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Les Juifs de France envisagent un avenir à Montréal

Une nouvelle vague d'immigrants qui fuit l'antisémitisme, le chômage élevé, a émigre au Québec par dizaines de milliers au cours des dernières années

Julie et Nathanael Weill avec leurs fils Eytan et Lior en 2013. (Crédit : autorisation)
Julie et Nathanael Weill avec leurs fils Eytan et Lior en 2013. (Crédit : autorisation)

TORONTO (JTA) – Lorsque Dan Charbit et son épouse, Gaelle Hazan, ont déménagé de Paris à Montréal il y a deux étés, cela devait être une solution temporaire – une tentative pour Charbit pour redémarrer sa carrière d’artiste d’effets spéciaux dans l’industrie cinématographique et télévisuelle florissante du Québec.

Ils ont convenu de rentrer à la maison si l’expérience échouait.

Quatorze mois après son arrivée au Canada, le couple n’a aucun désir de retourner en France. Charbit, 43 ans, qui a remporté un Emmy plus tôt cette année pour son travail sur la quatrième saison de l’émission phare de HBO « Game of Thrones », a commencé un nouvel emploi le mois dernier en tant que superviseur à Mokko, un studio d’effets spéciaux basé à Montréal, au service des industries cinématographiques et télévisuelles.

Hazan, 39 ans, a trouvé un poste en tant que gestionnaire de projets de construction. Charbit et Hazan font partie d’une nouvelle vague de Juifs français qui se sont installés dans le Québec francophone, fuyant le lamentable taux de chômage de France – qui a frappé 10,5 % de la population en septembre – ainsi que l’antisémitisme qui a assombri tout le pays ces derniers mois, avec un pic dans les vagues de manifestations anti-israéliennes de cet été.

Le Service de protection de la communauté juive de France a signalé 527 incidents antisémites dans la première moitié de 2014, comparés à 276 à la même période de l’année dernière.

Ces derniers mois – et surtout suite à la guerre de Gaza – des Juifs ont été harcelés, même agressés physiquement, dans les rues, les synagogues et des magasins juifs, et des restaurants ont été incendiés. Et en 2012, quatre personnes, dont trois enfants, ont été tuées lors d’une fusillade dans une école juive de Toulouse.

Alors qu’Israël demeure la destination de choix – 5 063 Juifs français ont fait leur aliya entre le 1er janvier et le 30 septembre, selon l’Agence juive pour Israël, plus que dans n’importe quel pays européen – le Québec, et sa plus grande ville Montréal en particulier, devient peu à peu une alternative populaire pour les émigrés.

« J’entends et je sais que de jeunes couples s’installent au Québec », déclare Serge Cwajgenbaum, le secrétaire général du Congrès juif européen de Lyon. « La raison n’est pas nécessairement liée à la montée de l’antisémitisme, c’est plus pour s’assurer un avenir souriant, en termes de travail, de salaire et de vie moins chère. »

La région métropolitaine de Montréal compte quelque 90 000 Juifs.

Les Juifs ne sont pas les seuls citoyens français qui s’installent au Canada. Globalement, l’immigration française au Québec a grimpé en flèche depuis 2011, lorsque le Canada a mené sa dernière enquête nationale auprès des ménages.

Le consulat français de Montréal a déclaré à la presse canadienne plus tôt ce mois-ci que 55 000 citoyens français avaient déclaré leur installation dans la ville, une augmentation de 45 % par rapport à 2005. Vu que les immigrants ne sont pas tenus de s’inscrire à leur arrivée, le consulat estime le nombre réel de citoyens français à Montréal à 110 000.

S’il n’existe pas de données mises à jour sur l’immigration juive française, Monique Lapointe, directrice de l’Agence Ometz, la plus grande organisation juive de services sociaux de Montréal, a déclaré au JTA avoir remarqué une augmentation significative de nouveaux arrivants, en particulier au cours de l’année écoulée.

Les demandes, selon Lapointe, affluent via le système de messagerie et la page Facebook d’Ometz – y compris de Juifs français vivant actuellement en Israël.

« Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un grand nombre d’[immigrés] », déclare Lapointe. « Mais c’est une tendance. Nous en attendons davantage. »

Lapointe décrit l’immigrant moyen comme célibataire, entre 25 et 35 ans, « très instruit et à la recherche d’un nouveau genre de vie ». La communauté juive de Montréal, dit Lapointe, tente de gérer au mieux cet afflux.

