Les groupes juifs critiquent Trump qui a attribué une potentielle défaite électorale aux Juifs
Pour le chef de l'ADL, l'ex-président a souligné l'antisémitisme record dans le pays, le minimisant ensuite en utilisant "de nombreux tropes antisémites" ; l'équipe de campagne de la vice-président a estimé que le républicain a tenu ces propos "parce qu'il est faible"
L’ancien président américain et candidat républicain Donald Trump a été condamné vendredi par des organisations juives de premier plan, mais aussi par la Maison Blanche et par l’équipe de campagne de de sa rivale, la vice-présidente Kamala Harris, pour des propos tenus vingt-quatre heures auparavant – il avait déclaré que les Juifs américains seraient l’une des principales causes de sa défaite électorale s’ils devaient ne pas lui apporter leur soutien au mois de novembre.
Trump avait fait cette affirmation à deux reprises, jeudi, à l’occasion de deux événements distincts qui étaient consacrés à la lutte contre l’antisémitisme et au soutien à Israël. Il avait regretté le manque de soutien à sa personne parmi les Juifs américains tout en cherchant à courtiser les électeurs de la communauté dans la course présidentielle – une course courue au coude à coude avec son adversaire démocrate – en se vantant de son bilan concernant la question israélienne lorsqu’il était au pouvoir. Il avait aussi dénoncé la recrudescence de l’antisémitisme qui a marqué les États-Unis depuis le pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre.
Si Trump a souvent, dans le passé, critiqué les Juifs américains qui ont toujours voté en masse pour le parti démocrate, ses derniers propos ont indiqué un durcissement de cette rhétorique.
Jonathan Greenblatt, le directeur-général de l’Anti-Defamation League (ADL), a écrit dans un post publié sur X que Trump avait raison de souligner un antisémitisme atteignant un record historique – une dénonciation « dont l’effet a été miné par l’utilisation de nombreux tropes antisémites et préjugés antijuifs – avec notamment des accusations endémiques de double allégeance ».
« Le fait d’accuser de manière anticipée les Juifs américains de votre potentielle défaite électorale n’aide en rien ces derniers », a ajouté Greenblatt. « Cela accroît leur sentiment d’aliénation à une période de vulnérabilité, une période où les extrémistes de droite et les antisionistes de gauche ne cessent de diaboliser et de calomnier les Juifs. Ce qui se produit sur les campus universitaires, dans les lieux publics, partout. Il y a des menaces qui émanent de tous les côtés ».
Il a par ailleurs averti que les paroles qui ont été prononcées par Trump « susciteront probablement encore davantage d’hostilité » et « enflammeront encore une situation qui est déjà mauvaise. »
L’American Jewish Committee (AJC) a également condamné l’affirmation faite par Trump – qui a ainsi estimé que « si je ne remporte pas cette élection […], alors le peuple juif aura beaucoup à voir avec ma défaite ». L’organisation a ainsi noté que la communauté ne représente qu’une petite fraction de la population américaine.
« Il est scandaleux et dangereux d’amener qui que ce soit à seulement penser que ‘nous avons perdu à cause des Juifs’, » a dit l’AJC. « Des milliers d’années d’Histoire ont démontré que faire des Juifs des boucs émissaires peut conduire à la haine et aux violences antisémites », s’est alarmé le groupe qui a aussi dénoncé la manière dont l’ex-président a désigné le parti démocrate comme « l’ennemi ».
« Une telle rhétorique de division n’a pas sa place en politique », a ajouté l’AJC, qui a souligné que « les deux candidats devraient s’efforcer de gagner le soutien de notre communauté sur la base d’une politique. Mais ne faisons pas de cette élection et de son résultat une affaire de Juifs », a recommandé l’organisation.
Le porte-parole de la Maison Blanche a condamné les propos tenus par Trump en déclarant : « Il est odieux d’utiliser des tropes dangereux ou de désigner des boucs émissaires quel que soit le moment et encore plus maintenant, alors que tous les dirigeants ont l’obligation de lutter contre l’essor tragique de l’antisémitisme dans le monde entier ».
« Déchirer le pays et monter les communautés les unes contre les autres – par petitesse, par peur et égoïsme – c’est le contraire de ce que mérite le peuple américain », a commenté déclaré Andrew Bates, porte-parole de la Maison Blanche, auprès du Times of Israel.
« Le président Joe Biden, la vice-présidente Kamala Harris et l’ensemble de l’administration se sont unis pour s’assurer que la haine ne trouvera pas de refuge et ils ont mis en œuvre la toute première stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme », a-t-il rappelé.
Un porte-parole de l’équipe chargée de la campagne de Harris a également dénoncé Trump, l’accusant de « recourir aux plus vieux tropes antisémites parce qu’il est faible et parce qu’il ne peut pas supporter le fait que la majorité de l’Amérique va le rejeter au mois de novembre ».
« Mais nous savons que des mots comme ceux-là peuvent avoir de graves conséquences », a-t-il noté, s’adressant au Times of Israel.
« Comme Trump l’a prouvé – y compris ces dernières semaines avec ses mensonges sur Springfield, dans Ohio – il s’accrochera à la désignation de boucs émissaires et à l’intimidation et ce, quel qu’en soit le prix », a poursuivi le porte-parole, faisant référence aux mensonges répétés par l’ancien président sur les immigrants haïtiens qui se nourriraient d’animaux de compagnie.
« Lorsque Donald Trump perdra cette élection, ce sera parce que les Américains de toutes confessions, de toutes les ethnies et de toutes les origines se seront rassemblés pour tourner la page sur les clivages qu’il met chaque jour en évidence », a-t-il expliqué.
L’équipe de campagne de Donald Trump n’a pas réagi à ces critiques – mais la Coalition juive républicaine (RJC) a apparemment pris sa défense en publiant un communiqué saluant son discours sur l’antisémitisme, le qualifiant de « tour de force en faveur de la communauté juive et d’Israël ».
« Si de nombreux Juifs américains votent pour les démocrates, Trump œuvre sans relâche à changer cette réalité – et il l’a fait », ont fait savoir les responsables de la RJC qui ont ajouté qu’ils « s’attendent totalement à ce que le président Trump s’appuie sur son succès historique lors de ces élections cruciales de 2024 ».
En plus de ses propos portant sur le fait que les Juifs devraient assumer une grande partie de la responsabilité de son éventuelle défaite au mois de novembre, Trump a répété, jeudi, qu’Israël serait anéanti en cas de victoire de Harris, donnant à l’État juif deux ans à vivre s’il devait être écarté de la Maison Blanche.
Les deux événements qui ont été organisés par Trump jeudi se sont déroulés devant un public majoritairement juif. Ils étaient financés par la veuve du magnat américain des casinos, Sheldon Adelson, Miriam Adelson, l’une des principales donatrices de la campagne.