Les Juifs progressistes américains s’interrogent sur la réponse aux massacres du Hamas
Certains, à gauche, pleurent les victimes civiles de l'attaque terroriste alors que d'autres glorifient le massacre, au moment où l'inquiétude s'accroît sur ce qui sera réservé aux Palestiniens
JTA — Dans ses premiers posts publiés au sujet du massacre par le Hamas de civils israéliens, Joshua Leifer, auteur progressiste, a exprimé son horreur devant les récits qui émergeaient du sud d’Israël.
Il a aussi déploré l’éventail d’organisations et de personnalités progressistes qui ont semblé approuver, voire fêter l’attaque – lui donnant le sentiment « profond », a-t-il dit, « que la gauche, à l’étranger, s’est détournée des valeurs qu’elle est supposée défendre ».
« Je pensais que nous étions de gauche parce que nous voulions un monde sans guerre, sans torture, sans assassinat de familles et d’enfants dans leurs lits », a écrit Leifer sur X, ex-Twitter. « Les défenseurs des droits de l’Homme auto-proclamés et même des prétendus camarades de lutte sont en train de célébrer, de glorifier des actes indescriptibles qui sont venus violer les éléments les plus fondamentaux de la vie humaine. Cela me rend malade ».
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Le fil de posts – des publications dont Leifer a fait plus tard un article paru dans Dissent, un journal de gauche – a touché d’autres Juifs de la gauche de l’échiquier politique. L’auteur juif progressiste Peter Beinart a partagé les publications de Leifer sur le réseau social, ajoutant que « c’est très exactement ce que je ressens ».
Certaines personnalités et organisations progressistes, de branches de Black Lives Matter jusqu’à la branche, à New York, du groupe Democratic Socialists of America, ont paru tolérer le carnage et même saluer le massacre – qui a fait 1 400 morts, largement des civils – en le présentant comme un acte de « résistance » contre une occupation illégale. Certains Juifs de gauche, pour leur part, ont fait savoir leur douleur après l’attaque meurtrière du groupe terroriste tout en attribuant la responsabilité unique de ces violences atroces à Israël.
Et d’autres, qui ont passé leur carrière à s’opposer à la présence d’Israël dans les territoires palestiniens, dénoncent aujourd’hui le refus de leurs alliés idéologiques de condamner le meurtre de civils – dans certains cas des amis ou des proches.
« Pour ceux qui entretiennent le plus de liens avec Israël, la période est réellement, réellement très dure et très décourageante », explique Arielle Angel, rédactrice-en-chef du magazine progressiste Jewish Currents. « Parce que ce à quoi ils assistent, c’est au spectacle de gens qui rejettent totalement la valeur de la vie de personnes qu’ils connaissent et qui, selon eux, ne devraient pas être considérées comme des dégâts collatéraux ».
En même temps, ajoute Angel, les Juifs qui sont à la gauche de l’échiquier politique font face à une autre tension : Ils tentent d’assimiler la tuerie en masse de civils israéliens par le Hamas tout en continuant à s’opposer aux frappes aériennes sur la bande de Gaza, que gouverne le groupe terroriste, et à l’occupation.
« Je pense que c’est un moment nouveau », note-t-elle. « Si vous parlez avec les Juifs américains de gauche, il y a une fracture sur la question de l’orientation de leur énergie en ce moment ».
Elle ajoute que « j’ai très peur pour l’avenir de la gauche actuellement ».
Certains, et notamment au moins un écrivain juif, ont célébré ouvertement l’attaque peu de temps après qu’elle a commencé.
Samedi, alors que les attaquants du Hamas étaient encore en Israël, Rivkah Brown, journaliste pour le Novara Media britannique, a écrit sur X que l’assaut devait être « un jour de réjouissance pour les partisans de la démocratie et des droits de l’Homme dans le monde entier, alors que les Gazaouis brisent enfin les murs de leur prison en plein air ». Le groupe Democratic Socialists of America, à New York City, a promu un rassemblement exprimant « sa solidarité avec le peuple palestinien et son droit à la résistance à 75 années d’occupation et à l’apartheid ».
Et dans le sillage immédiat du massacre, certaines organisations juives de gauche ont estimé que l’État d’Israël était le seul responsable de ces atrocités. IfNotNow, qui s’oppose à la présence israélienne en Cisjordanie, a indiqué que « le gouvernement israélien, le gouvernement américain qui le finance et qui excuse sa conduite, et tous les leaders internationaux qui continuent à détourner le regard face à l’oppression des Palestiniens ont sur les mains le sang des Israéliens assassinés ».
