Les parents d’un soldat tué au combat reviennent en Israël – avec un ancrage profond
La famille de l'Américain Max Steinberg, soldat seul mort à Gaza en 2014, ne connaissait personne dans le pays - elle a aujourd'hui adopté cette nation qui lui a montré son amour

Très exactement huit ans après son inhumation au cimetière du mont Herzl, à Jérusalem, ce sont des dizaines d’amis et de proches qui l’aimaient qui se sont rassemblés, mercredi soir, pour rendre hommage à Max Steinberg, un soldat seul américain qui était tombé lors de l’Opération bordure protectrice en 2014.
A proximité des noms familiers de soldats partis plus récemment, une canopée a été dressée et des tabourets ont été installés – mais la majorité des plus de cent personnes qui ont fait le déplacement se tiennent debout. Après les discours et la récitation des psaumes, les personnes présentes placent des bonbons acidulés – ceux dont Max raffolait tout particulièrement – sur les échinacées jaunes qui ont depuis poussé sur sa tombe, et elles échangent ensuite avec ses parents et avec son frère.
Comme cela avait été le cas lors des funérailles de Steinberg, des dizaines d’anonymes qui n’avaient jamais rencontré Max ou sa famille sont venus, émus par son histoire. « C’est rare que je vienne et qu’il n’y ait personne ici », dit un ami de longue date du défunt, Jason Rosen, en évoquant sa dernière demeure.
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En 2014, la famille de Steinberg, arrivant pour les obsèques de Max au cimetière, avait eu la surprise de découvrir une foule d’environ 30 000 personnes, rassemblée pour rendre un dernier hommage au soldat alors même que le conflit à Gaza faisait rage.
Mais aujourd’hui, les choses sont différentes – et la famille de Steinberg explique considérer comme des amis un grand nombre de ces gens qui, en 2014, n’étaient que des étrangers. « Nous pleurons et pourtant nous sommes soutenus – littéralement portés dans notre souffrance – par la population israélienne », explique le père de Max, Stuart Steinberg, au Times of Israel. « Un grand nombre de nos amis sont aujourd’hui Israéliens ».

« Et nous trouver ici huit ans plus tard… Voir les mêmes personnes en grande partie, ces même visages qui étaient là il y a huit ans et qui viennent ici chaque année pour lui rendre hommage, c’est merveilleux », s’exclame Evie Steinberg, la mère de Max. « Cela me réchauffe le cœur de savoir que tous, vous vous souvenez de mon Max. »
Quand Max Steinberg avait quitté le monde qui lui était familier, celui d’une banlieue de Los Angeles, pour rejoindre l’armée israélienne, Evie et Stuart ne connaissaient Israël qu’à travers ce qu’en disaient leurs enfants. Ils n’étaient jamais allés en Israël et ils n’y connaissaient personne. Et ainsi, quand au mois de juin 2012, Max avait téléphoné chez lui alors qu’il était en train de faire un voyage au sein de l’État juif dans le cadre du programme Birthright pour leur annoncer qu’il avait l’intention de rejoindre l’armée israélienne, leur réaction avait été teintée d’incrédulité.
« Il m’a appelé et il m’a dit que le voyage était formidable, qu’il allait s’installer là-bas et qu’il allait faire l’armée », se souvient Evie. « Et j’ai simplement pensé : ‘OK, Max’. »
« Très honnêtement, je ne l’ai pas pris au sérieux. Je me suis dit que c’était une décision passagère », ajoute-t-elle.
La fascination exercée par le pays et par sa population sur Max était évidente à son retour en Californie. La vie en Israël et l’enthousiasme des Israéliens captivaient Max, un amoureux de Bob Marley et de la nature, raconte Stuart.
« Il s’émerveillait vraiment, il disait que les Israéliens étaient tellement passionnés, tellement heureux », ajoute Evie. « Il était réellement impressionné. »
Forcés de constater le désir ardent de Max de rejoindre la société israélienne, et même son désir de défendre le pays, Stuart et Evie avaient fait le choix de l’encourager. « Il voyait un sens à sa vie », se souvient Stuart. « Il avait trouvé une cause qu’il voulait vraiment mettre au centre de sa vie – et c’était une bonne cause, une cause exceptionnelle. »
Soldat seul, mais pas solitaire
Max était parti pour Israël au mois de septembre 2012. Il n’y connaissait personne. Les cousins d’amis de la famille, la famille Pessen, à Beer Sheva, l’avait accueilli alors qu’il tentait d’intégrer la brigade Golani, bien déterminé à ne pas laisser son hébreu approximatif, voire médiocre, entraver ses envies et ses ambitions.