Jusqu’à présent, suivre les nouveaux arrivants n’était pas facile, ajoute-t-elle, en partie parce que les Juifs français ont moins de liens avec les organisations communautaires que leurs homologues nord-américains.

« En France, les gens ne parlent pas de leur judéité », observe Lapointe. « Ils n’ont pas l’habitude des organismes communautaires. Certains ne sont jamais venus nous voir. Ils n’ont pas ce réflexe. »

Les loyers moins chers de Montréal et le coût de la vie relativement faible attirent autant les Juifs français que la langue et la culture francophone laïque. Dans un groupe de discussion de ressortissants français, Ometz a identifié quatre raisons pour lesquelles les Juifs quittent la France.

Les nouveaux immigrants mentionnent une meilleure qualité de vie en Amérique du Nord, une plus grande ouverture envers les immigrants et une diminution des offres d’emploi en France pour la nouvelle génération.

Les familles avec enfants signalent une peur de l’antisémitisme, et leur crainte de ne pouvoir pratiquer leur judaïsme en toute sécurité, dans le contexte d’une augmentation de la rhétorique et des attaques antisémites.

Pour Julie Weill, mère de 31 ans de trois enfants, la décision de quitter son domicile de Strasbourg il y a cinq ans a été motivée par le sentiment croissant de malaise, qu’elle et son mari, Nathanaël, ont ressenti en tant que Juifs en France. Si le couple orthodoxe moderne n’a jamais été victime d’antisémitisme, ils ont entendu des histoires d’amis et de famille, et se balader en kippah dans le centre-ville de Strasbourg était perçu comme dangereux, selon Weill.

Quand l’heure est venue pour Nathanaël de choisir un stage postdoctoral en bio-informatique, les Weill ont refusé des offres attractives d’écoles européennes et opté pour l’Université McGill, à Montréal. La perspective d’élever une famille religieuse en Europe était trop incertaine.

« Nous voulions un endroit avec une forte communauté juive, des écoles juives, un endroit où pratiquer librement, où vous vous sentez en sécurité, » déclare Weill, dont la synagogue de Montréal est gérée par un autre immigrant français de Strasbourg.

Le Québec lutte avec sa propre résurgence d’antisémitisme, quoique mineure. Au cours d’une campagne électorale provinciale au printemps dernier, Louise Mailloux, candidate du Parti québécois séparatiste, a brandi publiquement la « taxe casher », affirmant que les produits certifiés casher sont vendus à des prix plus élevés sur les rayons des supermarchés, les groupes d’intérêts juifs collectant l’excédent.

Et en août, Gilles Proulx, chroniqueur et animateur télévisé réputé de Montréal, a déclaré à une station de radio locale que les communautés juives du monde entier « provoquent la haine » de leurs pays d’accueil.

Cwajgenbaum désigne la population musulmane du Québec – environ 221 000 des 3,8 millions d’habitants dans la région métropolitaine de Montréal – comme une cause de préoccupation. Les Musulmans de France, environ six millions, comparés à 500 000 Juifs, sont régulièrement pointés du doigt dans la recrudescence de l’antisémitisme.

Cwajgenbaum déclare que l’intégration des immigrants du monde arabe est mieux réussie au Québec qu’en France, précisant toutefois que les choses pourraient changer.

Lorsqu’une délégation de Juifs du Québec a visité Paris il y a près d’une décennie, à la recherche d’immigrants éventuels, Cwajgenbaum leur a fait la métaphore : « transférer un malade d’un hôpital à l’autre ne guérit pas la maladie ».

Selon les données, cependant, l’antisémitisme au Québec décline. L’an dernier, la province a vu son nombre d’incidents antisémites tomber à 250, une baisse de près de 26 % par rapport à 2012, selon B’nai Brith Canada, qui suit les activités antisémites à travers le pays.

Weill a encore du mal à laisser ses deux garçons, qui fréquentent une école juive séfarade, porter la kippah en public, une vieille habitude qui remonte à la vie vécue à Strasbourg. Mais cette inquiétude, reconnaît-elle, est en grande partie « irrationnelle ».

Charbit et Hazan, non-pratiquants, ressentent une différence dans la manière dont la société québécoise traite sa communauté juive.

« En France, vous ne mettez pas votre mezouza à l’extérieur », déclare Charbit. « La vie juive à Montréal est plus sûre. »

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