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Les membres du Labour « radicalisés » depuis l’élection de Corbyn – rapport

Une étude des publications sur les réseaux sociaux et les forums révèle une "obsession" des membres du parti travailliste britannique à l'égard de l'Etat juif

Des militants anti-israéliens manifestent en marge d'une réunion du Comité exécutif national du Labour à Londres, le 4 septembre 2018. (Stefan Rousseau/PA via AP)
Des militants anti-israéliens manifestent en marge d'une réunion du Comité exécutif national du Labour à Londres, le 4 septembre 2018. (Stefan Rousseau/PA via AP)

LONDRES — Le Parti travailliste britannique est devenu un « incubateur » de l’antisémitisme, selon un nouveau rapport.

Depuis l’élection du leader d’extrême-gauche Jeremy Corbyn à la tête de la formation, au mois de septembre 2015, les membres du Labour se sont « radicalisés » sur la question d’Israël et des Juifs, selon une étude réalisée par le chercheur et blogueur David Collier.

Dans son rapport intitulé « The British Labour Party: Obsession and Radicalization » [Le Parti travailliste britannique : obsession et radicalisation], David Collier démontre, – preuves à l’appui -, que les membres qui commentaient rarement les sujets de l’Etat juif, du sionisme ou des Juifs avant l’élection de Corbyn, il y a cinq ans, ont commencé à le faire à des dizaines d’occasions depuis.

L’étude note par ailleurs qu’ils partagent dorénavant souvent des théories du complot antisémites sur les réseaux sociaux, qu’ils nient l’existence de la haine anti-juive au sein du Parti travailliste et qu’ils rejettent les médias traditionnels qui sont, selon eux, sous le contrôle des « sionistes ».

Mark Gardner, directeur de la communication à la Community Security Trust (CST), groupe de veille sur l’antisémitisme chargé également de protéger les lieux appartenant à la communauté juive, explique que la recherche de Collier montre « l’effet radicalisant, sur certains membres du Labour, du débat animé et prolongé sur le problème de l’antisémitisme au sein du parti ».

Il qualifie cet effet « d’aboutissement malheureusement inévitable d’une telle querelle politique : créer un intérêt là où il n’y en avait pas et que les gens adoptent ensuite des positions plus tranchées à cet égard ».

Photo d’illustration : Une image partagée sur les réseaux sociaux par l’activiste britannique du Labour Kayla Bibby, en mai 2018 (Crédit : Facebook)

Collier avait, l’année dernière, exposé l’antisémitisme rampant du groupe Facebook « Palestine Live », dont Corbyn était membre. Son nouveau rapport, de 200 pages, a été soumis à la Commission britannique pour l’égalité et les droits de l’Homme, un groupe de veille gouvernemental de lutte contre le racisme qui enquête actuellement sur l’antisémitisme au sein du Labour.

Le rapport contredit l’idée que l’antisémitisme n’existerait que parmi un nombre relativement modeste de nouveaux membres ayant rejoint la formation en 2015 pour faire campagne pour la candidature de Corbyn à la tête du Labour.

Alors que certains de ces nouveaux membres « nourrissaient des points de vue extrémistes ou antisémites » avant de rejoindre le parti, explique Collier, « l’hypothèse générale » selon laquelle le problème, dans les rangs de la formation travailliste, se limiterait à une minorité est « tristement déplacée ».

Collier a examiné les forums de discussions du parti ainsi que les publications sur les réseaux sociaux en analysant les contenus liés à Israël, au sionisme et aux Juifs.

Il présente dans son rapport 40 études de cas impliquant des individus membres du parti avant 2015, ainsi que des adhérents ayant intégré la formation pendant les élections de 2015 ou 2016, qui avaient désigné son dirigeant.

Au mois de juillet 2016, soit moins de 10 mois avant sa première élection, Corbyn avait dû affronter des travaillistes modérés dans la course à la présidence du Labour. La campagne de l’été 2016, qui avait vu Corbyn être réélu à une majorité encore plus importante, avait suscité de nouvelles adhésions au sein de la formation.

Le chef du parti d’opposition britannique du Labour Jeremy Corbyn arrive au siège de la formation dans le centre de Londres, le 9 juin 2017. (Crédit : Odd Andersen/AFP)

Luke Akehurst, directeur du groupe militant We Believe In Israel et ancien membre du comité exécutif national du Labour, estime que les recherches de Collier étaient « inestimables ».

