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Opinion

L’initiative de dialogue juif de Herzog est à saluer – mais est-il trop tard ?

Le président a dévoilé un projet de forum juif mondial qui débattra des sujets sensibles. Mais comme le montre la crise en Israël, un tel débat n'est utile que si les dirigeants écoutent

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le président Isaac Herzog lors de l'Assemblée générale des JFNA au parc des expositions de Tel Aviv, le 23 avril 2023. (Crédit : Jewish Federations of North America)
Le président Isaac Herzog lors de l'Assemblée générale des JFNA au parc des expositions de Tel Aviv, le 23 avril 2023. (Crédit : Jewish Federations of North America)

Le président Isaac Herzog a utilisé son discours prononcé dimanche soir devant l’Assemblée générale des JFNA (les Fédérations juives d’Amérique du nord) pour annoncer son projet de « tribune mondiale de dialogue entre les communautés juives, la première en son genre » – un forum où, a-t-il dit, « nous pourrons nous engager dans des discussions sérieuses, sensibles et stratégiques portant sur les questions les plus complexes et les plus pressantes auquel notre peuple doit répondre. »

L’idée est admirable et elle est finalement attendue depuis longtemps – dans la mesure, bien sûr, où ce forum ne se réduira pas à une simple tribune de discussions où la parole n’entraînera pas de passage à l’action.

Comme l’a noté Herzog dans son allocution à Tel Aviv, Israël et les communautés juives de la Diaspora s’éloignent toujours plus, leurs liens se distendent et il leur est impossible de s’accorder sur des questions pourtant déterminantes – en réalité, il leur est même impossible d’en discuter de façon appropriée.

Comme j’ai déjà pu l’écrire dans le passé, une partie au moins de cet éloignement pourrait bien être inévitable : 75 ans après la fondation d’Israël, des générations de Juifs ont eu la possibilité de choisir de vivre dans le pays et les priorités de l’État et celles des communautés juives du monde entier ne seront manifestement pas toujours les mêmes.

De plus, même la tribune la plus efficace de dialogue aura ses limites : Ce ne sont pas les Juifs de la Diaspora qui prescriront ce que doivent être la politique sécuritaire et diplomatique d’Israël. De la même façon, le gouvernement israélien ne doit pas jouer le rôle d’arbitre dans les dossiers relatifs à la foi juive.

Mais Herzog a raison de souligner que la nation juive, dans le monde entier, doit apprendre à mettre en commun ses idées et ses initiatives de manière beaucoup plus effective que ce n’est le cas actuellement – ce qui s’applique très particulièrement aux problématiques qui sont le moins consensuelles.

La question la plus grave à se poser au sujet de l’initiative de Herzog est la suivante : N’est-ce pas trop tard ?… Jusqu’à une date récente, des discussions au sein d’un forum juif mondial auraient pu se concentrer sur des sujets vitaux – les conséquences, pour les Juifs de la Diaspora, des tentatives d’Israël visant à se défendre contre le terrorisme palestinien dans un environnement global souvent antisémite ou les droits du judaïsme pluraliste et non-orthodoxe dans un Israël dominé aux niveaux politique et national par un leadership religieux qui se montre de plus en plus intolérant et de plus en plus enclin à utiliser la coercition.

Aujourd’hui, Israël connaît ce que Herzog a qualifié « de plus grave crise intérieure de toute l’histoire du pays » – avec l’initiative prise par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et par sa coalition de métamorphoser le pays en sorte de tyrannie de la majorité élue, sapant ses principes fondateurs d’État juif démocratique et tolérant.

En s’obstinant à faire avancer des textes de loi dont l’objectif était de supprimer le seul contre-pouvoir aux potentiels excès d’une coalition par le biais d’une politisation et d’une neutralisation du système judiciaire, Netanyahu a toute d’abord ignoré les supplications de Herzog qui le pressait d’abandonner les législations en question avant de rapidement rejeter le cadre alternatif qu’il avait proposé, un cadre qui aurait ouvert la porte à d’authentiques réformes. Le Premier ministre n’a finalement mis en pause l’avancée de ses lois devant le Parlement, à la fin du mois dernier, qu’après le mouvement de protestation national et la grève qui ont suivi son renvoi du ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui s’était rendu coupable d’avoir critiqué ouvertement le processus de réforme du système judiciaire israélien – même si Netanyahu doutait également, de manière croissante, de pouvoir bénéficier du nombre suffisant de votes pour faire adopter ses législations. Il a alors convenu de prendre part à des négociations placées sous l’autorité de Herzog, des pourparlers qui n’ont pas encore prouvé qu’ils reflétaient un désir authentique de compromis alors même que la législation qui est au cœur du projet de refonte, et qui donnerait à la coalition le contrôle quasi-total de la nomination des juges dans le pays, a été déposée à la Knesset et qu’elle pourra être soumise en deuxième lecture et en troisième lecture à tout moment, – et ce, pratiquement sans préavis.

La fracture nationale entraînée par cette révolution en suspens qui bouleverserait la gouvernance et la nature d’Israël est si béante qu’elle pèse sur les préparatifs de Yom HaAtsmaout, qui marquera le 75e anniversaire de l’Indépendance, et que les cérémonies en hommage aux soldats morts pour Israël et aux victimes du terrorisme qui auront lieu mardi, à l’occasion de Yom HaZikaron, n’ont pas été épargnées par la querelle qui déchire le pays. Certaines familles insistent sur le fait que les politiciens doivent se tenir à l’écart des cérémonies ; d’autres réclament leur présence et Tsahal, de son côté, demande avec force que cette journée solennelle au moins soit préservée des clivages politiques qui – en reprenant encore une fois des mots prononcés par Herzog récemment – ont amené le pays « au bord de l’abîme. »

Netanyahu lui-même devait prendre la parole lors de l’ouverture de l’Assemblée générale des JFNA, dimanche, mais il a finalement fait le choix de ne pas venir en citant des difficultés d’emploi du temps lorsqu’il a été clairement établi que les opposants à son coup de force étaient déterminés à essayer de l’empêcher d’accéder à la salle où avait lieu l’événement et qu’ils avaient l’intention de perturber son intervention s’il devait prendre la parole.

Tout cela souligne le souci digne d’éloge de Herzog de tenter de s’attaquer à l’incapacité croissante des Juifs du monde entier à discuter de leurs différences, à la nécessité d’identifier et d’encourager les jeunes responsables juifs du futur pour qu’ils s’impliquent dans ce que sera l’avenir juif. Mais cela met en exergue aussi l’urgence en Israël – où un gouvernement dûment élu s’est embarqué dans un projet qui transformera radicalement l’essence d’Israël quelques jours seulement après sa prise de pouvoir ; qui a fait avancer à un rythme effréné le texte de loi qui se trouve en son cœur au Parlement tout en ignorant les demandes inquiètes de dialogue de la part d’une grande partie de la nation et qui, même maintenant, n’a mis son plan que temporairement en pause.

Un appel au dialogue et la création d’un mécanisme lui permettant d’avoir lieu, en d’autres mots, ne sont utiles et précieux que si les personnes qui détiennent actuellement le pouvoir sont réellement prêtes à s’engager et à changer d’orientation.

Le peuple juif « a besoin d’un endroit où il peut se rassembler pour apprendre à s’écouter et à s’entendre », a dit le président, dimanche soir. « Il n’y a pas de plus grande menace existentielle pour notre peuple que celle qui vient de l’intérieur. »

Nous ne pouvons qu’espérer que le Premier ministre l’a entendu.

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