Les législateurs cherchent à proscrire l’ONG Breaking the silence
Le projet de loi proposé par des députés de plusieurs partis décrit l’organisation, qui critique les militaires, comme « subversive », déclare qu’elle utilise des « méthodes non démocratiques »
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
En plein débat public sur la légitimité des ONG de gauche agissant en Israël, plusieurs députés de droite et du centre ont présenté un projet de loi qui cherche à proscrire l’organisation de vétérans de l’armée israélienne Breaking the silence, qui collecte des témoignages critiques de soldats à propos de leur service dans les Territoires.
Les députés Shuli Moalem-Refaeli et Betzalel Smotrich, du parti HaBayit HaYehudi, avec Meirav Ben-Ari, de Kulanu, Yaakov Mergi, du Shas, et Oder Forer, de Yisrael Beytenu, ont présenté un projet de loi mercredi soir visant à interdire l’association, la décrivant comme une « organisation subversive » qui vise à nuire au pays.
L’explication comprise dans le projet de loi décrit Breaking the silence comme « une organisation subversive agissant pour changer la politique israélienne par des méthodes non démocratiques et en exerçant des pressions internationales qui nuisent à Israël ».
« L’ONG emporte notre ‘linge sale’ à l’étranger et donne des informations qui sont soit fausses, soit ne décrivent pas correctement la politique d’Israël », est-il écrit.
Fondée par un groupe de combattants vétérans de l’armée israélienne, Breaking the silence collecte des rapports, en général anonymement, sur des abus de pouvoir présumés par des soldats en Cisjordanie. Elle a souvent affronté les personnalités politiques et militaires israéliennes depuis sa création en 2004. Ses critiques ont dénoncé ses rapports, qualifiés de malhonnêtes d’une part, et de faire partie d’une campagne visant à nuire à l’image d’Israël à l’étranger d’autre part.
La députée Shuli Mualem, la première signataire du projet de loi, a déclaré que l’association utilisait les droits de l’Homme comme un outil pour fustiger Israël. « Ils soutiennent, avancent et même incitent au boycott contre l’Etat d’Israël », a-t-elle déclaré selon la Dixième chaîne. « Ils ont pour objectif de délégitimer l’existence d’Israël. »
Ces dernières semaines, des députés et des personnages publics se sont exprimés en faveur ou défaveur de Breaking the silence, alors que deux autres projets de lois ciblant les ONG de gauche avancent dans le processus législatif de la Knesset.
En décembre, le ministre de la Défense Moshé Yaalon a interdit Breaking the silence de tous les évènements impliquant des soldats, déclarant qu’« il devient clair que cette organisation agit avec des motivations calomnieuses », et que son souci principal est de vilipender l’armée israélienne à l’étranger.
Une semaine plus tard, le ministre de l’Education Naftali Bennett a interdit à ses membres de s’adresser aux lycéens.
Dans un face-à-face acide à la Knesset, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait demandé que le chef de l’opposition, Isaac Herzog, condamne l’ONG.
Un projet de loi demandant à certaines ONG de déclarer publiquement leurs financements provenant de gouvernement étrangers est en cours d’étude après avoir été approuvé par la commission du cabinet à la fin du mois dernier. La ministre de la justice Ayelet Shaked, qui a proposé la législation, a déclaré qu’il concernait les incursions étrangères dans les affaires israéliennes.
La loi ONG, ou loi de transparence, demanderait à tous les groupes israéliens qui reçoivent au moins la moitié de leurs financements de gouvernements étrangers – ce qui est vrai pour beaucoup d’ONG de gauche, mais peu d’ONG de droite – à rendre public leurs bienfaiteurs étrangers.
Dans une vidéo controversée diffusée mi-décembre, l’organisation de droite Im Tirtzu avait accusé des figures importantes de Breaking the silence et d’autres organisations israéliennes de gauche de défense des droits de l’Homme d’être des « taupes » agissant pour des pays étrangers pour saboter les efforts contreterroristes d’Israël.
La campagne provocatrice a été diffusée peu après la présentation d’un projet de loi visant à qualifier les organisations qui sont massivement financées par des pays étrangers de « taupes », les empêchant dans les faits de rencontrer des fonctionnaires gouvernementaux et des membres des forces de défense israéliennes.
Le projet de loi, porté par le député Likud Yoav Kirsch, étiquèterait les groupes financés par des gouvernements étrangers comme des « taupes » des pays les soutenant, les empêchant ainsi de contacter des représentants gouvernementaux ou militaires, et appliquerait une amende de 100 000 shekels à ces organisations dans l’hypothèse où elles violeraient la loi israélienne.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.