« Elles révèlent quelque chose de très troublant : que le phénomène de l’antisémitisme au sein du Labour n’a pas seulement impliqué les antisémites qui avaient été encouragés à rejoindre le parti par son glissement à gauche, en 2015, mais que des gens qui n’avaient pas exprimé dans le passé un tel extrémisme se sont radicalisés de plus en plus au cours des quatre dernières années », constate Akehurst.

Sortis de l’ombre ?

Collier identifie une femme, membre du parti avant 2015 et qui n’avait jamais fait de publications publiques au sujet d’Israël en 2014 – l’année, pourtant, de la guerre de Gaza et du vote du Parlement britannique portant sur la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien. En 2015, elle écrit pourtant deux publications sur Israël, puis 22 en 2016.

En 2017 et 2018, elle réalise plus de 300 publications sur l’État juif – soit plus que sur n’importe quel autre sujet. Parmi les contenus antisémites partagés, des théories du complot sur la famille Rothschild. Elle a également écrit que les « sionistes et autres corporations américaines » ont financé Israël, « tout ça dans un seul but : Israël ».

Photo d’illustration : Capture d’écran d’un tweet écrit par le député travailliste Grahame Morris accusant l’armée israélienne de frapper les enfants palestiniens (Capture d’écran : Twitter)

Une autre adhérente du parti évoquée dans le rapport ne s’était jamais exprimé publiquement sur Israël en 2015 sur les réseaux sociaux et avait partagé une publication en soutien à la « solution à deux Etats » cette même année.

Mais, d’après l’étude, « les choses se sont détériorées rapidement » après l’élection de Corbyn. En 2016, elle partage des articles suggérant que l’EI est une création israélienne, elle « a soudainement trouvé un intérêt dans les rabbins et dans le judaïsme » et diffuse des vidéos antisémites faisant la promotion du négationnisme, blâmant les Juifs pour les persécutions subies pendant la Shoah.

Cette femme, estime Collier, « semble avoir été une adhérente loyale du Labour qui publiait des messages à demi-positif sur la paix avant que ses points de vue ne soient altérés par le nouvel environnement créé au sein du parti du Labour ».

Et ce cadre, dit l’étude, a vu le Parti travailliste ignorer de nombreuses accusations d’antisémitisme, des soutiens éminents de Corbyn rejetant la crise, estimant qu’il s’agit « d’un canular, d’une calomnie ou au mieux, d’un problème minuscule ».

Au même moment, les responsables du Labour recevaient un soutien crucial de la part de « Juifs à la marge proches du marxisme, qui ne font pas partie de la communauté juive au sens large, et qui leur ont assuré une couverture casher« .

Le message anti-sioniste transmis par des groupes d’extrême-gauche comme Jewish Voice for Labour, qui a souvent rejeté les allégations d’antisémitisme au sein de la formation, affirmant qu’elles étaient motivées par le désir de réduire la critique d’Israël au silence, a souvent été « amplifié » par des instances médiatiques et les sites internet pro-Corbyn, qui ont ensuite soumis ce message à la masse loyaliste.

Photo d’illustration : Des manifestants brandissent des pancartes lors d’une manifestation aux abords du siège du parti d’opposition britannique du Labour, dans le centre de Londres, le 4 septembre 2018 (Crédit : AFP PHOTO / Daniel LEAL-OLIVAS)

Collier décrit un « modèle » dans le processus de radicalisation de ces membres qui, dans le passé, n’affichaient que peu d’intérêt pour Israël avant l’élection de Corbyn à la tête du Labour. Après, ils ont soudainement commencé à partager des articles sur Israël, sur le sionisme ou sur les
Juifs ; ils ont rejoint de nombreux groupes Facebook pro-Corbyn et commencé à publier des « mensonges outranciers » concernant l’Etat juif, publiant sur le sujet plus que sur n’importe quel autre et attaquant les médias « sionistes ».

Ils ont partagé des théories du complot émanant de sites internet obscurs, répétant le mantra selon lequel « la critique d’Israël n’est pas de l’antisémitisme » ; ils ont commencé à s’approprier avec leurs propres mots des arguments antisémites, promu la défense de Corbyn avancées par l’extrême-gauche et les groupes juifs anti-sionistes et développé une « hostilité déclarée envers la communauté juive britannique traditionnelle ».

