Israël en guerre - Jour 568

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Les Juifs de Diaspora continuent de faire enterrer leurs proches en Israël

Avec la réduction des vols, la paperasse et des cercueils spéciaux pour le virus, il n'est plus aussi simple d'enterrer des proches en Terre Sainte. Mais cela reste possible

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des employés de la Chevra Kadisha portant des vêtements de protection, portent le corps d'un homme décédé des suites de complications d'une infection au Coronavirus (COVID-19), au salon funéraire Shamgar à Jérusalem, le 29 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des employés de la Chevra Kadisha portant des vêtements de protection, portent le corps d'un homme décédé des suites de complications d'une infection au Coronavirus (COVID-19), au salon funéraire Shamgar à Jérusalem, le 29 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le 25 mars, Leon Simons, 88 ans, résidant à Londres, a commencé à se sentir mal. Il ne pouvait pas se lever de sa chaise, alors sa femme Deborah et lui ont été emmenés à l’hôpital. Aucun des deux ne présentait de symptômes du coronavirus, mais la pratique courante voulait qu’ils soient testés pour la maladie et ont été diagnostiqués comme ayant contracté le virus.

Après deux jours à l’hôpital, Leon se sentait mieux. Mais alors qu’ils étaient sur le point de sortir, il a soudain eu du mal à respirer et a été emmené aux soins intensifs, où il est décédé quelques heures plus tard.

Simons voulait être enterré en Israël. Il y a une vingtaine d’années, il avait acheté une concession funéraire au cimetière d’Eretz Hachaim [la terre de la vie], près de Beit Shemesh, par l’intermédiaire de la United Synagogue, une association de communautés orthodoxes britanniques qui y possède une section.

« Il avait pris des dispositions avec eux. Ils savaient ce qui devait être fait », a rappelé cette semaine son fils Michael, un résident de Jérusalem qui vit en Israël depuis 1988. « Tout aurait dû se dérouler sans heurts – sauf que cela s’est produit en cette époque particulière. »

Leon et Deborah Simons au mariage de leur fils à Jérusalem, octobre 2012. (Jared Bernstein)

Le Royaume-Uni exige un certificat de décès spécial avant qu’un corps puisse être transporté par avion hors du pays. Mais il existe également de nombreuses autres restrictions concernant le transport d’une personne décédée des suites d’une maladie infectieuse. Pour sa part, le ministère israélien de la Santé exige que les personnes décédées à cause du COVID-19 soient enterrées dans des sacs mortuaires spéciaux, dont ne disposait pas la Hevra Kadisha (société funéraire juive) à Londres à l’époque, a déclaré M. Simons.

Pour compliquer les choses, toutes les compagnies aériennes commerciales ont cessé de voler du Royaume-Uni vers Israël, en raison de la crise mondiale sans précédent causée par la pandémie de coronavirus.

« Au début, il n’était pas du tout évident que cela puisse se faire », a déclaré Michael Simons. « Personne n’a dit que ce n’était pas une bonne idée d’essayer de le faire. Mais le rabbin a dit que ce n’était peut-être pas possible ».

La tombe récente de Leon Simons, un résident de Londres, décédé des suites du COVID-19, au cimetière d’Eretz Hachaim près de Beit Shemesh, avril 2020. (Autorisation)

Mais finalement, tout s’est arrangé. Le professionnel de United Synagogue chargé des enterrements – qui se trouve être un agent de voyage – a aidé à remplir les papiers nécessaires et a réservé une place pour la dépouille de Simons sur un vol cargo à destination de l’aéroport Ben Gurion.

Quatre jours après avoir succombé au COVID-19, son dernier souhait a été exaucé. Son fils Michael et quelques cousins et amis, tous masqués, ont regardé à plusieurs mètres de distance le personnel local de la Hevra Kadisha descendre son corps dans la tombe et le recouvrir de la Terre d’Israël.

« Il a fallu des journées d’activité intense de la part de nombreuses personnes différentes », a déclaré Michael. « Beaucoup de gens ont fait tout leur possible pour rendre cela possible ».

Pourquoi le faire ?

Les Simons ne sont pas les seuls à avoir rencontré des difficultés dans la situation unique causée par la pandémie de coronavirus lorsqu’elles ont essayé d’organiser l’enterrement en Terre Sainte de proches décédés à l’étranger. En effet, beaucoup ont dû renoncer à faire venir leurs proches en Israël pour les faire inhumer, préférant organiser un enterrement temporaire ; certains ont même renoncé tout simplement à les faire venir.

Depuis le début du mois de février 2020 jusqu’à la fin du mois d’avril, 353 corps (100 citoyens israéliens et 253 étrangers) ont été amenés en Israël depuis l’étranger pour y être enterrés, beaucoup d’entre eux sur des vols spécialement aménagés, et certains ont fait plusieurs escales en chemin alors qu’aucun vol direct vers Tel Aviv n’était disponible. (L’année dernière, environ 1 500 Juifs ont été emmenés par avion en Israël pour y être enterrés).

Sur les 353 personnes dont les corps ont été transportés par avion en Israël depuis le début de la pandémie, 55 (10 Israéliens et 45 étrangers) avaient le COVID-19, a déclaré jeudi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lior Haiat au Times of Israel. La plupart des enterrements étaient ceux de Juifs des Etats-Unis, du Canada, de France, de Grande-Bretagne et d’ailleurs qui n’étaient pas citoyens israéliens mais dont le dernier souhait était de reposer en Israël.

