L’extrême-gauche européenne normalise l’antisémitisme – enquête co-écrite par l’ADL
Eclipsés par l'hostilité des néo-nazis, les radicaux de l'autre côté du fossé politique font passer la haine des Juifs dans le courant dominant, selon l'ADL et ses 4 partenaires européens
L’entrée d’un parti d’extrême gauche au gouvernement en Espagne permet à l’antisémitisme de revenir sur les plateformes classiques, a déclaré mardi l’Anti-Defamation League (ADL).
Cette affirmation figure dans un rapport sur l’antisémitisme de gauche publié par l’ADL et des organisations partenaires en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne.
Cette enquête se concentre sur un phénomène qui est souvent éclipsé dans les rapports sur l’antisémitisme en Europe, que beaucoup associent principalement aux néo-fascistes.
Dans la section consacrée à l’Espagne, l’ADL a pointé du doigt Podemos, qu’elle a qualifié de « parti néo-marxiste radical », ainsi que ses « associés communistes ». La coalition de 2020 a permis à Podemos d’entrer au gouvernement, ce qui a « perturbé l’exclusion de l’antisémitisme des plateformes principales de l’après-guerre, et l’antisémitisme fait maintenant des incursions dans les partis indépendantistes basque et catalan », selon le rapport.
ACOM, un groupe pro-Israël en Espagne qui est un partenaire local de l’ADL, a écrit dans le rapport « qu’il y a 60 ans, avant l’ère démocratique, l’antisémitisme avait conservé ses formes classiques et était clairement un problème de droite en Espagne, comme dans le reste de l’Europe. Aujourd’hui, l’antisémitisme anti-Israël de la gauche politique représente la part écrasante de l’antisémitisme, tandis que la droite espagnole est presque entièrement pro-Israël et se prémunit contre l’antisémitisme ».
Podemos a été au centre de nombreux scandales liés à l’antisémitisme, notamment suite à l’affirmation de Sonia Vivas, une politicienne de Podemos, en 2020 selon laquelle les Juifs devraient être tenus pour responsables du soutien apporté au gouvernement d’Israël, qui, selon elle, « viole constamment les droits fondamentaux des Palestiniens ».
Au Royaume-Uni, l’ancien chef du parti Labour, Jeremy Corbyn, a signalé aux antisémites de l’aile gauche de l’establishment politique qu’ils étaient les bienvenus dans le parti, a écrit le groupe de veille de l’antisémitisme du Community Security Trust (CST) dans le rapport co-écrit avec l’ADL. Mais Keir Starmer, son successeur, a pris des mesures significatives pour inverser cette tendance, ont précisé les auteurs.
En France, le politicien d’extrême-gauche Jean-Luc Mélenchon exploite et intègre l’antisémitisme, selon K., le magazine juif français basé à Paris qui a rédigé la partie du rapport de l’ADL consacrée à la France.
Mélenchon a fait de nombreuses déclarations largement condamnées comme étant antisémites. En 2019, il avait juré de ne jamais accéder aux « diktats arrogants » du CRIF, l’organisation qui chapeaute les communautés juives de France. En 2014, il avait défendu les Arabes qui avaient pris d’assaut et incendié des synagogues en France et avait qualifié les partisans juifs d’Israël de « citoyens qui ont décidé de se rassembler devant l’ambassade d’un pays étranger ou de servir son drapeau, l’arme à la main ».
En Allemagne, « les débats de la gauche politique normalisent l’antisémitisme et modifient la ligne de base », écrit Amadeu Antonio Stiftung, un groupe de lutte contre la discrimination, dans la partie du rapport de l’ADL consacrée à ce pays. Ce qui était « considérée comme une position extrémiste il y a quelques années est aujourd’hui une opinion centriste dans le discours général ».
La communauté juive américaine a beaucoup à apprendre de l’expérience des communautés juives d’Europe, a expliqué l’ADL. « La rhétorique et la terminologie anti-sionistes populaires dans les cercles de la gauche européenne sont de plus en plus utilisées par certains cercles de l’extrême-gauche politique américaine. »
Le rapport d’enquête rappelle comment, dans une lettre datant de 2021, la représentante démocrate Rashida Tlaib et plusieurs autres membres du Congrès avaient qualifié les politiques d’Israël en Cisjordanie de « colonialisme de peuplement », un langage qui cherche à assimiler Israël aux politiques colonialistes des gouvernements européens et à qualifier « les Palestiniens de seule population autochtone », tentant ainsi de « cimenter l’idée que les Juifs n’ont aucun droit sur cette terre et n’y ont pas d’histoire ».