n’est pas seulement une date de commémoration dans un calendrier. Selon la Kabbale, il y a une élévation de l’âme », a-t-il déclaré, en faisant référence au mysticisme juif.
« Le jour du yahrzeit lui-même, il se passe quelque chose de cosmique. »
En Thaïlande, une grande partie de son travail consiste à sensibiliser les jeunes Israéliens lors de leurs voyages après l’armée, dont beaucoup n’ont pas grandi dans la religion. Selon lui, beaucoup sont ouverts aux expériences spirituelles et juives pendant leurs voyages à l’étranger et peuvent se connecter les uns aux autres. Habad gère des maisons dans le pays qui proposent des dîners de shabbat et des salons pour les voyageurs avec certains services.
Le yahrzeit le recentre sur cette mission, a-t-il dit.
« C’est un réengagement et un réalignement, un ajustement pour s’assurer que tout est aussi bien ciblé que possible d’un point de vue spirituel », a-t-il déclaré. « J’ai l’impression d’être accepté, comme par un père, et d’être reconnu pour les efforts que je fournis pour accomplir la mission du Rabbi.
« Je perçois également une certaine expectative », a-t-il ajouté. « Je ressens l’esprit du Rabbi. ‘J’attends de toi que tu fasses plus, parce que tu peux faire plus’. »
Les gens se sont pressés autour de la tombe dimanche, dernier jour des événements liés au yahrzeit cette année. Des voitures garées bordaient les rues du quartier de la banlieue et des centaines de personnes s’affairaient sous le lourd soleil de l’été, tandis que des avions à réaction à destination de l’aéroport JFK passaient au-dessus de leurs têtes. Les gardes de sécurité ont assuré la fluidité des files d’attente pour éviter les encombrements, ce qui a amené les fidèles à se préparer à la visite dans un bâtiment discret et bondé situé à proximité, en notant leurs demandes, en priant et en discutant en anglais, en français, en hébreu et dans d’autres langues.
À l’entrée du cimetière, des files séparées pour les hommes et les femmes menaient les fidèles à l’intérieur, où ils allumaient des bougies alignées sur des étagères. La sécurité a fait passer les gens par le cimetière, qui est entouré d’un mur de pierre mais ouvert dans sa partie supérieure. Certaines personnes ont réparti les lettres des sacs envoyés par ceux qui ne pouvaient pas être présents sur la pile de papier au-dessus de la tombe et une foule a prié ensemble à l’extérieur au milieu des pierres tombales densément serrées.
Wolff, le rabbin d’Odessa, a déclaré qu’il venait tous les ans depuis la mort de Schneerson, mais que cette année était particulièrement importante.
« Je me sentais encore plus obligé de venir parce que cette année, je viens en tant que représentant public des milliers de personnes qui ont demandé des bénédictions », a-t-il déclaré.
Il est parti d’Odessa quelques jours auparavant. Il a roulé jusqu’à la frontière moldave, la traversant à pied, puis a roulé encore deux heures jusqu’à la capitale Chișinău. De là, il s’est envolé pour l’Autriche, puis pour Berlin, où environ 450 réfugiés sont hébergés dans un hôtel, dont 120 enfants devenus orphelins avant la guerre. Pendant son séjour à Berlin, il a célébré une bar-mitsva pour un garçon orphelin et officié à un mariage pour deux personnes qui avaient également perdu leurs parents.
Il est arrivé sur le site avec 10 réfugiés, mais selon lui, de nombreux autres auraient aimé l’accompagner. Les Ukrainiens, dans l’incapacité de faire parvenir leurs lettres ont fait parvenir leurs prières à leurs rabbins par téléphone, en leur demandant de les transmettre verbalement sur place.
Wolff a estimé qu’il restait environ 20 000 Juifs à Odessa sur une population d’environ 50 000 personnes avant la guerre. Selon lui, Odessa est mieux lotie que d’autres grandes villes, mais la situation reste désastreuse. Le lendemain de son départ, des frappes de missiles russes sur des zones résidentielles autour d’Odessa ont tué au moins 21 personnes. Selon M. Wolff, la communauté s’est repliée sur elle-même, incapable de travailler et manquant de nourriture et d’eau, alors que les villes de l’Est, et leurs communautés juives, sont dans une situation bien pire.
« Il y a beaucoup de peur. La plupart des gens qui sont encore là ne peuvent pas partir », a-t-il dit.
« Je veux dire au monde que la guerre n’est pas terminée et que des gens continuent à être tués. La population ukrainienne a besoin d’aide. Le monde juif et le monde en général doivent le garder à l’esprit », a-t-il déclaré. « Les gens ont besoin d’aide pour survivre à cette guerre ».
La plupart du temps, ils prient pour leur maison, a-t-il dit.
« Nous avons apporté des lettres de tous les réfugiés au Rebbe », a déclaré Wolff.
« Des prières pour que la guerre se termine et qu’ils puissent retourner à Odessa. »
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