Jewish Voice for Peace, un groupe anti-sioniste, a reconnu « l’assaut sans précédent » et les centaines de victimes israéliennes dans un communiqué émis le 7 octobre – mais le nom du Hamas n’y a pas été mentionné.
« L’apartheid et l’occupation israélienne – et la complicité des États-Unis dans cette oppression – sont la source de toute cette violence », a dit le communiqué. « Inévitablement, les opprimés, partout dans le monde, chercheront – et ils gagneront – leur liberté ».
D’autres groupes, comme Jews for Racial and Economic Justice, se sont montrés plus modérés, disant que « nous reconnaissons que les attaques du Hamas contre des civils ne sont ni justifiables, ni injustifiées ».
Plusieurs jours plus tard, alors que l’ampleur des atrocités commençait à apparaître clairement, certains de ces activistes sont revenus sur leurs déclarations, ou les ont modérées. Mardi, les DSA de New York City ont déclaré « pleurer tous ces morts dans la région » et le groupe politique a présenté ses excuses « pour le trouble entraîné par notre post et par notre incapacité à ne pas expliciter nos valeurs ». La publication initiale a été supprimée.
Brown a aussi supprimé son tweet, présentant des excuses, mercredi. « J’ai répondu trop rapidement et dans un moment d’émotion accrue », a-t-elle déclaré. « Voir les Palestiniens défier des décennies d’oppression m’a empêché de voir les souffrances des civils israéliens, notamment celles de mes amis et de ma famille et je le regrette. Je vous présente mes excuses ».
Le même jour, Jewish Voice for Peace a émis un autre communiqué disant « profondément regretter les plus de 1 200 morts du côté israélien, les familles détruites, notamment un grand nombre des nôtres, et craindre pour les Israéliens pris en otage. »
Le groupe a ajouté que « les massacres commis par le Hamas contre des civils israéliens sont des crimes de guerre horribles. Rien ne peut justifier dans le droit international le meurtre sans distinction des civils, ou la prise de civils en otage. »
Mercredi, la porte-parole de l’organisation, Sonya Meyerson-Knox, a expliqué que le groupe se sentait dans une situation précaire – craignant que l’expression publique de la douleur n’attise une réponse militaire plus dure contre Gaza.
« Nous avons cette pression incroyable de devoir exprimer quelque chose qui puisse à la fois, c’est ce que nous espérons, faire part de notre crainte, de notre chagrin, mais aussi de notre douleur et de notre colère – mais quelque chose qui ne puisse pas être utilisé par le gouvernement israélien et par le gouvernement américain dans leur guerre », a dit Meyerson-Knox.
L’armée israélienne a déclaré de manière répétée se soumettre au droit international et prendre des mesures empêchant de faire des victimes civiles – y compris en risquant la vie de ses propres soldats pour réduire les possibilités de dégâts collatéraux. Les organisations de défense des droits de l’Homme et les Nations unies ont mis en doute ces affirmations et elles ont critiqué avec force la conduite des soldats israéliens tandis que d’autres instances – parmi lesquelles les États-Unis et autres alliés de l’État juif – ont pris la défense des actions israéliennes.
Angel a indiqué que d’autres activistes, à la gauche de l’échiquier politique, ont fait part des mêmes inquiétudes que celles exprimées par Meyerson-Knox.
« Même des gens qui n’expriment pas leur deuil sont en deuil en ce moment, et tout va dépendre de ce qu’ils pensent, s’ils considèrent que leur chagrin est ce qu’il y a de plus important ou s’ils s’inquiètent de l’effet que pourra avoir l’expression publique de leur chagrin », a noté Angel. « Les gens ont peur qu’il puisse y avoir un génocide palestinien ».
Le bilan meurtrier élevé chez les Israéliens, samedi dernier, a obligé certains Juifs, à la gauche de l’échiquier politique, à reprendre certaines choses en considération dans la mesure où dans les précédents conflits, un plus grand nombre d’Israéliens étaient tués, note Angel, qui ajoute toutefois que cet équilibre macabre entre les victimes était en train d’être ébranlé au rythme des frappes aériennes qui sont menées par Israël sur les positions du Hamas à Gaza.
« Nous n’avions jamais assisté à un nombre de victimes israéliennes – au moins au cours d’un seul événement – qui dépassait le bilan palestinien », explique-t-elle, soulignant qu’elle a encore la conviction que le conflit est ancré dans l’occupation israélienne et ce, malgré le bilan meurtrier. « Nous nous sommes habitués à voir les choses comme ça et à tenter d’aider les autres à l’entrevoir ainsi. Jamais nous n’avions connu une situation telle que celle-là ».
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