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Les travaux d’Hercule du pape François

Un an après son élection, rien n'a encore véritablement changé au Vatican, mais sa personnalité fait toute la différence

Le pape François à Varginha, Brésil. (Crédit : Wikimedia Commons/CC BY Tânia Rêgo/ABr)
Le pape François à Varginha, Brésil. (Crédit : Wikimedia Commons/CC BY Tânia Rêgo/ABr)

Le pape François a engagé en un an de pontificat un certain nombre de travaux d’Hercule pour réformer l’Eglise.

Ces chantiers sont ouverts mais loin d’être achevés.

– Réforme de la Curie : François a été élu notamment sur ce mandat. Il doit rendre plus efficace et moderne, moins opaque et bureaucratique sa gestion, assurer une meilleure coordination entre services. Il a nommé plusieurs commissions comprenant des laïcs pour enquêter. Un secrétariat (ministère) de l’Economie doit coiffer des services actuellement dispersés. Il s’agit aussi de faire des économies et de redéployer le personnel. Une source d’inquiétudes et de tensions dans le petit Etat.

– « Banque » du Vatican : l’Institut pour les oeuvres de religion (IOR), par où transitent les fonds des congrégations, doit être profondément réformé, mais pas supprimé. Ses 19.000 comptes ont été épluchés par un cabinet d’audit et certains fermés. Des enquêtes sont ouvertes sur des fonds suspects. Objet de tous les fantasmes, l’IOR deviendra-t-elle une « banque éthique »?

– Pouvoirs du pape et collégialité : François a nommé un conseil consultatif permanent de huit cardinaux (G8 ou C8) de tous les continents. Ce G8 très puissant, collabore avec le pape pour les grandes orientations de l’Eglise, sans beaucoup consulter les dicastères (ministères). François travaille dans son appartement de la résidence Sainte-Marthe avec un petit groupe de secrétaires. Insistant sur la collégialité, il a accru le rôle du conseil permanent du synode, instance prévue entre les réunions périodiques d’évêques du monde entier. Le pouvoir des Italiens dans la Curie ne cesse de décroître.

– Rôle des femmes : tout en soulignant souvent leur vocation « maternelle », il est désireux de leur donner un rôle accru. Il semble possible que des femmes — ou des couples mariés — puissent être nommés à l’avenir à la tête de ministères comme ceux en charge des laïcs, de l’éducation et de la famille. Mais ce chantier se heurte à des résistances dans une Curie dominée par les hommes. François a en revanche dit nettement non à l’ordination des femmes.

– Pédophilie : François a réaffirmé la ligne édictée par Benoît XVI d’une tolérance zéro. Un rapport du comité de l’enfant de l’ONU s’est cependant montré critique sur les efforts réels.François a annoncé une commission d’experts pour la protection des enfants mais sa composition n’a pas encore été définie. Les associations de victimes estiment qu’il est trop peu mobilisé sur ce dossier et continue la défense classique de l’institution.

– Famille : la réponse de l’Eglise aux défis qui se posent à la famille moderne, et la façon de transmettre la foi à ceux qui ne sont pas « en règle », constituent la priorité numéro un du pape. Il y a consacré un consistoire et bientôt deux synodes (en octobre 2014 et en 2015).

Il a fait envoyer un questionnaire à tous les diocèses sans aucun sujet tabou: contraception, enfants de couples gays, cohabitation hors mariage, boom des divorces… Mais le pape, traditionnel sur la doctrine, ne prévoit aucun tournant à 180 degrés, notamment aucune reconnaissance pour les mariages gays.

– Divorcés remariés : l’interdiction qui leur est faite de communier à la messe est le premier chantier de ceux de la famille. Le pape a confié à un cardinal allemand, Walter Kasper, homme ouvert sur ces questions, le soin de dessiner des pistes. Le sacrement du mariage doit rester indissoluble mais un autre mariage pourrait être béni sans sacrement.

– Prêtres, religieux, religieuses: le pape veut relancer les vocations en chute, et estime que le clergé a été parfois abandonné, découragé par la hiérarchie. Le pape ne s’est jamais prononcé pour le mariage des prêtres.

– Lutte contre les privilèges, le cléricalisme, le carriérisme: quelques privilèges ont été réduits comme l’octroi des titres de monseigneur. Les prélats ont été exhortés à des styles de vie plus simples. La révolution de la « pauvreté » franciscaine voulue par François est plus dans les attitudes que dans les structures.

– Accent social : le pape met l’accent sur des thèmes sociaux et engage l’Eglise à avoir des positions en pointe: lutte contre toutes les formes d’exploitation, défense de l’immigration du Sud, lutte contre la « culture du déchet », critique du capitalisme ultralibéral.

