L’État veut remplacer les visites du CICR aux détenus palestiniens par une « tierce partie »
L'ACRI dénonce cette proposition et accuse le gouvernement de "contourner le droit international" en matière de supervision professionnelle et de neutralité
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le gouvernement a informé la Haute Cour de Justice qu’il était en train d’élaborer un nouveau mécanisme pour assurer les droits de visite et la représentation légale des prisonniers palestiniens détenus en Israël, afin de remplacer la Croix-Rouge.
Dans le cadre d’une nouvelle soumission à la Cour en réponse à une requête déposée en février par l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI), l’État a indiqué que, dans le cadre du nouvel arrangement, une « partie externe » serait désignée pour rendre visite aux prisonniers palestiniens, enregistrer les plaintes relatives à leurs conditions de détention et transmettre ces informations aux parties concernées, assurant ainsi la fonction de la Croix-Rouge.
La requête demandait à la Cour d’ordonner au gouvernement d’autoriser la Croix-Rouge à reprendre ses visites aux prisonniers palestiniens dans les prisons et les centres de détention de Tsahal pour toutes les catégories de prisonniers palestiniens, après la suspension de ces visites par le gouvernement à la suite des atrocités perpétrées par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre et du déclenchement de la guerre contre Gaza.
Depuis cette date, la Croix-Rouge, qui rendait régulièrement visite aux prisonniers palestiniens, n’a plus été autorisée à visiter les quelque 11 500 prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
Ceux-ci comptent 9 000 prisonniers condamnés pour des infractions sécuritaires ou placés en détention administrative pour de telles infractions sans avoir été jugés, 1 500 condamnés pénaux et détenus administratifs, ainsi que quelque 1 000 « combattants illégaux », c’est-à-dire des membres de groupes terroristes comme le Hamas ou autres, capturés en Israël le 7 octobre ou après cette date, ou à Gaza au cours de la campagne menée par Tsahal dans cette région.
À ce jour, l’État n’a pas expliqué à la Cour pourquoi les visites de la Croix-Rouge ont été interrompues, car il n’a pas encore soumis sa réponse aux requêtes. Il a bénéficié de plusieurs reports de la date butoir pour soumettre sa réponse, invoquant le besoin de temps supplémentaire pour formuler un nouveau système de visites aux prisonniers.
Le gouvernement et le Premier ministre Benjamin Netanyahu ont sévèrement critiqué la Croix-Rouge depuis le début de la guerre, en particulier son incapacité à obtenir un accès aux otages israéliens détenus par le Hamas et les civils palestiniens complices et à leur fournir des médicaments.
L’ACRI a critiqué la décision du gouvernement de remplacer la mission de la Croix-Rouge, arguant que le gouvernement « défie sciemment le droit international » et qu’un contrôle non gouvernemental « qualifié » des conditions de détention est essentiel.
La requête de la Croix-Rouge est l’une des deux requêtes déposées par l’ACRI en matière de protection des droits des prisonniers palestiniens, l’autre requête réclame la fermeture du centre de détention de Sde Teiman, où sont détenus des terroristes présumés. Ce centre a fait l’objet d’allégations d’abus généralisés, incluant l’utilisation extrême de contraintes physiques, des passages à tabac, des négligences médicales, des punitions arbitraires et d’autres violations.
Selon la réponse de l’État introduite mardi, le cabinet de sécurité aurait décidé fin avril de créer un nouveau système pour les visites et pour le transfert d’informations concernant les prisonniers palestiniens.
« Le mécanisme en cours d’élaboration devrait accomplir le rôle rempli jusqu’à présent par la Croix-Rouge, et désigner une partie tierce aux autorités gouvernementales qui sera autorisée à visiter les établissements pénitentiaires, à enregistrer les plaintes des prisonniers concernés et à transmettre des informations à leur sujet », a déclaré l’État à la Cour.
Dans sa réponse, l’État a indiqué que le nouveau système serait basé sur le cadre existant qui permettait les visites de la Croix-Rouge, notamment les méthodes de traitement des plaintes, l’établissement de la nature des visites, le transfert d’informations sur les visites aux parties concernées et la politique relative au type de prisonniers pouvant être visités.
L’ACRI a toutefois rejeté l’idée de remplacer la Croix-Rouge, insistant sur le fait qu’Israël ne pouvait pas « contourner les lois exigeant l’accès du CICR » et instituer son propre mécanisme, « outrepassant les réglementations internationales basées sur la surveillance professionnelle et la neutralité ».
Un avocat de l’ACRI a fait remarquer que le CICR remplissait la fonction de visite aux prisonniers palestiniens depuis plus de 50 ans, et a fait valoir que plusieurs milliers de prisonniers qui n’avaient rien à voir avec les événements du 7 octobre en subissaient les conséquences.
« Le gouvernement israélien défie sciemment le droit international et invente un mécanisme farfelu pour remplacer un dispositif accepté par le monde entier », a déclaré l’organisation mercredi.
« Alors que l’accès au CICR [Comité international de la Croix-Rouge] a été interrompu, des informations ont fait état de punitions collectives, de famine, de violence et de décès par dizaines de Palestiniens détenus par les Israéliens. Des témoignages de plus en plus nombreux révèlent qu’Israël a transformé ses centres de détention en un gouffre pour les prisonniers palestiniens qui y endurent des conditions épouvantables », a déclaré l’ACRI.
L’organisation a souligné que l’obligation de permettre à la Croix-Rouge de visiter les prisonniers palestiniens et de lui fournir des informations sur ces prisonniers « s’applique encore plus fortement en temps de guerre, lorsque le risque de violation des droits des détenus ennemis augmente ».