Un nouvel « afflux d’extrémisme »

En plus de la radicalisation des membres du Labour, Collier décrit un « afflux d’extrémisme » dans les périodes qui ont précédé l’élection et la réélection de Corbyn. Ce « modèle », selon le rapport, a été formé d’individus – avec parmi eux des « militants anti-israéliens de première ligne » – qui partageaient déjà des publications « toxiques et antisémites » avant de rejoindre la formation.

Collier accuse certains de ces nouveaux membres d’amener « les théories du complot et l’antisémitisme » avec eux dans les rangs de la formation et de ne « pas être gênés de partager des contenus provenant de sources farouchement racistes, fondamentalistes, suprématistes blanches ».

L’étude note que Corbyn a fait du militantisme pro-palestinien avec certains d’entre eux pendant longtemps.

« C’est donc peu sincère, d’une certaine manière, pour les défenseurs de Corbyn d’utiliser l’argument des ‘extrémistes qui sont entrés dans le parti’. Ils étaient les amis, les alliés de Corbyn », note-t-elle.

Photo d’illustration : Des drapeaux palestiniens sont brandis par les délégués au cours d’un débat organisé au troisième jour de la conférence du Labour, à Liverpool, au Royaume-Uni, le 25 septembre 2018 (Crédit : AFP PHOTO / Oli SCARFF)

Le rapport fait également état d’un « nettoyage ethnique » des voix juives sur les forums internet du parti, en particulier de ceux qui avaient déclaré publiquement leur loyauté envers Corbyn.

« Les Juifs sionistes ont été exclus de la discussion », écrit Collier. « Les voix les plus qualifiées, les plus éduquées du côté des Juifs ont été réduites au silence, et celles des militants pro-palestiniens ont été amplifiées, créant un déséquilibre supplémentaire. »

« Ceux qui se trouvaient à l’intérieur de cette bulle n’ont donc pu qu’être soumis à une atmosphère de radicalisation », suggère-t-il.

Par moment, il semble que la question d’Israël ait été davantage débattue dans les rangs du Labour que les sujets de ‘l’austérité’, du ‘logement’ et du système de santé

Examinant les discussions sur l’un des plus importants groupes du Labour sur Facebook, qui compte plus de 38 000 membres, le rapport note que le forum est devenu « obsédé par Israël ».

« Par moment, il semble que la question d’Israël ait été davantage débattue dans les rangs du Labour que les sujets de ‘l’austérité’, du ‘logement’ et du ‘système de santé’, remarque l’étude. Tandis que le groupe Facebook a connu une hausse des discussions sur Israël pendant la guerre de Gaza, en 2014, après l’élection de Corbyn, « il n’y a plus de corrélation entre les événements en Israël et le nombre de discussions ».

« Il est inquiétant qu’à l’apogée du conflit de Gaza, Israël n’ait pas autant figuré dans les sujets présentés par le forum que ce n’est le cas pendant un mois sous la présidence de Jeremy Corbyn », note-t-il.

Un arrêt de bus de Londres affublé d’une affiche “Israël est une entreprise raciste”, installée par un groupe pro-Palestiniens pour protester contre l’adoption par le Parti travailliste britannique de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, le 6 septembre 2018. (Crédit : Twitter)

David Hirsh, l’auteur de « Contemporary Left Antisemitism » [L’Antisémitisme de gauche contemporain] et maître de conférences en sociologie à Goldsmiths, à l’université de Londres, pense que l’étude souligne l’impact clivant que la crise sur l’antisémitisme a eu sur celles et ceux qui ont initialement soutenu Corbyn.

« Le fait de jeter tous ses espoirs, tous ses rêves dans le mouvement de Corbyn ne pouvait avoir que deux résultats », explique-t-il. « Si vous trouvez qu’il devient impossible de défendre le mouvement de Corbyn contre les accusations d’antisémitisme, vous prenez le risque d’être exclu, aliéné, désigné comme un ennemi du mouvement ».

« Mais si vous voulez soutenir et défendre Corbyn contre vents et marées, alors il est probable que vous finirez par croire que l’hostilité des Juifs envers Corbyn est une ruse malhonnête, qui vise à faire taire la critique d’Israël de manière injuste. Ce second résultat peut manifestement être qualifié de ‘radicalisation' », conclut Hirsh.

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