Les juifs ont été essentiels pour la musique, comme le montre une expo à Londres
Au musée juif, l’exposition ‘Jukebox, Jewkbox’ montre la contribution du peuple élu à la musique mondiale

LONDRES – En 1887, Emil Berliner a changé nos vies pour le mieux. Le Berlinois juif, qui a ensuite migré de l’Allemagne vers les Etats-Unis, avait inventé le gramophone, accordant finalement à la musique populaire une technologie pour répandre les sons dans la rue et sur scène.
Son histoire est racontée dans la nouvelle exposition remarquable du musée juif de Londres, « Jukebox, Jewkbox », qui présente l’influence des juifs sur le divertissement grand public, avec des vinyles, des cylindres de cire et, effectivement, un gigantesque jukebox.
La présence d’un tourne-disque emblématique Dansette, accessoire à la mode à la fin des années 1950 et au début des années 1960, conçu et construit par Morris Margolin, émigrant russe juif au Royaume-Uni, ajoute une délicieuse touche londonienne. Chaque adolescent juif qui le pouvait possédait une Dansette, dont la particularité était un changeur automatique, permettant à six disques d’être stockés et joués.
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Le spectacle, conçu par le musée juif d’Hohenems en Autriche, a déjà attiré les foules à Francfort et Munich, et se rendra à Varsovie après son passage à Londres.
La pièce centrale de l’exposition est une gigantesque réplique d’un comptoir de disquaire, auquel les visiteurs peuvent passer des écouteurs et écouter des musiques de tous les genres, du folk au punk en passant par la musique judéo-arabe ou la comédie yiddish.
Il y a également plus de 40 histoires audio de musiciens, d’artistes, de producteurs et de fans de musique, dont « le disque juif qui a changé ma vie ».

Mais le facteur ‘waouh’, en plus de la présence incroyable de premiers modèles de gramophone en état de fonctionnement, est les plus de 500 pochettes de disques qui forment l’ossature de l’exposition.
Elles permettent aux visiteurs de passer sans interruption de la musique liturgique précoce à Molly Picon, qui a fait le début de sa carrière dans un théâtre américain yiddish, ou de s’émerveiller de l’apport pur des artistes juifs qui sont devenus mondialement célèbres, de Barbra Streisand à Amy Winehouse, de Neil Diamond à Leonard Cohen, de Simon and Garfunkel à Carole King.
Au moins 50 de ces pochettes ont une résonance londonienne particulière.

Le Dr Hanno Loewy, directeur du musée juif autrichien de Hohenems qui a développé l’exposition, est un guide délicieux de ce spectacle, se précipitant sur une pochette montrant la version des Electric Prunes de 1968 de « Kol Nidré », ou expliquant qu’Oriole Records était le label de la famille Levy de Whitechapel.
Nous nous arrêtons devant ce que Loewy dit être le premier disque d’humour juif, « Cohen au téléphone », enregistré à Londres en 1911. Le « narrateur », comme il est crédité sur le disque, est Joe Hayman, qui se dispute avec son propriétaire sur le loyer.
« La blague, dit Loewy, est que Cohen a un fort accent yiddish et essaie d’être condescendant avec son propriétaire. Mais le propriétaire est en fait un propriétaire de banque à Londres qui parle un merveilleux anglais. Aucun des deux ne comprend l’autre. »
« Cohen au téléphone » ne s’est pas seulement vendu à un million d’exemplaires, il a aussi donné naissance à toute une série de situations similaires, présentant chacune un immigrant juif Cohen qui ne comprend pas ce qui lui est dit.

Un peu plus loin, les disques comiques présentent un standard américain, « The New York Taxi Driver » de Tony Schwarz, sorti en 1959, qui présente des enregistrements originaux de chauffeurs de taxi prêts à donner leur opinion sur n’importe quel sujet.
Il y a aussi Lenny Bruce, Tom Lehrer, un jeune Woody Allen, et même un Mel Brooks encore plus jeune. Le « cowboy » texan Kinky Friedman est ici aussi, avec les propositions sardoniques du comédien américain Mort Sahl, et des troupes comiques qui disent au monde « You don’t have to be jewish » (vous n’êtes pas obligés d’être juifs). Voici la voix comique de Mickey Katz des années 1940, et ici son fils, sur une autre pochette, la star de Cabaret Joel Grey, dont la fille Jennifer Grey est devenue la célèbre Bébé de « Dirty Dancing ».
Une facette surprenante de l’exposition est que l’art de la pochette comme nous le connaissons n’existait pas avant 1940. Avant, tous les disques étaient dans des pochettes en papier, la seule décoration étant le nom de la compagnie publiant le disque. Et, inévitablement, c’est un designer graphique juif, Alex Steinweiss, embauché par Columbia Records comme directeur artistique, qui est crédité de l’invention de l’art de la couverture. Sa première pochette a été pour un musicien juif, Richard Rodgers.

Le guide Hanno Loewy rebondit sur la section de musique judéo-arabe de l’exposition, une zone pleine d’histoires fascinantes. Leila Mourad, la fille égyptienne d’un chantre, était une grande star du cinéma et de la chanson à son époque, mais a dû être protégée par le président égyptien Gamal Abdel Nasser après des rumeurs d’être une partisane secrète d’Israël, malgré sa conversion à l’islam.
Il montre aussi des disques des labels Koliphone et Zakiphon.
« Les frères Azoulay, qui sont arrivés en Israël depuis le Maroc et ont installé un magasin place de l’Horloge à Jaffa, ne pouvaient pas trouver de musique marocaine en Israël, alors ils ont lancé leur propre label », raconte Loewy.
Les frères, qui ont à présent plus de 80 ans, travaillent toujours à Jaffa.

Avec un spectacle qui commence par la musique de chantres traditionnelle, avec de grands noms comme Yossele Rosenblatt, et le chanteur d’opéra Jan Peerce, né Jacob Pinchas Perlmuth, et des genres comme la musique israélienne, le folk, la pop, le punk et le rock, il y a presque trop à prendre.
Interrogé sur sa musique favorite parmi les centaines de noms se faisant concurrence pour être la voix de la musique juive du 20e siècle, Loewy gémit. Il y a un chanteur, explique-t-il, qui a formé la bande son de son enfance.
« Wolf Biermann vivait à Berlin Est et chantait ces ‘chansons’ avec un contenu politique. Je les adorais. »
Biermann, très critique du régime communiste, a été isolé et a perdu sa citoyenneté. Il a finalement réussi à atteindre l’Allemagne de l’ouest, et il a alors été révélé que son père juif avait été assassiné à Auschwitz.
Mais là, Loewy gémit.
« J’aime aussi ça, Daniel Kahn and the Painted Bird. C’est ce que vous pourriez appeler du klezmer-punk. »

Avec des paroles comme « nous avons souffert avec classe, et tout est dans le dossier » (we suffered in style, and it’s all in the file), Kahn, né à Detroit et basé à Berlin, a son propre rythme sur les politiques questionnables de l’Allemagne communiste.
La conservatrice londonienne de l’exposition, Joanne Rosenthal, a déclaré qu’elle « célèbre le rôle que les juifs ont joué dans l’histoire de la musique enregistrée, à la fois d’un point de vue artistique mais aussi comme influences de l’industrie. »
Alors que les premiers visiteurs se penchaient sur les choix du jukebox géant de l’exposition, on dansait effectivement dans la rue.
‘Jukebox, Jewkbox!’, au musée juif de Londres jusqu’au 16 octobre 2016.
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