L’insémination artificielle autorisée pour les femmes « enchaînées »
Israël avait refusé jusqu'à présent aux femmes dont le mari refuse le divorce d'avoir recours à l'insémination artificielle, en raison de l'opposition féroce du rabbinat
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Le ministre de la Santé Nitzan Horowitz a annoncé un changement dans la politique de son ministère, mardi, qui accordera désormais aux « femmes enchaînées » le droit d’accéder à l’insémination artificielle et aux autres traitements pour la fertilité après des années d’efforts livrés par les activistes.
Jusqu’à présent, de telles options étaient inaccessibles aux « femmes enchaînées » – ces femmes dont les maris refusent de leur accorder le divorce, ou guet en hébreu, ce qui les laisse dans un flou juridique et religieux tragique – dans la mesure où les directives du ministère de la Santé exigeaient le consentement de l’époux avant qu’elles ne puissent y avoir recours et qu’il était improbable qu’elles demandent son accord à celui qui leur refusait le divorce, ou qu’elles l’obtiennent.
Cette semaine, Horowitz a réexaminé ces directives malgré l’opposition féroce du grand rabbinat, a fait savoir le site Walla.
« Sur ce sujet comme sur tous les sujets médicaux, la seule considération que doit prendre en compte le ministère de la Santé est d’ordre médical et professionnel. Les considérations non-médicales ne sont pas pertinentes s’agissant des directives du ministère et nous les ferons disparaître », a dit Horowitz, selon le site.
Ce changement survient grâce aux années d’efforts livrés par l’organisation Mavoi Satum qui défend les droits des agounot – le terme qui désigne les « femmes enchaînées » en hébreu.
« Après des années de dur travail, de travail dévoué, nous sommes finalement parvenus à libérer les utérus des agounot qui peuvent maintenant tomber enceintes grâce à un don de sperme, sans devoir demander la permission des époux qui les enchaînent. Une autre avancée est faite aujourd’hui vers un monde sans agounot ! » a déclaré mardi l’organisation en réponse à l’annonce faite par Horowitz.
La loi juive désapprouve la conception d’un enfant par une « femme enchaînée » avec un autre homme que son mari et un tel enfant est alors considéré comme un mamzer, un enfant illégitime, statut qui rend très difficile pour eux et pour leurs descendants de se marier en Israël. Néanmoins, le problème ne se pose pas chez une femme « enchaînée » qui conçoit un enfant via une insémination artificielle. Ce concept n’est pas intégré dans les règles qui définissent le statut de mamzer .
Toutefois, cela fait longtemps que le Grand rabbinat s’oppose à offrir de tels traitements aux agounot en raison d’un concept de la loi juive connu sous le nom de « maret ayin », ce qui signifie littéralement « apparence à l’œil » ou « apparence trompeuse », qui interdit toute action susceptible de donner l’apparence d’un manquement à la décence même lorsque rien d’interdit n’est entré en jeu.
Le problème des « femmes enchaînées » est complexe – particulièrement au sein de l’État juif où tous les mariages et tous les divorces sont supervisés par le rabbinat du pays et qu’ils doivent se conformer à ses interprétations de la loi juive. Et selon l’interprétation faite par le rabbinat, il est impossible de dissoudre une union légalement valide sans consentement de l’époux. Les tribunaux rabbiniques peuvent imposer des sanctions, notamment des peines de prison, aux époux refusant d’accorder le divorce religieux, mais ces derniers ne peuvent pas être placés dans l’obligation d’accorder le guet.
Le nombre précis de divorces refusés et d’agounot est très disputé, les chiffres diffusés par les cours rabbiniques ne se référant qu’aux femmes reconnues comme telles par ces tribunaux. Parce que les choses, dans certains cas, peuvent durer des années, les défenseurs des femmes enchaînées disent que les chiffres officiels sont largement inférieurs au nombre réel de femmes se trouvant dans ce flou juridique, un grand nombre d’entre elles attendant une reconnaissance officielle de leur statut.
Selon le Centre pour la justice des femmes, il y a entre 2500 et 3000 femmes qui attendent depuis au moins deux ans d’obtenir le guet, mais elles ne sont que quelques centaines à être reconnues par les tribunaux. Et seulement quelques dizaines des maris récalcitrants sont soumis à des sanctions de la part des cours rabbiniques.