L’évêque épiscopalien du Missouri interdit les seders de la Pâque chrétienne
Le révérend Deon K. Johnson qualifie cette pratique, qui "contribue à l'objectivation de nos frères juifs", de "profondément problématique"
JTA – Depuis des années, un nombre croissant de Juifs émettent la même demande publique à l’approche de Pessah : « Chrétiens, veuillez ne pas organiser vos propres seders glorifiant Jésus ».
Aujourd’hui, certains membres du clergé chrétien transmettent ce même message à leurs fidèles. La semaine dernière, l’évêque épiscopalien du Missouri, le révérend Deon K. Johnson, a publié une lettre ouverte à son diocèse dans laquelle il déclare que les seders chrétiens sont « interdits » parce qu’ils favorisent le supersessionisme – ou la théologie de la substitution, c’est-à-dire la croyance selon laquelle les chrétiens ont supplanté ou remplacé les Juifs en tant que peuple choisi par Dieu.
Dans sa lettre, le révérend Johnson interdit explicitement à son diocèse « d’accueillir, d’organiser ou de célébrer des seders chrétiens ».
« À notre époque, la prolifération des seders chrétiens du jeudi saint a pris racine dans certaines parties de la chrétienté », a écrit Johnson, en référence au jeudi précédant Pâques, qui tombe cette année le 6 avril et commémore la dernière Cène de Jésus. « Le fait que des chrétiens célèbrent leur propre Haggadah en dehors de la pratique juive est profondément problématique et relève du supersessionisme dans sa vision théologique. Les communautés chrétiennes qui organisent des seders sont également problématiques car elles contribuent à l’objectivation de nos frères juifs. »
Les seders chrétiens sont liés à la notion populaire selon laquelle la dernière Cène était elle-même un seder, une croyance que les experts ont contestée parce que le seder tel que nous le connaissons a été développé des dizaines d’années après la mort de Jésus. « Pour dire les choses crûment, Jésus a évidemment célébré la Pâques, mais ni lui ni ses disciples n’ont jamais assisté à un seder, pas plus qu’ils n’ont conduit une voiture ou utilisé un téléphone portable », ont écrit les rabbins Yehiel Poupko et David Sandmel dans Christianity Today en 2017.
L’année dernière, l’évêque Jennifer Reddall du diocèse épiscopalien de l’Arizona a fait écho à cette idée lorsqu’elle a également mis en garde contre l’organisation de seders chrétiens.
« Jésus n’a pas mangé de soupe aux boulettes de matza ou de gefilte fish, ni chanté Dayenou, ni dit « l’an prochain à Jérusalem », a déclaré Reddall. « Pour Jésus, le seder aurait consisté en un agneau sacrifié au Temple et mangé à Jérusalem, et non en une poitrine de boeuf cuite à Nashville. »
Des photos de seders chrétiens diffusées sur les réseaux sociaux montrent des éléments qui n’auraient pas leur place dans un seder juif traditionnel, comme le pain ou des symboles chrétiens tels que la croix. De tels seders sont également organisés par les Juifs messianiques, un mouvement qui croit en la divinité de Jésus, qui a souvent des liens avec des organisations explicitement chrétiennes et qui est généralement considéré comme non juif par les groupes juifs contemporains.
Ces messages ont suscité des réactions négatives de la part de Juifs qui les considèrent comme un affront. « Jésus n’avait pas de seder, le christianisme n’est pas le judaïsme, veuillez nous respecter, nous et nos traditions », avait écrit sur Twitter, en 2020, la rabbin Danya Ruttenberg.
Et dans un message viral publié sur Facebook l’année dernière, Talia Liben Yarmush a écrit que les chrétiens devraient se sentir les bienvenus aux seders organisés par les Juifs, mais que l’organisation d’un seder chrétien « est une chose horrible à faire ».
« S’il vous plaît, ne le faites pas », a écrit Yarmush, « Vous avez vos propres fêtes. Vous avez des traditions riches et magnifiques. Je vous promets de les respecter. S’il vous plaît, rendez-moi la pareille. »