Libération et RSF annulent la vente à cause du retrait de la Une sur le terroriste palestinien
La maison de vente Artcurial accède à la demande de l'ambassade d'Israël de retirer la Une d'Ernest Pignon-Ernest
Le quotidien français Libération et l’ONG Reporters sans frontières ont affirmé jeudi avoir renoncé à une vente aux enchères prévue le 27 janvier de Unes du journal revisitées par des artistes, refusant le retrait d’une des Unes demandé par l’ambassade d’Israël en France.
La Une incriminée est celle d’un numéro de Libération datant de 2004 qui annonçait l’enterrement de Yasser Arafat, symbolisé par un keffieh avec le titre « Et maintenant ? ». Ernest Pignon-Ernest y a ajouté le visage du terroriste palestinien incarcéré Marwan Barghouti avec pour commentaire : « En 1980, quand j’ai dessiné Mandela, on m’a dit qu’il était terroriste ».
Né en 1959 près de Ramallah, Barghouti est engagé depuis son plus jeune âge auprès du Fatah, il se fait arrêter une première fois par Israël à 18 ans. Il est considéré comme l’un des principaux meneurs de la première Intifada en 1987, année durant laquelle il sera expulsé en Jordanie. Il reviendra en Israël qu’après la signature des accords d’Oslo en 1994.
Il participe à la seconde Intifada en tant que chef du Tanzim, la branche armée du Fatah. Il deviendra l’homme le plus recherché d’Israël.
Barghouti est condamné en 2004 pour cinq meurtres et tentatives de meurtres dans une entreprise terroriste sous son commandement, y compris pour avoir autorisé et organisé l’attentat du Sea Food Market à Tel Aviv dans lequel trois civils furent tués.
Marwan Barghouti, condamné à perpétuité par la justice israélienne, est devenu pour les Palestiniens l’une des figures de la ‘résistance à l’occupation israélienne’.
Reprochant à Ernest Pignon-Ernest cette comparaison malvenue et fausse avec Nelson Mandela, confondant l’histoire de l’Afrique du Sud à celle d’Israël, l’ambassade d’Israël en France a demandé à la maison Artcurial, qui organisait la vente, de retirer cette pièce.
« Ce portrait met aux enchères un projet terroriste, là où l’on cherche à faire croire qu’il s’agirait d’un homme de paix », écrit l’ambassade dans un courrier consulté par l’AFP.
Artcurial a accepté la demande de retrait de Une et l’a transmise à Libération et RSF, qui ont refusé, préférant reporter la vente et trouver un autre organisateur.
« Dans le contexte des récents attentats et de la prorogation de l’état d’urgence », le maintien dans la vente de cette pièce constituerait une « source potentielle de trouble à l’ordre public », a déclaré Francois Tajan, président délégué d’Artcurial, à l’AFP.
« Dans ces conditions, cette œuvre ne sera pas présentée à la vente », indique Artcurial, précisant que ce retrait ne portait « aucun jugement sur l’œuvre elle-même ».
Pour RSF comme pour Libération, la vente, qui était prévue le 27 janvier, est « annulée ».
« Une solution alternative est à l’étude », a indiqué RSF, dans un communiqué.
« Nous mobilisons nos réseaux pour trouver une autre maison de ventes qui acceptera de prendre l’intégralité des artistes, condition de la tenue de cette vente », a poursuivi RSF.
« Je suis étonné qu’une ambassade étrangère puisse décider de ce que l’on expose ou pas. Et qu’une maison de ventes cède aux pressions », a déclaré pour sa part Ernest Pignon-Ernest à Libération.
L’ambassade d’Israël n’était pas joignable jeudi soir pour commenter ce report.
La mairie d’Aubervilliers avait voté à l’unanimité une décision glorifiant le Palestinien en le plaçant citoyen d’honneur de la ville. Le Bureau national des vigilances contre l’antisémitisme (BNVCA) était intervenu pour contrer la décision et avait obtenu gain de cause.
Néanmoins, Marwan Barghouti reste toujours actuellement citoyen d’honneur dans une dizaine de villes de l’Hexagone, selon RFI.
En effet, la ville de Stains l’élève au rang de citoyen d’honneur de la ville et lance en mars 2009 le Réseau des villes et collectivités pour la libération de Marwan Barghouti. Les villes d’Ivry-sur-Seine, Valenton, Gennevilliers, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, La Verrière, Vitry-sur-Seine en font aussi partie.
Le site d’informations français public rappelle que de nombreuses personnalités ont réclamé la libération de Marwan Barghouti, dont de nombreux ministres des Affaires étrangères ainsi que l’Etat. « En 2013, en réponse a eu une question de la sénatrice Cécile Cukierman sur la question des prisonniers politiques palestiniens, Thierry Repentin, ministre des Affaires européennes, avait répondu que le gouvernement était très attentif à la figure de Marwan Barghouti, à ce qu’elle représente, et qu’Israël devait faire un geste. Clairement, l’Etat n’a donc jamais considéré que Barghouti était un terroriste, » avait déclaré à l’époque Fethi Chouder, le maire-adjoint de la ville, délégué aux Relations internationales, à RFI. Et c’est bien ça le problème.