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Nécrologie

L’héritage flou, névrosé et indubitablement juif du dessinateur Ed Koren

Décédé ce mois-ci à l'âge de 87 ans, Ed Koren a publié plus de 1 000 dessins instantanément reconnaissables dans le New Yorker au cours d'une carrière de six décennies

Ed Koren, caricaturiste légendaire, est décédé à l'âge de 87 ans le 14 avril 2023. (Crédit : Capture d'écran YouTube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Ed Koren, caricaturiste légendaire, est décédé à l'âge de 87 ans le 14 avril 2023. (Crédit : Capture d'écran YouTube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

JTA – L’autre jour, j’étais dans un restaurant chinois casher et j’ai remarqué un homme blanc d’un certain âge qui se délectait seul devant son plat. Il avait une barbe blanche ébouriffée et des cheveux blancs hirsutes cachés sous une casquette sur laquelle on pouvait lire « You had me at coffee » (« Vous m’avez eu avec le café »). Il ressemblait à un ancien professeur du City College qui profitait pleinement de sa retraite.

En d’autres termes, il ressemblait à une caricature d’Ed Koren.

Décédé vendredi dernier à l’âge de 87 ans, Ed Koren a publié plus de 1 000 dessins dans le magazine The New Yorker dès 1962. Ses dessins étaient immédiatement reconnaissables : ils mettaient en scène des personnes floues, bosselées et à gros nez qui ressemblaient vaguement à de gentils animaux, et des animaux flous, bosselés et à gros nez qui ressemblaient vaguement à d’aimables humains.

Ses thèmes de prédilection étaient également récurrents : des personnages de la classe moyenne, légèrement névrosés, dont les difficultés sont aussi mineures que familières pour les lecteurs cibles du New Yorker. Dans l’un de ses dessins, qui se déroule dans un restaurant, un couple bien habillé est interrompu au milieu du repas par une serveuse : « Nous pensons qu’il est extrêmement important que vous rencontriez les personnes responsables de la nourriture que vous mangez ce soir ». Derrière elle se trouve une foule d’agriculteurs, une dinde et une vache.

Dans une autre scène, située dans une cour de récréation, une petite fille mange un énorme cornet de glace. « Mes parents ont décriminalisé le sucre », dit-elle à ses amis.

Le New York Times, à l’occasion d’une exposition de ses œuvres, l’a décrit comme le « poète officiel » de l’Upper West Side de Manhattan. Le même article décrivait également le quartier comme « la maison des libéraux suréduqués, à l’aise mais pas super riches, et des psychothérapeutes qui traitent leurs névroses de la vie quotidienne ».

Les livres d’Ed Koren reprenant une grande partie des plus de 1 000 dessins humoristiques qu’il a publiés dans le New Yorker au cours d’une carrière de six décennies. (Crédit : Image de Mollie Suss via JTA)

J’hésite à attribuer une intention juive à des artistes ou des écrivains qui n’ont pas fait grand cas de leur propre identité juive, mais de nombreux personnages de Koren semblaient juifs, même s’il ne le disait pas. Et Koren, né de parents juifs à Manhattan le 13 décembre 1935, semble ne jamais l’avoir dit. Les quelques références à ses origines juives que j’ai trouvées proviennent de ses amis, comme Ben Cohen de Ben and Jerry’s, qui a déclaré un jour à un journal : « Comme Ed, je suis un Juif de la banlieue de New York ». (Koren a grandi à Mount Vernon, dans le comté de Westchester).

Au lieu de cela, ses personnages évoluent dans un monde défini par les éléments caractéristiques du New-Yorker blanc, laïc et de classe moyenne supérieure : des sacs fourre-tout de Zabar, des restaurants chics, des appartements surchargés, des parents attentifs, des animaux de compagnie choyés. Le quartier n’est pas explicitement juif, mais il l’est indubitablement, comme l’Upper West Side lui-même.

Koren a fréquenté l’école Horace Mann dans le Bronx et a édité le Jester, le magazine humoristique étudiant du Columbia College. Après avoir obtenu son diplôme, il a fait des petits boulots, puis a obtenu une maîtrise en beaux-arts à Pratt et a enseigné la gravure, le dessin et la conception à l’université Brown pendant 13 ans. Lorsqu’il ne dessinait pas de bandes dessinées (« Honnêtement, je n’aurais pas pu survivre en tant que dessinateur », avait-il expliqué un jour), il faisait des illustrations pour d’autres magazines, des livres et des annonceurs, et réalisait des gravures qui étaient présentées dans des galeries d’art.

Il s’est installé à plein temps dans le Vermont en 1982, mais même ses bandes dessinées se déroulant à la campagne mettent souvent en scène des citadins qui s’adaptent – maladroitement – à la vie rurale. (Un couple de randonneurs est coincé dans un arbre tandis qu’un couple d’animaux à fourrure secoue le tronc. L’homme dit à la femme : « Dis-leur à quel point nous avons travaillé dur pour protéger leur habitat »).

Malgré ses déménagements, les dessins de Koren continuent de prendre vie sur l’avenue Amsterdam et dans le parc Riverside. Des pères barbus et âgés poussent des enfants en bas âge dans des poussettes. Des femmes à l’allure vaguement bohémienne promènent des chiens qui leur ressemblent. De précoces bambins pensent déjà à leurs dissertations pour l’université.

« D’une drôle de façon, je suppose que je suis un historien social. Ou, d’un autre point de vue, un anthropologue de salon », a déclaré Koren lors d’une interview en 2012. « Ce que je trouve drôle, c’est la façon dont les gens mènent leur vie – les choses absurdes et stupides qu’ils font sans réfléchir, sans penser, intensément, sans humour. Toutes ces choses m’intriguent. C’est un puits inépuisable de plaisir et d’absurdité. »

Tout cela pour dire que certaines personnes contribuent à la compréhension que les Juifs ont d’eux-mêmes sans, comme Koren, porter leur judéité sur leurs épaules ou d’une quelconque façon. J’ai récemment couvert une exposition de fonds yiddish de la bibliothèque du Séminaire théologique juif. On y trouve des bandes dessinées qui montrent les immigrants juifs tels qu’ils étaient au début du XXe siècle : colporteurs, rabbins, cordonniers, tailleurs. Peut-être que dans 100 ans, certains types de Juifs new-yorkais de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle seront représentés par une bande dessinée d’Ed Koren.

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