Levin convoque la commission de sélection des juges mais reporte le vote sur le président
Lors de la réunion, le ministre de la Justice s'est concentré sur des questions techniques sans procéder à un vote, ce qui lui a valu d'être accusé d'outrage à la Haute Cour
La réunion maintes fois reportée de la commission de sélection des juges s’est achevée jeudi sans vote pour élire un président permanent de la Cour suprême, le ministre de la Justice, Yariv Levin, ayant consacré la session à discuter de questions techniques relatives au vote sans pour autant y procéder.
Cela fait plus d’un an que le poste de président est vacant, depuis que l’ancienne présidente Esther Hayut a pris sa retraite en octobre 2023. Depuis, Levin a repoussé à plusieurs reprises la convocation de la commission et l’organisation d’un vote pour désigner un successeur. Sa conduite jeudi pourrait être perçue comme une violation d’une décision de la Haute Cour de justice, qui avait ordonné la sélection immédiate d’un nouveau président.
À la suite de la réunion, le Mouvement pour un gouvernement de qualité a déposé une plainte contre Levin pour outrage au tribunal, l’accusant d’avoir enfreint cet arrêt.
Au lieu de procéder au vote, Levin a consacré une grande partie de la réunion à réclamer une plus grande transparence dans le processus de sélection des juges. Il a également proposé que les futures réunions soient retransmises en direct, affirmant que « le public doit pouvoir juger de la manière dont les magistrats sont nommés en Israël ».
« Certains cherchent à dissimuler le processus, tandis que d’autres tentent de bloquer toute discussion publique sur l’aptitude des candidats », a-t-il déclaré. « Il n’est pas trop tard pour arrêter, renoncer à vos ordres et revenir sur la bonne voie. »
Levin avait initialement demandé que la réunion de jeudi soit retransmise en direct, mais il n’a pas obtenu les autorisations nécessaires.
Plusieurs médias, dont Haaretz et la Treizième chaîne, ont rapporté que Yariv Levin avait tenté de soumettre jeudi au vote la nomination du juge conservateur Noam Sohlberg au poste de vice-président. Cette démarche visait apparemment à faire de Sohlberg le président par intérim à la place d’Isaac Amit, en l’absence d’une nomination permanente. Cependant, cette proposition aurait été rejetée par d’autres membres de la commission et n’a finalement pas été soumise au vote.
Après la réunion, la députée Karine Elharrar (Yesh Atid) a critiqué la demande de transparence formulée par Yariv Levin, la qualifiant de manœuvre politique.
« Le ministre Levin a une fois de plus choisi de ne pas s’acquitter de son devoir de nommer un président de la Cour suprême et cherche à détourner l’attention par une provocation inutile », a-t-elle déclaré. « Consacrer une réunion entière à exiger la retransmission des délibérations de la commission n’est qu’une stratégie de diversion pour continuer à poursuivre ses efforts visant à modifier le régime et affaiblir le statut du pouvoir judiciaire. »
Levin, figure clé du Likud et principal artisan de l’effort de refonte du système judiciaire promue par le gouvernement, actuellement en grande partie au point mort, cherche à orienter la Cour dans une direction plus conservatrice. Il souhaite également empêcher l’élection du juge libéral Isaac Amit, qui semble pouvoir obtenir une majorité au sein de la commission.
Amit, actuellement président suppléant, est censé devenir président permanent en vertu du système d’ancienneté, qui prévoit que le juge siégeant depuis le plus longtemps est élu président.
Levin s’oppose à cette tradition et soutient que le système d’ancienneté est non contraignant sur le plan juridique. Il veut voir le juge conservateur Yosef Elron occuper le poste et a passé les 13 derniers mois à essayer d’empêcher la nomination d’Amit.
À l’issue de la réunion de jeudi, Eliad Shraga, président du Mouvement pour un gouvernement de qualité, a déclaré que Levin devrait être poursuivi pour outrage au tribunal.
« Nous sommes témoins d’une conduite sans précédent de la part du ministre de la Justice, qui a fait le choix conscient et délibéré de violer une décision explicite de la Cour suprême », a écrit Shraga. « Il s’agit d’une atteinte grave à l’État de droit et au principe fondamental de séparation des pouvoirs. »
La réunion de jeudi représente le dernier épisode d’une lutte continue menée par Levin contre la Cour.
En septembre, après des mois de retard, la Haute Cour a statué que Levin devait convoquer la commission de sélection des juges et procéder à l’élection d’un nouveau président pour la Cour suprême dans les plus brefs délais.
Dans ce qui semblait être une tentative délibérée de contourner cette décision, Levin avait nommé les 12 juges en exercice au poste de président de la Cour suprême, espérant ainsi retarder le processus en soumettant chaque candidature à un débat public. Cette initiative, largement critiquée, a finalement été abandonnée lorsque dix juges ont annoncé qu’ils ne souhaitaient pas être considérés comme candidats, ne laissant que Amit et Elron en lice.
Au début du mois, Levin avait accepté de se conformer aux exigences de la Haute Cour et fixé la date du jeudi 28 novembre pour la convocation de la commission et la conclusion du processus de nomination.
Cependant, il avait également annoncé, quelques jours avant la réunion, qu’il n’avait aucune intention de tenir le vote prévu ce jour-là.
Dans une lettre adressée aux membres de la commission de sélection des juges, Elron a justifié sa candidature à la présidence. Bien qu’il reconnaisse les mérites du système d’ancienneté, il considère que son expérience professionnelle et ses propositions pour améliorer le système judiciaire devraient prévaloir sur le choix d’Amit.
« Je n’ai jamais entrepris aucune démarche pour promouvoir ma candidature à ce poste », a écrit Elron. « Je n’ai jamais abordé cette question avec le ministre de la Justice, ni cherché à obtenir le soutien d’un quelconque responsable politique dans le cadre de cette nomination. En tant que juriste, je suis convaincu que la justice doit rester totalement distincte de la politique. »