Max était entré dans la brigade Golani au début de l’année 2013, n’ayant l’occasion de revenir qu’à deux reprises chez lui avant d’être envoyé à Gaza pendant l’été 2014. Pendant la bataille de Shejaiya, il a été tué en même temps que six autres soldats quand le véhicule blindé qui transportait son peloton avait été touché par un missile anti-char du Hamas.
Ce n’est qu’après la mort de leur fils que la famille Steinberg a découvert ce pays et ce peuple pour lesquels Max avait fait le sacrifice de sa vie.
« C’était encore la guerre », se rappelle Evie, « et nous avons pensé : ‘D’accord, eh bien, l’armée nous enverra sûrement des représentants et nous aurons probablement dix personnes » au cimetière, faisant référence au quorum nécessaire pour des funérailles juives.

La famille qui, jusqu’à présent, « ne connaissait personne en Israël », avait été inondée de visites et de messages de condoléances des ministres, du président et de nombreux Israéliens d’horizons divers et variés. Et des milliers d’étrangers de plus avaient tenu à venir faire part de leur soutien aux parents de Max lors des trois jours « chaotiques » de la shiva – cette période de deuil respectée chez les Juifs – qui avait été organisée au Crown Plaza Hotel de Jérusalem.
« C’était bouleversant », confie Jake Steinberg, le frère de Max. « Mais cela a été aussi quelque chose, entre autres, qui nous a amenés à réaliser combien ce pays est particulier, spécial. Qui d’autre pourrait faire potentiellement la queue comme ça pendant deux heures ? », s’interroge-t-il.
La famille s’est souvenue de cette immense démonstration de soutien en revenant au sein de l’État juif, au huitième anniversaire de la mort de Max. Ses membres disent dorénavant ressentir « un ancrage fort » au sein de la population. « De par notre expérience d’Israël, de par notre expérience de la population israélienne, en voyant la manière dont les Israéliens ont adopté notre famille – il serait impossible que nous ne nous sentions pas bien ici », explique Jake.
« Rassemblés pour une bonne raison »
C’est pendant cette période difficile que la famille Steinberg a rencontré Sam Grundwerg, qui était alors officier et qui avait été chargé par l’armée d’accompagner les proches du défunt dans l’épreuve du deuil. Grundwerg, qui est aujourd’hui président international de Keren Hayesod, s’est tenu aux côtés des familles de soldats tombés au combat dans les moments les plus douloureux, mais les circonstances inhabituelles dans lesquelles les parents de Max avaient perdu leur fils l’avaient placé dans une position qui ne lui était pas familière.

« La seule fois où nous avions entendu parler de l’armée ou du consulat, à ce moment-là, c’était quand ils étaient venus frapper à notre porte », raconte Stuart. Après avoir localisé la famille à l’étranger grâce à la famille d’accueil de Max à Beer Sheva, un responsable du consulat était venu informer la famille de la douloureuse nouvelle du décès de leur fils. Cela n’avait été qu’à leur arrivée en Israël que l’équipe habituelle de trois officiers chargés de la prise en charge des familles des victimes était venue à leur rencontre, avec Grundwerg à leur tête.
Même si, conformément au protocole, ces officiers apportent aux familles un soutien, les milliers de personnes venues réconforter la famille endeuillée – et l’incapacité de cette dernière à parler et à comprendre l’hébreu – avaient nécessité un degré d’intimité plus profond, un appui bien plus fort. « En raison de l’intensité particulière de la shiva, nous étions restés ensemble pratiquement 24 heures sur 24 à ce moment-là », se souvient Grundwerg. « Nous dormions à l’hôtel. »
Après cette période de souffrances où Grundwerg était resté fermement à leurs côtés, manifestant une solidarité sans faille, la famille Steinberg dit dorénavant considérer Sam comme l’un de ses membres. « C’est mon frère, mais d’une autre mère », plaisante Evie.
« Cette expérience a assurément eu un impact sur moi », commente Grundwerg qui a été lui-même soldat seul après être arrivé au sein de l’État juif à l’âge de 17 ans. Il dit que cela n’a rendu que plus poignantes à ses yeux « l’idées de ce que signifie le sacrifice, de ce que signifie la responsabilité mutuelle, l’idée du peuple Juif, l’idée du rassemblement ».

