L’homme qui raconte la guerre contre le Hamas aux Israéliens
Daniel Hagari est un ancien commando marine, ayant servi puis dirigé l'unité d'élite Shayetet 13, l'une des plus secrètes de l'armée
Tous les soirs depuis le 7 octobre, sa silhouette vêtue de kaki apparaît sur les écrans des Israéliens : Daniel Hagari, porte-parole de l’armée, est devenu le visage de la guerre menée contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Son récit quotidien des opérations menées par l’armée contre le groupe terroriste palestinien est devenu un rituel suivi par la presse internationale et des millions d’Israéliens : une allocution filmée d’une vingtaine de minutes suivie de questions de la presse.
Dans un conflit où, plus peut-être que partout ailleurs, les images et les mots ont pris une place prépondérante, chaque intervention de Daniel Hagari est scrutée à la loupe.
Se retrouver sous le feu des projecteurs semblait contre-nature pour cet ancien commando marine, ayant servi puis dirigé l’unité d’élite Shayetet 13, l’une des plus secrètes de l’armée, réputée pour ses opérations à haut risque de contre-terrorisme et de sabotage.
En 2020, ses services lui avaient même valu une citation. Face aux médias, l’officier de 47 ans mène une mission tout aussi délicate.
Il doit rassurer une opinion publique traumatisée par les attaques du Hamas. Et convaincre une communauté internationale inquiète des pertes de civils dans l’enclave depuis la riposte d’Israël pour « éradiquer » le mouvement terroriste islamiste palestinien, accusé d’utiliser la population en boucliers humains.
C’est donc bien à Daniel Hagari qu’est revenu, le 7 octobre, la charge d’annoncer aux Israéliens l’impensable, survenu dans le sud du pays quelques heures plus tôt, quand les terroristes du Hamas et des civils gazaouis ont franchi la barrière séparant Israël de Gaza, provoqué un bain de sang et kidnappé quelque 240 personnes.
Une attaque sans précédent depuis la création de l’État d’Israël en 1948, qui a fait 1 200 morts, en majorité des civils tués ce jour-là, selon les autorités israéliennes.
Lors de sa prise de fonction, fin mars, le porte-parole s’était fixé un objectif titanesque : « renforcer la confiance du public dans l’armée israélienne et sa légitimité internationale ».
Sur la scène nationale, le pari semble gagné.
Selon un récent sondage de l’université Bar-Ilan de Tel Aviv, 73,7 % des personnes interrogées déclarent que le porte-parole de Tsahal, l’acronyme en hébreu qui désigne les forces de défense israéliennes, est la source d’information la plus fiable sur le conflit.
Ils sont moins de 4 % à désigner le Premier ministre, Benjamin Netanyahu.
Le contre-amiral à la posture un peu raide, béret coincé sous l’épaulière, « comble un vide », estime Jérôme Bourdon, sociologue et professeur de l’université de Tel Aviv.
« Dans un contexte où la capacité de l’État à communiquer avec ses propres citoyens est réduite à néant car l’État fonctionne très mal, il porte la voix d’une institution dont les Israéliens ont l’impression qu’elle tient le coup. »
Il est également connecté hors de la sphère militaire, après être passé par le cabinet de deux anciens chefs d’état major de l’armée israélienne qui se sont lancés en politique, notamment Benny Gantz, aujourd’hui membre du cabinet de guerre.
Son parcours lui a « permis de travailler avec le gouvernement, la Knesset, la presse étrangère », notait récemment dans le journal Haaretz un de ces prédécesseurs, Avi Benayahu.
Mais au-delà d’Israël, Daniel Hagari en appelle aussi « aux yeux du monde », qu’il veut convaincre que le Hamas fait une « utilisation cynique des hôpitaux de Gaza pour dissimuler son infrastructure terroriste ». Et que les frappes d’Israël contre le Hamas sont légitimes.
Cartes, images satellites, enregistrements sonores, vidéos : le porte-parole déploie chaque soir une panoplie d’outils pour appuyer son propos.
Le 14 novembre, il a même remis la tenue de combat pour se présenter, arme à l’épaule, sur le théâtre des combats à Gaza. Le but : présenter le sous-sol d’un hôpital de la ville qui aurait été utilisé par le Hamas pour cacher des armes et sans doute détenir des otages.