Les sorties de la high-tech israélienne chutent de 56 % en 2023 – rapport de PwC
Entre refonte judiciaire controversée et guerre contre le Hamas, la valeur des exits et des introductions en bourse de la tech israélienne chute au plus bas niveau depuis 10 ans
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Alors que le secteur de la haute technologie israélienne subit l’impact de la guerre en cours avec le groupe terroriste Hamas, le nombre « d’exits » – fusions-acquisitions ou offres publiques initiales (IPO) – a plongé cette année à son niveau le plus bas depuis dix ans.
La valeur de ces sorties de la high-tech israélienne, comprenant les fusions-acquisitions et les introductions en bourse, a chuté cette année de 56 % pour atteindre 7,5 milliards de dollars, contre 16,9 milliards de dollars l’année précédente, selon le rapport pour l’année 2023, Israel High Tech Exit du cabinet de conseil PwC Israël publié mercredi. Dans le même temps, le nombre de transactions a chuté de 38 %, passant de 72 l’année dernière à 45, et la valeur moyenne des transactions a chuté de 29 %, passant de 235 millions de dollars à 167 millions de dollars au cours de la même période comparative.
2022 était déjà une année difficile pour l’industrie technologique israélienne, car le spectre incertain de la hausse des taux d’intérêt, la chute des marchés boursiers mondiaux et les licenciements dans le secteur de la high-tech ont entraîné un fort ralentissement des investissements. Au début de 2023, l’incertitude politique locale autour du plan controversé de refonte du système judiciaire a poussé les investisseurs étrangers à l’attentisme en matière de conclusion d’accords. Les entreprises technologiques ont vu les exits bondir de 520 % en 2021 pour atteindre 82 milliards de dollars en valeur, pulvérisant tous les records de financement précédents.
Aujourd’hui, alors qu’Israël est entré depuis près de deux mois en guerre contre le Hamas, de nombreuses start-ups locales peinent à attirer des financements cruciaux, en particulier de la part d’investisseurs étrangers, tandis que les grandes transactions ne se feront probablement pas.
Des milliers de salariés du secteur technologique et de fondateurs de start-ups ont été mobilisés dans l’armée, plus de 350 000 réservistes ayant été appelés après l’assaut brutal du Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre, qui a fait 1 200 morts, pour la plupart des civils, et au moins 240 personnes ont été enlevées vers la bande de Gaza. Israël a rapidement déclaré la guerre avec l’intention de renverser le régime du groupe terroriste à Gaza et d’obtenir le retour de tous les otages.
Cette mobilisation massive présente des défis, en particulier pour les start-ups en phase de démarrage, à la fois en termes d’obtention de financements essentiels et en termes de fonctionnement quotidien.

Israël attire la plupart de ses investissements technologiques de l’étranger. Environ 80 % des investissements en capital-risque dans les start-ups locales de high-tech ont été générés par des fonds étrangers au cours des années 2021 et 2022.
La dépendance de l’économie israélienne à l’égard du secteur de la haute technologie a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. L’industrie contribue à hauteur de 18 % au PIB local, contre moins de 10 % aux États-Unis et environ 6 % dans l’Union européenne. Environ 14 % de tous les employés travaillent dans le secteur de la technologie et dans des emplois technologiques dans d’autres secteurs. L’économie israélienne repose sur les produits et les exportations technologiques, qui représentent environ 50 % du total des exportations, ainsi que sur les taxes technologiques.
« Le 7 octobre a tout changé », a déclaré Yaron Weizenbluth, associé chez PwC Israël. « À bien des égards, Israël et son industrie technologique sont entrés dans cette guerre alors qu’ils se trouvaient dans une position sous-optimale : le ralentissement économique mondial faisait déjà des ravages (…). Et il y avait aussi la crise judiciaire locale avec ses conséquences potentiellement dévastatrices, nous faisant courir le risque d’ébranler les fondements mêmes de notre société. »
Weizenbluth a averti que si « personne ne sait encore comment cela [la guerre] affectera le caractère civil, militaire et économique de notre pays, il est probable que cela laissera une marque durable ».