La relation professionnelle qu’entretient Grundwerg avec des organisations juives majeures signifie que la famille est restée proche de lui. Il a été amené à organiser des visites de commémoration annuelles en Israël pour le yahrzeit de Max, l’anniversaire de sa mort selon le calendrier hébreu, avec notamment une visite, en 2015, où la famille avait été personnellement conviée par le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu.
Deux ans seulement après le décès de Max, Grundwerg avait été envoyé à Los Angeles pour y travailler au consulat général israélien. Evie se souvient de sa surprise à l’annonce de la nouvelle : « J’étais là, en me disant : ‘Oh mon Dieu, mais je ne peux pas y croire !’ J’étais tellement contente. »
Au fil des années, les familles Steinberg et Grundwerg ont passé des Shabbat ensemble, ils ont partagé des repas de fête les uns avec les autres et ils se sont rendus côte à côte aux événements organisés par le consulat. « C’était comme en famille », se souvient Grundwerg. En plus d’apporter un réconfort précieux aux parents de Max, la présence d’un ami digne de confiance les a aidés à naviguer à travers les commémorations organisées par le gouvernement israélien et les prises de parole en souvenir de leur fils. « Je crois vraiment que nous avons été amenés à nous rencontrer tous pour une raison », dit Grundwerg.
« Engagés à faire vivre la mémoire de Max »
Stuart et Evie racontent qu’en résultat de leur expérience, leur lien avec leur identité juive et avec les Juifs du monde entier s’est beaucoup approfondi. Ils soulignent que les démonstrations de soutien qui ont été témoignées lors des funérailles de leur fils leur ont fait comprendre la force et l’ampleur des idées de ce que sont le peuple Juif et la responsabilité mutuelle : « C’est réel », insiste Evie.
Depuis la mort de Max, tous les membres de la famille se sont engagés dans des initiatives juives ou israéliennes, d’une manière qu’ils n’auraient jamais pu imaginer auparavant. Evie et Stuart consacrent beaucoup de temps, depuis chez eux, à soutenir et à défendre les soldats seuls et leurs familles. « Nous sommes tous devenus des soldats », dit fréquemment Evie à son entourage, avant d’ajouter que « tous les soldats n’ont pas une arme sur eux ». Elle intervient souvent pour sensibiliser les publics de groupes dont les activités sont consacrées à Israël, comme Birthright et l’AIPAC, et elle s’efforce de soutenir les parents des soldats seuls en tant que membre du groupe FLS (Familles de soldats seuls).

En 2018, Stuart est devenu président du FLS qui soutient les soldats seuls et qui aide à intégrer les parents dans l’expérience de l’armée. Il évoque avec fierté son initiative visant à renforcer la coordination entre l’armée israélienne et les missions consulaires à l’étranger en ce qui concerne les soldats seuls et leur suivi, de manière à ce que plus jamais la première interaction entre une famille et l’armée ne doive se résumer à un coup résonnant sur une porte dans des circonstances terribles, dit-il. Quand la mesure a été approuvée, au début de l’année, la famille en a été informée personnellement au téléphone par Yair Lapid, qui était ministre des Affaires étrangères à ce moment-là.
Le frère de Max, Jake, est directeur de l’AIPAC pour la région de Los Angeles tandis que sa sœur, Paige, est partie vivre en Israël où elle s’est inscrite à l’université Reichman, à Herzliya.
« Ce à quoi Max croyait et ce en quoi nous croyons », explique Jake, « c’est aux Juifs et c’est au peuple juif, et à la création d’un meilleur avenir pour eux ».
« Nous avons la conviction de faire revivre sa mémoire à travers nos actions », ajoute-t-il.
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