La famille d’Abu Hamid, dont la maison a été détruite par l’armée israélienne tôt samedi, participe depuis très longtemps à des attaques menées contre des forces de sécurité israéliennes.
En 1991, l’armée israélienne a détruit la maison de la famille dans le camp de réfugiés d’al-Amari situé à proximité de Ramallah après l’implication d’un de frères – Nasser, un membre du Fatah – dans un acte terroriste. La maison a ensuite été reconstruite… avant d’être à nouveau démolie samedi.
En 1994, un autre frère, Abdul Munim Abu Hamid, avec deux autres membres du Hamas, ont tué Noam Cohen, un agent du Shin Bet. Abdul a lui-même été tué quelques mois plus tard.
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Le 6 juin 2018, les troupes israéliennes arrêtent un Palestinien soupçonné d’avoir tué un soldat de l’armée de défense israélienne en ayant jeté une plaque de pierre sur sa tête dans le camp de réfugiés d’al-Amari à Ramallah le mois précédent. (Capture d’écran: Forces de défense israéliennes)
A sa libération de prison, Nasser Abu Hamid est devenu un des fondateurs des brigades des Martyrs d’Al-Aqsa du Fatah au début de la Deuxième Intifada. En avril 2002 il a été arrêté par Tsahal lors de l’opération Bordure protectrice, non loin de la maison de la famille.
D’autres frères ont aussi passé du temps dans des prisons israéliennes au fil du temps, parmi eux, Islam Yousef Abu Hamid.
Lors d’une opération de l’unité d’élite Duvdevan à al-Amari en mai, il a jeté un bloc de marbre depuis un toit sur des forces israéliennes, tuant le sergent Ronen Lubarsky – ce qui a conduit à la démolition de la maison de la famille tôt samedi.
Le bruit et la fureur
L’histoire de la famille montre que les démolitions de maisons ont, malheureusement, très peu de chances de dissuader des terroristes en puissance.
Même si certains pensent que détruire les maisons des terroristes constitue une solution efficace pour empêcher le terrorisme, le cas de la famille Abu Hamid montre que non seulement les démolitions n’empêchent pas les attaques – mais elles peuvent parfois même nourrir le sentiment de vengeance.
La maison d’Abu Hamid a été reconstruite en quelques années, probablement avec le financement de l’Autorité palestinienne, comme l’a affirmé un des responsables du Fatah.
Même si l’argent du Fatah n’est pas disponible, quelqu’un autre – peut-être le Hamas – donnera les fonds.
De la fumée s’élève d’une maison appartenant à un Palestinien inculpé pour le meurtre d’un soldat israélien dans le camp de réfugiés d’al-Amari après son explosion par les militaires, le 15 décembre 2018 (Crédit : Abbas Momani/AFP)
Il n’y a pas de solution miracle pour empêcher les attaques sur des citoyens et des soldats israéliens. Si quelqu’un vous affirme que les démolitions de maisons sont le moyen ultime pour empêcher le terrorisme, soit cette personne se trompe, soit elle vous trompe délibérément. Certes, c’est un excellent moyen de soulager les familles des victimes et le public israélien qui réclame vengeance, mais cela ne sert à rien d’autre.
Au plus fort de la vague d’attentats suicide en 2003, trois ans après le début de la Deuxième Intifada, un rapport a été produit par Tsahal sur la politique de destruction de maisons. La pratique qui avait reçu un feu vert officiel à l’été 2002. Des centaines de maisons de familles de terroristes ont depuis lors été détruites.
Le rapport affirmait qu’il n’y avait pas de preuves que les démolitions avaient un effet dissuasif. En outre, le nombre d’attaques a augmenté quelques mois après la mise en place de cette politique.
Début 2005, un comité nommé par le chef de l’armée de l’époque Moshe Yaalon et dirigé par le général Udi Shani a recommandé de mettre un terme à la pratique de destruction. Selon le comité, non seulement cette mesure n’avait pas d’effet dissuasif, mais en plus elle présentait plus d’inconvénients que d’avantages.
Un calme trompeur
Si cette réalité est regrettable et si la population et les politiciens israéliens ont soif de justice, les attaques comme celle perpétrées par Abu Hamid – et celles en Cisjordanie cette semaine – continueront quelles que soient les sanctions israéliennes, tant que le statut quo soutenu par le gouvernement israélien persistera.
Les attaques terroristes se sont produites sous des gouvernements de gauche comme de droite, et la situation actuelle en Cisjordanie montre qu’elles ne sont pas prêtes de s’arrêter.
Des soldats, des responsables médicaux et des policiers israéliens inspectent les lieux d’un attentat terroriste près de Givat Assaf, en Cisjordanie centrale, le 13 décembre 2018. (Hadas Parush/Flash90)
Tandis que les Israéliens se sont habitués, au cours des dernières années, à un nombre assez limité d’attaques, la lave du volcan de Cisjordanie continue de bouillonner en dessous de la surface. Le Shin Bet et Tsahal peuvent en attester : ils ont empêché des centaines d’attaques l’année dernière, parfois en coopération étroite avec les services de sécurité de l’Autorité palestinienne.
Tout le problème vient du fait qu’il n’est jamais vraiment possible de savoir quand un volcan va entrer en éruption, et une fois qu’il le fait, il est incoyable difficile d’éteindre les flammes. Même le Shin Bet, qui dispose d’un excellent réseau de renseignements en Cisjordanie, aura du mal à arrêter l’éruption une fois qu’elle sera lancée.
L’ennemi public numéro un
En plus de la demande croissante pour des démolitions de maisons, on entend aussi des appels à tenir l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas responsable pour la situation actuelle. Certains groupes extrêmes ont même appelé à l’assassiner à travers une campagne dénoncée par Washington.
Si Abbas est en effet responsable du paiement de salaires aux familles de terroristes, il le fait tout en aidant à contrecarrer des attaques.
Des Israéliens de droite lors d’une manifestation aux abords de la résidence du Premier ministre à Jérusalem, le 13 décembre 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Son retrait ne calmera pas la situation sur le terrain, mais ce sera plutôt l’effet inverse. On devrait probablement redouter une conflagration quand il va quitter la scène politique.
Dans ce contexte, il est impossible d’ignorer les politiques israéliennes vis-à-vis du Hamas, comme celle de permettre le transfert indirect de fonds du Qatar à son aile armée – la même aile armée qui établit des cellules terroristes en Cisjordanie et assassine des Israéliens.
Dans un contexte aussi absurde, il ne faut peut-être pas s’étonner d’un changement de point de vue en Cisjordanie. Le choix politique d’Israël de ne pas dialoguer avec l’Autorité palestinienne reconnue internationalement mais de tenir des négociations indirectes avec le Hamas contribue à renforcer une idée ancrée depuis longtemps dans la tête des Palestiniens : les Juifs, conduits par le gouvernement de Netanyahu, comprennent uniquement le langage de la force.