Un an de François, souffle d’air frais et grincements de dents

En un an, le pape François a insufflé un courant d’air frais dans l’Eglise : sans révolutionner la doctrine, il a bousculé beaucoup d’habitudes. Un remue-ménage qui suscite inquiétudes et grincements de dents dans le système rigide du Vatican.

Le pape venu du bout du monde, élu le 13 mars 2013, à l’âge de 76 ans, a très vite conquis les fidèles, bien au delà de la place Saint-Pierre: simplicité, dépouillement, vœu que l’Eglise devienne plus pauvre, gestes familiers et chaleureux avec les gens ordinaires ont fait penser à beaucoup que l’Eglise changeait, suscitant d’énormes attentes.

Et d’abord parce qu’il était le premier pape de l’hémisphère sud, non européen, même s’il était Argentin d’origine italienne.

Un graffiti peint sur un mur de Rome montrant le pape François en superman a été twitté mardi par un compte Twitter du "ministère" des communications sociales du Vatican.  (Crédit : AFP/Tizinana Fabi)
Un graffiti peint sur un mur de Rome montrant le pape François en superman a été twitté mardi par un compte Twitter du « ministère » des communications sociales du Vatican.
(Crédit : AFP/Tizinana Fabi)

Un an après, l’Eglise ne s’est pas transformée, aucun dogme n’a été supprimé, les cérémonies solennelles se succèdent dans la basilique Saint-Pierre, selon un rythme immuable. Mais beaucoup a changé dans la manière : François a multiplié les gestes de spontanéité, il prend lui-même facilement la parole, accorde des interviews, libérant l’expression des fidèles.

Sa popularité, notamment sur les réseaux sociaux, est énorme, y compris dans les milieux non croyants. Sa formule « le pape est une personne normale » plaît. Marxiste, pro-gay, partisan des femmes prêtres et des curés mariés: tout a été écrit, sans aucun fondement.

Dans des catéchèses quotidiennes, avec des mots qui font mouche, il insiste sur « la miséricorde » pour toutes les personnes, appelant à éviter les jugements, les condamnations, et aussi les beaux discours théologiques loin des réalités. Il fustige les « évêques de salon » et le carriérisme.

Même si un grand respect mutuel et une bonne entente existent avec le pape émérite Benoît XVI, retiré dans un ancien monastère sur la colline du Vatican, le style de François est en parfait contraste avec lui. Son image énergique, tantôt grave et autoritaire, tantôt rieuse, s’impose dans les kiosques.

Les cartes postales du timide, sévère et fin théologien allemand ont été reléguées derrière celles de François et aussi du « géant » Jean Paul II, qui sera canonisé le 27 avril.

Le style de François et une certaine brusquerie dans le travail quotidien lui ont créé toutefois de solides inimitiés dans le petit monde feutré du Vatican: « certains pensent qu’il désacralise la fonction de pape, que le pape devient trop accessible, trop proche », selon Andrea Tornielli, coordinateur du site « Vatican Insider ».

Sandro Magister, vaticaniste de l’Espresso, lui reproche « d’éviter le conflit » sur des sujets comme l’avortement et l’euthanasie, « en disant les choses discrètement, au moment où elles ne créent pas de conflit ».

Ses interviews dans des journaux laïcs, où il a semblé parfois relativiser certaines visions catholiques, ont été critiqués par les traditionalistes.

Sa volonté de trouver des voies nouvelles, par exemple pour les divorcés remariés, avec le soutien de cardinaux ouverts comme l’Allemand Walter Kasper, a accentué un aspect novateur qui ne plaît pas à tous.

Réforme et évangélisation

Jorge Mario Bergoglio avait été largement élu par les cardinaux au Conclave sur deux mandats: réformer l’Eglise et son gouvernement central, et relancer l’élan missionnaire à une période de déchristianisation massive de l’Occident.

Il a commencé à remplir son premier mandat. N’épargnant pas les critiques contre la Curie, il a entamé une restructuration et a invité des cabinets d’audit privés pour vérifier ses comptes et ses méthodes de travail.

Son deuxième mandat, la nouvelle évangélisation, lui tient le plus à cœur. Selon lui, elle passe par la revitalisation de la famille chrétienne. Deux synodes lui seront consacrés.

Il a fait adresser un questionnaire sans tabous sur les évolutions de société (homosexualité, cohabitation hors mariage, divorces) et les réponses que l’Eglise doit leur donner. Une façon de reconnecter l’Eglise avec des franges de la société qui lui sont devenues étrangères.

Dans la lutte contre la pédophilie, le pape François suit les traces de Benoît XVI: la tolérance zéro et la lucidité sont prônées, des prêtres sont défroqués. Mais les associations de victimes lui reprochent de vouloir défendre la bonne réputation de l’Eglise.

Selon beaucoup d’experts, la force de François est cette sorte de fil direct qui le relie aux gens les plus simples, victimes de la mondialisation et à la recherche d’un sens à leur vie.

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