L’exposition « Fake News » du musée de Haïfa ou la création de réalités factices
La superstar britannique Damien Hirst et 48 autres artistes ont travaillé sur le thème de la vérité douteuse

Sur trois étages de galeries, « Fake News », la nouvelle exposition du musée d’Art de Haïfa, explore la définition des mots information, vérité et réalisme à l’ère du président américain Donald Trump.
« Donald Trump est notre tête d’affiche, il est l’exemple ultime de la fausse vérité, des faits alternatifs », a indiqué Svetlana Reingold, curatrice en chef du musée.
Le président américain a utilisé de façon répétée le terme « fake news » (infox, en français) pour décrire les informations diffusées par certains médias en particulier et les médias eux-mêmes.
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« Nous vivons quelque chose qui aurait pu se produire avant », estime Svetlana Reingold. « Toute cette époque de fake news, de réseaux sociaux et de leurs effets ont modifié le concept d’information. C’est un état d’esprit qui n’existait pas auparavant ».
Une ère dans laquelle « deux plus deux égal quatre, mais pourrait aussi être égal à cinq », ajoute-t-elle.
L’exposition, qui a ouvert ses portes le 30 mars, a donné l’opportunité à 48 artistes israéliens et du monde entier de créer une réalité — ou une œuvre qui met en avant un mensonge basé sur la réalité — explique la curatrice.
Au dernier étage, 15 œuvres du célèbre artiste britannique Damien Hirst incarnent la création artistique reposant sur une réalité douteuse. Celui-ci a prêté volontiers ses sculptures au musée, souligne Svetlana Reingold.
L’œuvre “Jesslyn Fax Stories” de Josyane Vanounou et Dov Or Ner, une impression géante sur canevas de dizaines de couvertures du magazine Time datant des années 60 et 70 représentant des dirigeants internationaux ouvre l’exposition. Son titre fait référence à l’actrice ayant joué dans « Fenêtre sur cour » d’Alfred Hitchcock, ainsi qu’au fax qui permet la reproduction de textes.

En haut, les photographies entaillées de l’artiste américain Karl Haendal insinuent ce qui est intentionnellement délaissé dans les photographies ou les articles de presse, orientant ainsi les spectateurs et lecteurs vers un fragment de l’information rapportée plutôt que vers l’intégralité des faits. Parmi les clichés figuraient une image du Printemps arabe égyptien, dans l’œuvre « Printemps arabe n°2 » datant de 2013, et une photo de Gorbatchev dans une publicité pour Louis Vuitton, sur laquelle l’ancien président russe est assis dans une voiture où se trouve un sac de la marque française sur le siège arrière.
Les artistes Tsila Hassine et Carmel Barnea Brezner Jonas ont créé pour l’occasion « Faux truisme », une bobine de papier thermique produisant des vérités et reproduisant l’activité d’une salle de rédaction. Pour cela, elles ont utilisé une imprimante reliée à un moteur de recherche qui n’imprime que des articles contenant le terme « fake truth » (fausse vérité), a expliqué Tsila Hassine, et l’impression disparaîtra en août en raison de la nature du papier sur laquelle elle sort.

La galerie Overload accueille une série d’œuvres d’artistes israéliens présentant un regard subtil sur les conséquences des infox.
Les bouches sculptées réalistes de Ronit Barnega dans son œuvre « Les murs parleront » sont collées dans le coin d’une galerie aux murs, certains par grappe, et d’autres isolées dans un coin, rappelant aux visiteurs que les gens trop bavards peuvent mentir.
Ronit Barnega avait commencé par faire un moule de sa bouche dans son studio de Zichron Yaakov.
« Je l’aurais étendu dans tout le musée si j’avais eu le droit, » a indiqué l’artiste.
Le triptyque « Un jour » d’Alon Kedem contient trois peintures gigantesques s’avérant être une explosion de bouts d’ordinateur, mais peints dans des couleurs criardes faisant penser à un puzzle, plutôt qu’à quelque chose de malveillant.
« Il n’y a pas de hiérarchie, tout peut être tout », pour Alon Kedem. « C’est un portrait d’intention » — peut-être d’internet, ou des réseaux sociaux, qui vole en éclat.
Toute une galerie est dédiée à la politique israélienne et à sa collection de fausses vérités telles que définies par les artistes dans une série d’œuvres, comprenant vidéos, photographies, impressions et sculpture.
Enfin, au dernier étage, les visiteurs pourront observer le travail de Damien Hirst — les « trésors retrouvés » d’une épave de bateau sauvée dans l’océan indien, un sauvetage qu’il aurait financé.
Les sculptures, cependant, ne sont pas des trésors disparus il y a longtemps dans les profondeurs marines. On trouve en effet une sculpture de Mickey Mouse incrustée dans du corail et des coquillages : plusieurs sculptures en or massif, dont un singe et Méduse, des serpents enroulés autour de la tête ; et un long morceau de basalte sculptant un corps féminin.
Damien Hirst avait initialement créé ces œuvres pour l’édition 2017 de la Biennale de Venise, qui a fait l’objet d’un documentaire Netflix « Treasures from the Wreck of the Unbelievable, » (« Trésors de l’épave de l’incroyable ») qui chronique l’histoire fictive derrière l’exposition vénitienne de l’artiste.
Le film et l’exposition laissent entendre qu’il s’agissait de la présentation en exclusivité d’un trésor disparu découvert par une équipe d’archéologues et de plongeurs au large de l’est de l’Afrique. Les objets y sont présentés comme datant du premier au deuxième siècle de l’ère commune et appartenant à un ancien esclave devenu incroyablement riche, nommé Cif Amotan II, soit un anagramme de « I am fiction » (Je suis fictif).
Le documentaire Netflix suit une équipe de chercheurs partant identifier le navire d’Amotan dans les profondeurs de l’océan indien. Ils avaient pour cela besoin d’un bienfaiteur, et qui mieux pour cela que l’incroyablement riche et excentrique artiste, Damien Hirst.
Cette exposition (qui se déroule jusqu’au 1er septembre) — ainsi que la fiction qui l’accompagne — faisait office de retour sur le devant de la scène pour lui.
Pour le musée d’Art de Haïfa, l’œuvre atteint son objectif en rapatriant le message d’artistes ayant créé une réalité, souvent basée sur des fake news.
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