L’identité, au coeur de la nouvelle stratégie de l’Agence juive
L'Agence juive et le gouvernement israélien tendent vers une réflexion globale sur l'identité juive
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Natan Sharansky a de la suite dans les idées. En Union soviétique, où seuls les mariages civils étaient tolérés, il a épousé sa femme Avital de manière illégale en organisant une cérémonie religieuse dans une synagogue de Moscou.
Et en 2009, lorsqu’il a été nommé président de l’Agence juive pour Israël (qui, entre autres missions, sert d’instrument pour l’immigration des Juifs à travers le monde), Sharansky a décidé de fermer le département de l’alyah, un choix très critiqué à l’époque.
Dans les deux cas, le raisonnement était le même : témoigner de l’importance de l’identité juive.
« Ce qui était autrefois inconcevable, c’est que le gouvernement israélien considère [également] le renforcement de l’identité juive comme une priorité », a confié Sharansky au Times of Israel, dans une courte interview au sujet de la dernière initiative de l’Agence juive, menée en collaboration avec le gouvernement : un brainstorming en ligne de quatre jours, intitulé « Protéger l’avenir juif », qui s’est achevé ce matin.
L’objectif ? Initier une discussion globale qui implique autant de voix que possible autour de sujets allant de l’éducation juive au tikkun olam, en passant par les voyages en Israël.
Dès le mois d’août, des bruits de couloir faisaient état d’une nouvelle initiative du bureau du Premier ministre, certaines sources évoquant un budget colossal de 220 millions d’euros (73 millions de dollars du gouvernement et le reste de donateurs).
Le projet devait porter sur des sujets tels que la connaissance d’Israël dans les institutions juives ou la défense de l’Etat juif sur les campus. Selon un récent rapport de JTA, le gouvernement israélien doit affecter plus d’un milliard d’euros pour les initiatives des Fédérations juives d’Amérique du Nord au cours des cinq prochaines années.
L’idée de base de ces initiatives est de connecter Israël au judaïsme mondial, à la fois métaphoriquement et physiquement.
« Ce qui a commencé à se produire dans la dernière décennie, c’est la découverte par les Juifs de diaspora du besoin d’envoyer leurs enfants en voyage en Israël [pour éviter l’assimilation], et la découverte par Israël qu’il fallait de solides défenses pour lutter contre les sentiments anti-israéliens », estime Sharansky, qui précise que « nos alliés les plus puissants » sont les Juifs de diaspora.
« Nos alliés les plus puissants » sont les Juifs de diaspora
Natan Sharansky
En 1998-1999, le gouvernement israélien a donc décidé d’investir de l’argent pour renforcer l’identité juive de la communauté américaine en lançant le programme Taglit.
« Je me souviens des débats au sein du gouvernement – ‘devrions-nous utiliser l’argent des contribuables pour payer des voyages à de riches Juifs américains’ », pointe Sharansky.
Lors de son premier mandat de Premier ministre, Benjamin Netanyhu a compris les avantages stratégiques de Taglit pour Israël. Il a mis en place un programme de financement gouvernemental. Aujourd’hui encore, un gouvernement dirigé par Netanyahu s’apprête à investir massivement pour les Juifs de diaspora.
Le programme Taglit est aujourd’hui considéré comme une réussite et son financement apparaît comme une évidence. Une étude menée en 2012 par le B’nai Brith a montré que 80 % des Israéliens soutenaient financièrement un voyage en Israël à destination de la jeunesse de diaspora.
La même étude dévoilait que 56 % des Israéliens étaient favorables à ce qu’un « Parlement juif », soit choisi par les Juifs de diaspora, mais les sondés s’opposaient à ce que la diaspora bénéficie d’une représentation à la Knesset.
La semaine dernière, le ministre de la Diaspora Naphtali Bennett a déclaré à JTA que les Juifs en dehors d’Israël avaient « leur mot à dire » dans la conduite de la politique israélienne, et a proposé de leur offrir « la demi-citoyenneté ». « C’est notre Etat, mais je veux que les Juifs qui vivent à l’étranger aient leur mot à dire », a soutenu Bennett.
Ce qui a fonctionné autrefois pour les relations entre Israël et la diaspora juive ne fonctionne plus aujourd’hui, a ajouté Bennett, faisant écho aux sentiments de Sharansky. « Au lieu de considérer la diaspora comme un portefeuille, le nouvel objectif est de faire en sorte que les Juifs restent Juifs et liés à Israël, même s’ils ne font pas leur alyah… C’est un grand changement. Jamais Israël n’est allé aussi loin », a annoncé Bennett.