Contrairement à la Turquie, à l’Autorité palestinienne et à d’autres, Israël ne procède pas à la saisie de données sur les expatriés qui sont morts du coronavirus à l’étranger.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les Juifs de la Diaspora veulent être enterrés en Israël : Certains croient que les morts ressusciteront à la fin des temps et veulent être plus proches du Saint Temple de Jérusalem lorsqu’il sera reconstruit à l’époque messianique. D’autres veulent simplement que leurs tombes soient proches des membres de leur famille qui ont déménagé en Israël.

Et même si les terrains d’inhumation en Israël ne sont pas bon marché (entre 9 000 et 28 000 euros, selon l’endroit, plus les frais), il peut y avoir des raisons financières. En France, par exemple, les membres d’une famille doivent renouveler le bail des caveaux de leurs proches tous les 30 ans, sous peine d’être exhumés et déplacés vers un lieu moins approprié.

Ces motivations n’ont pas changé dans le contexte de la crise actuelle de santé publique. Mais comme le trafic aérien mondial a pratiquement cessé depuis que la pandémie a éclaté, il est devenu plus difficile, et dans certains cas presque impossible, de transporter des cercueils en Israël.

En pleine pandémie de coronavirus, des membres de l’organisation Chesed Shel Emes transportent le corps d’une personne juive dans un avion privé affrété pour se rendre en Israël, en avril 2020. (Avec l’aimable autorisation de Chesed Shel Emes)

« Les gens continuent à le faire. Mais leur nombre a chuté de façon spectaculaire, uniquement en raison des complications de transport », a déclaré le rabbin Benjy Spiro de Chesed Shel Emes, une organisation orthodoxe basée à Los Angeles qui aide les Juifs à enterrer leurs proches. La plupart des compagnies aériennes ont cessé de voler vers Israël, et celles qui le font encore hésitent à transporter des corps en raison du coronavirus, a-t-il dit. Le transporteur national israélien, El Al, a annoncé vendredi qu’il était prêt à transporter les corps des victimes du COVID-19 de New York à Tel Aviv).

Solutions temporaires

Chesed Shel Emes, qui exerce ses activités depuis 40 ans, possède un grand cimetière à Woodridge, dans l’État de New York, où reposent généralement les Juifs qui n’ont pas de famille pour s’occuper d’eux ou qui n’ont pas les moyens financiers de payer un enterrement.

Les membres de Chesed Shel Emes, une société d’inhumation basée à Brooklyn, transportent un corps pour l’enterrer dans le cimetière qu’elle gère à Woodridge, New York. (Crédit : Rabbi Mayer Berger/ via JTA)

En pleine pandémie, l’organisation a enterré temporairement quelque 70 personnes dont les proches veulent les faire venir en Israël mais n’y parviennent pas pour l’instant. La loi religieuse juive reconnaît le concept d’enterrer quelqu’un al tnai, ce qui permet de l’exhumer et de le déplacer ultérieurement.

« Je ne crois pas qu’en réalité, les 70 corps vont tous y aller, parce qu’il y a un coût et que certaines personnes voudront peut-être simplement en finir avec ça », a déclaré M. Spiro. La loi juive exige que certains rituels de deuil soient répétés si un corps est exhumé et déplacé après un premier enterrement, même si cela a été fait al tnai.

Service privé

Par ailleurs, un petit nombre de familles très riches ou influentes affrètent des jets privés pour amener leurs défunts jusqu’à leur dernière demeure en Israël.

En pleine pandémie de coronavirus, des membres de l’organisation Chesed Shel Emes chargent le corps d’une personne juive dans un avion privé en route pour Israël pour y être enterré, en avril 2020. (Avec l’aimable autorisation de Chesed Shel Emes)

Au début de ce mois, Chesed Shel Emes a organisé un vol privé de l’aéroport du comté de Westchester, au nord de New York, vers Ben Gurion, transportant les corps de quatre personnes décédées des suites du COVID-19. Il s’agit du rav Yosef Kalish, connu sous le nom de Amshinover Rebbe ; du rabbin David Olewski, qui dirigeait l’académie talmudique de la communauté hassidique de Gur, et qui, alors qu’il était sous respirateur, a déclaré que son dernier souhait était d’être enterré en Israël ; et d’un membre bien connu de la communauté ultra-orthodoxe de Jérusalem, âgé de 62 ans, qui s’était rendu aux États-Unis pour collecter des fonds.

En temps normal, le transport d’un cercueil sur un vol El Al en provenance d’Amérique du Nord vers l’aéroport Ben Gurion coûte environ 3 000 dollars (environ 10 000 NIS). Pour faire venir un jet privé de New York en Israël, les personnes en deuil doivent dépenser plus de 200 000 dollars (environ 710 000 NIS), a déclaré M. Spiro. C’est pourquoi son organisation tente actuellement de faire affréter un grand avion pouvant transporter de nombreux corps, dans l’espoir de rendre plus abordable pour les familles l’envoi de leurs proches en Israël.

En pleine pandémie de coronavirus, des membres de l’organisation Chesed Shel Emes transportent le corps d’une personne juive dans un avion privé affrété, en route vers Israël pour y être enterré, en avril 2020. (Avec l’aimable autorisation de Chesed Shel Emes)

Le coût énorme du transport des corps vers Israël a conduit certains à dénoncer les organisations qui traitent cette question comme une « industrie » lucrative.

Mais Simons, qui a payé environ 20 000 shekels pour les diverses démarches bureaucratiques et logistiques effectuées pour faire venir son père de Londres à Beit Shemesh, n’a pas eu le sentiment d’être exploité. « Le sentiment que j’ai eu était que les personnes impliquées faisaient cela pour faire une bonne action plus qu’autre chose », a-t-il dit.

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