Levin estime être le seul à pouvoir convoquer la commission de sélection des juges
Le ministre de la Justice a dit refuser de convoquer le panel parce qu'il veut donner une chance aux négociations avec l'opposition sur la refonte du système judiciaire
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Justice Yariv Levin a dit à la Haute cour, mercredi, qu’il était le seul à avoir le droit de convoquer la commission de sélection des juges, assurant que la Cour n’avait pas l’autorité nécessaire pour l’obliger à le faire.
Faisant part de son positionnement qui a été présenté dans sa réponse aux requêtes qui réclament à la Haute cour de donner l’ordre au ministre de réunir ce panel crucial, Levin a déclaré que sa capacité à rassembler la commission « fait partie intégrante de l’arrangement constitutionnel qui équilibre les pouvoirs entre les branches du gouvernement ». Il a ajouté, dans sa soumission, qu’une intervention de la Cour « porterait gravement atteinte au principe de séparation des pouvoirs ».
Le ministre de la Justice a aussi fait savoir que convoquer le panel à l’heure actuelle « porterait préjudice à la finalité de la loi » sur la nomination des juges dans la mesure où le faire ne déboucherait aujourd’hui sur aucune nomination de magistrat aux nombreux postes vacants qu’il y a dans les tribunaux, au sein de l’État juif. Il a évoqué, pour justifier son affirmation, les divisions politiques graves qui touchent le pays et la mise en danger des efforts livrés pour trouver un consensus le plus large possible sur la question de la composition du panel.
Levin refuserait de convoquer la Commission, selon de nombreux observateurs, en raison de son désir très controversé d’asseoir le contrôle du gouvernement sur les nominations judiciaires – ou, tout du moins, de renforcer le pouvoir de la coalition dans le panel de manière à nommer des juges conservateurs, qui seront moins enclins à mettre en difficulté les législations et les actions gouvernementales.
Levin a déclaré dans des entretiens avec les médias que le panel ne se réunirait pas tant que sa composition ne serait pas « appropriée ».
Cette question est au centre de la tempête politique qui s’abat sur le pays depuis maintenant huit mois.
La formation Yesh Atid et le Mouvement pour un gouvernement de qualité, en Israël, avaient déposé des requêtes devant la Haute-cour, demandant aux juges de donner l’ordre à Levin de convoquer la commission – elle est chargée de nommer tous les juges du pays – en disant que le ministre « n’a pas l’autorité nécessaire » pour refuser de le faire et que le comportement adopté par Levin s’apparentait à un abus d’autorité illégitime.
La procureure-générale Gali Baharav-Miara a refusé de défendre le positionnement du gouvernement devant la Cour, disant dans sa soumission à cette dernière que Levin était dans l’obligation de rassembler le panel. Le refus de le faire est une violation de son obligation d’utiliser ses compétences « en temps utile », a-t-elle affirmé dans son avis juridique, ce qui constitue une forme de droit de veto illégitime de sa part.

Yesh Atid a rejeté les affirmations faites mercredi par Levin dans sa réponse apportée aux requêtes déposées devant la Haute cour, disant que contrairement aux propos tenus par le ministre de la Justice, ce dernier ne s’intéressait guère à trouver une solution basée sur un « large consensus ». La faction a indiqué qu’il tentait de « duper » le tribunal.
De son côté, le Mouvement pour un gouvernement de qualité a accusé le ministre de la Justice de semer l’anarchie et de renforcer le fardeau déjà lourd qui pèse sur les tribunaux en refusant de désigner des juges qui occuperont les nombreux postes vacants dans le pays.
L’un des objectifs qui se trouvent au cœur du programme de refonte du système judiciaire de Levin est d’accorder au gouvernement un plus gros contrôle (voire le contrôle absolu) sur les nominations des juges en raison de sa conviction que le système judiciaire israélien – et les juges à la Cour suprême en particulier – sont trop libéraux, trop activistes et qu’ils ne représentent pas le public en général.
Levin a affirmé que « le ministre a l’autorité exclusive sur la convocation de la Commission. »
« Réunir la Commission de sélection judiciaire n’est pas une fin en soi. La finalité de la loi, c’est de nommer des juges. Après avoir réfléchi, le ministre a décidé que convoquer maintenant le panel (indépendamment de sa composition) ne permettra pas d’atteindre la finalité définie par la loi et ne mènera pas à la désignation de juges à l’heure actuelle », a noté la réponse.
« Le contraire est aussi vrai. Rassembler la Commission maintenant, malgré la querelle profonde qui agite le pays et alors qu’une négociation constitutionnelle est en cours sur ce sujet même, serait contreproductif et retarderait pendant une longue période la nomination de magistrats ».
La Commission de sélection judiciaire est actuellement formée de neuf membres – avec notamment deux ministres, un député de la coalition, un député de l’opposition, deux représentants de l’Association israélienne du barreau et deux magistrats de la Cour suprême.

Un candidat doit réunir cinq votes pour être nommé dans une juridiction ordinaire et sept votes pour être autorisé à siéger à la Cour suprême.
« L’autorité du ministre en matière d’évaluation, et son droit à prendre la décision, au moment approprié, de rassembler la Commission font partie intégrante de l’arrangement constitutionnel établi par la Knesset dans son rôle d’autorité constituante », a maintenu Levin.
« Ces requêtes ne sont rien d’autre, pour les plaignants, qu’une façon de demander l’intervention de la Cour dans l’équilibre constitutionnel établi par les Lois fondamentales, remplaçant la capacité de décision du ministre par celle de la Cour ».
Le leader de l’opposition qui est aussi le président de Yesh Atid, le député Yair Lapid, a rejeté l’idée que, comme l’a affirmé Levin, le ministre de la Justice reportait la convocation de la Commission dans l’attente de trouver un accord avec l’opposition dans le cadre de négociations.
« Levin a été le premier à rejeter tout de go la proposition de compromis judiciaire présentée par le président. Il a déjoué toutes les tentatives visant à trouver un accord le plus large possible. Il sait pertinemment qu’il n’y a actuellement pas de pourparlers à la résidence du président mais dans sa réponse au tribunal, il cite des discussions qui n’existent pas et un dialogue qu’il a lui-même empêché », a commenté Lapid.
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité a estimé que le refus de Levin de réunir la Commission de sélection des juges portait avant tout atteinte aux citoyens dont les affaires traînent devant les tribunaux, faute de magistrats.
« Le ministre de la Justice abuse de son autorité pour des considérations politiques personnelles », a déploré l’organisation.
« Le ministre de la Justice crée un climat d’anarchie en Israël… Avec chaque jour qui passe sans convocation de la Commission chargée de nommer les juges à leur poste, le fardeau qui pèse sur les tribunaux devient plus lourd, portant préjudice aux citoyens du pays ».
La semaine dernière, la procureure-générale avait pointé du doigt la charge énorme pensant sur les tribunaux et les quelques dizaines de postes de magistrats vacants qu’il y aura en Israël d’ici la fin de l’année, dans l’avis juridique où elle se positionnait sur la question et où elle faisait part de la nécessité, pour Levin, de réunir le panel immédiatement.