Les hommages des amis d’Amos Oz
Pour l'auteur David Grossman, "le monde a rétréci" depuis le décès d'Oz. A.B. Yehoshua évoque un "écrivain merveilleux" et un ami, et Natalie Portman s'est dite bouleversée
L’auteur israélien David Grossman a rendu hommage samedi à son confrère Amos Oz, décédé la veille, saluant un « grand homme » et un des « plus grands écrivains au monde » qui était, comme lui, opposé au contrôle militaire israélien en Cisjordanie.
Amos Oz, dont le roman Une Histoire d’amour et de ténèbres avait connu un succès mondial, est décédé vendredi des suites d’un cancer à l’âge de 79 ans.
Ce livre, qui avait fait le portrait de trois générations de vie juive à Jérusalem, avait été publié en 2012 et ultérieurement adapté en film – un long-métrage réalisé par l’actrice Natalie Portman, née en Israël.
« Mon coeur est brisé. Aujourd’hui, nous avons perdu une âme, un esprit, un coeur, Amos Oz, qui nous a apporté tant de beauté, tant d’amour, et une vision de paix dans nos vies. Je vous en prie, conservez-le dans vos coeurs et lisez ses livres sublimes. Mon soutien le plus aimant à sa famille, à laquelle il était extrêmement attaché », a écrit Portman sur Instagram.
Le film avait marqué les débuts de Portman derrière la caméra.
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Pour Grossman, ami d’Amos, Une Histoire d’amour et de ténèbres, ce n’était « pas seulement son autobiographie mais, d’une certaine manière, la biographie d’Israël, même avant sa création ».
« C’est un coup très dur », a confié dans un entretien à la radio publique le lauréat en 2011 du prix Médicis étranger pour son roman Une femme fuyant l’annonce en évoquant la mort de son ami.
« Il n’y aura plus d’autre Amos Oz, il était unique. On peut dire cela de tout être humain, bien sûr, mais il y avait quelque chose d’unique en lui », a déclaré Grossman à l’hebdomadaire britannique The Observer.
« Quand une personnalité comme Amos – un homme d’une telle grandeur et je ne prononce pas facilement ces termes – nous quitte, le monde se rétrécit, le monde diminue », a-t-il ajouté.
« Il était un être humain, il était un mensch – il était chaleureux et curieux, il voulait savoir tout sur ma famille et sur ce que je faisais et il partageait des choses avec moi. [Sa mort] est vraiment douloureuse », a-t-il poursuivi.
« Chaque fois que je sortais d’une rencontre avec Amos, j’avais l’impression d’avoir de la chance, de m’être enrichi, d’avoir rencontré un grand homme », a-t-il affirmé.
« C’est un homme qui avait de la grandeur. On le ressentait dans sa générosité, dans sa chaleur, dans sa sagesse. On s’asseyait avec lui et tout d’un coup on voyait le monde un peu différemment », a-t-il ajouté.
Même s’ils n’étaient pas de la même génération, Amos Oz étant né en 1939 et Grossman en 1954, les deux écrivains « s’étaient rapprochés ». « Nous nous sommes rencontrés il y a 25 ans, » a raconté Grossman, ajoutant qu’ils se voyaient régulièrement, parfois en famille.
« Chaque fois que j’avais des doutes sur quelque chose je l’appelais pour lui demander son avis et il m’apprenait quelque chose », a-t-il poursuivi.
Pour le romancier et essayiste, Amos Oz était « un des plus grands écrivains au monde », qui excellait dans la description de la réalité du quotidien des Israéliens.

« Il a expliqué au monde entier, plus que tout autre Israélien, la grande complexité, le grand miracle et la grande peine d’être israélien », a-t-il estimé.
David Grossman, engagé, comme Amos Oz, pour la paix avec les Palestiniens à travers une solution à deux Etats et la fin du contrôle israélien, a affirmé que l’écrivain était « de moins en moins optimiste ces dernières années » sur le sujet.
« Il voyait comment la force du radicalisme et de la violence ne fait que croître sous toutes ses formes, comment les peurs façonnent la réalité, et comment certains attisent ces peurs afin de créer une certaine réalité », a expliqué Grossman.
Il a aussi souligné les « capacités de visionnaire » d’Amos Oz, notamment sur les dangers du contrôle par Israël des territoires palestiniens à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1967.
« Trois semaines après la fin de la guerre des Six jours, alors que tout le pays était dans l’euphorie de la victoire, il a dit ‘ça ne marchera pas, l’occupation est dangereuse, l’occupation corrompt’, » se souvient David Grossman.
« Il avait déjà vu en 1967 où nous mènerait le contrôle militaire. Et pour son malheur et le nôtre, ce qu’il avait prévu s’est réalisé », a-t-il conclu.
L’auteur A.B. Yehoshua, autre ami proche d’Oz et lauréat du prix d’Israël, a également fait part de son chagrin.
« Il y a eu 60 ans d’amitié entre nous – une amitié vraie et profonde », aurait-il déclaré selon le site d’information Ynet.
« Il était un homme courageux et un auteur merveilleux. Il était un bon ami. Il était l’un des plus grands ici », a-t-il ajouté.
Aux côtés de Grossman et de Yehoshua, Oz était devenu un pilier du mouvement israélien pour la paix, de plus en plus marginalisé depuis deux décennies.

Amos Oz s’est éteint vendredi après un bref combat contre le cancer, a fait savoir sa fille. Il était âgé de 79 ans.
« Mon père bien-aimé vient de mourir du cancer après une détérioration rapide », a commenté sa fille, Fania Oz-Salzberger, dans un bref communiqué. Oz est parti « tranquillement dans son sommeil et entouré de ceux qui l’aimaient », a-t-elle ajouté, appelant le public à respecter l’intimité familiale.
Oz était l’un des auteurs israéliens les plus lus et les plus connus. Il avait remporté des dizaines de prix, notamment le prix Israël, et ses œuvres ont été traduites en 45 langues. Il avait été pressenti de manière répétée comme lauréat potentiel du prix Nobel de littérature, sans jamais toutefois l’obtenir.
Né Amos Klausner à Jérusalem, à l’époque de la Palestine mandataire, il s’est servi de cette ville comme toile de fond dans un grand nombre de ses livres.
Il laisse derrière lui son épouse, Nili, et trois enfants.
Considéré comme l’un des auteurs les plus accomplis de la littérature israélienne, Oz faisait également partie des activistes de gauche les plus virulents et soutenait avec ferveur la solution à deux États.
Après l’annonce de sa mort, vendredi après-midi, les hommages se sont multipliés de la part des responsables de tout le spectre politique en Israël.
Dans une carrière qui a couvert un demi-siècle, Oz a publié 35 livres, dont 13 romans, des livres pour enfants et une collection de nouvelles, ainsi que des centaines d’articles consacrés à la littérature et à la politique.