« Quoi qu’il en soit, les événements en cours ont le potentiel de changer radicalement l’histoire de notre pays à l’avenir, notamment en tant que Startup Nation « , a-t-il déclaré.
Une analyse des données technologiques montre que du début de l’année au 3 décembre, les transactions ont été menées par les entreprises de cyber-sécurité, qui ont représenté 19 des 45 exits de l’année avec une valeur cumulée de 3,8 milliards de dollars, soit 51 % de la valeur totale des transactions. Parmi les 12 transactions d’une valeur supérieure à 200 millions de dollars, 10 étaient des start-up qui développent des solutions de cyber-sécurité.
Dans les mois qui ont précédé le déclenchement de la guerre et même quelques semaines après le début des combats, une flopée de start-ups de cyber-sécurité fondées par des Israéliens ont été happées par des entreprises technologiques mondiales ainsi que par des acteurs locaux, qui cherchent à répondre aux besoins de sécurité en forte croissance des entreprises.
Palo Alto Networks, une entreprise de cyber-sécurité basée à Santa Clara, en Californie, et fondée par l’entrepreneur américano-israélien Nir Zuk, a annoncé le mois dernier qu’elle achetait Talon Cyber Security, moins d’une semaine après avoir acquis la start-up israélienne Dig Security à la fin du mois d’octobre.
En août, la société de cyber-sécurité Check Point Software Technologies Ltd a racheté la start-up fondée par un Israélien, Perimeter 81, pour environ 490 millions de dollars. La société américaine de cyber-sécurité Rubrik a mis la main sur la start-up israélienne Laminar, un fournisseur de plateforme de sécurité des données qui aide les entreprises et les organisations à surveiller et à protéger les données sensibles stockées dans les clouds publics.

En mars, Cisco Systems, un fabricant américain de logiciels et de matériel de mise en réseau, a acheté la société israélienne Lightspin Technologies, un développeur de logiciels de sécurité dans le cloud. Parmi les autres transactions, le géant américain de la technologie IBM a acheté la start-up israélienne de cyber-technologie Polar Security, qui développe une plateforme automatisée de sécurité des données pour suivre et protéger les données sensibles dans les systèmes hybrides basés sur le cloud.
« Au fil des ans, les cyber-entreprises ont eu une contribution assez importante aux métriques des transactions par rapport à d’autres segments », note Weizenbluth.
« En 2023, la baisse globale du nombre d’opérations a permis à ce segment de se démarquer encore plus, et il a en réalité maintenu le marché à flot. »
Cette année, le marché des introductions en bourse s’est presque complètement asséché, avec seulement trois entreprises israéliennes entrées en bourse contre 13 en 2022. Les introductions en bourse ont représenté 2,5 milliards de dollars du total des sorties en 2023, en forte baisse par rapport à leur valeur de 10,7 milliards de dollars l’année dernière.
En début d’année, Freightos, une plateforme intelligente de réservation et de paiement de fret basée à Jérusalem s’est introduite sur le Nasdaq. En juillet, la société mère de la marque israélienne de cosmétiques en ligne Il Makiage a levé plus de 423 millions de dollars lors de sa première cotation sur le Nasdaq.
Résumant 2023, Weizenbluth a déclaré qu’il était difficile de mettre le doigt sur le facteur principal qui a façonné le secteur de la haute technologie et le marché des transactions au cours de l’année écoulée, citant les bouleversements politiques internes et la guerre contre le Hamas, ainsi que le fait que le nombre de transactions était revenu à un niveau bas enregistré pour la dernière fois en 2013.
« Cependant, lorsqu’on tente de tirer des conclusions des événements passés, il semble que cette fois-ci, nous soyons dans une réalité différente », a souligné Weizenbluth. « Contrairement à la capacité d’Israël à se remettre des crises mondiales passées relativement rapidement et en assez bonne forme, on a l’impression que c’est différent cette fois-ci. »
« Le miracle technologique israélien qui nous a amenés à de nouveaux sommets est encore fragile et doit être gardé et protégé », a-t-il averti.