L’Iran gênerait l’enquête de l’AIEA à l’entrepôt nucléaire révélé par Netanyahu
Téhéran obstrue le travail des inspecteurs, refusant d'apporter des réponses après que des traces radioactives présumées ont été retrouvées sur le site, selon un reportage
L’Iran obstruerait une enquête menée par l’ONU sur un site dont l’existence avait été révélée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’année dernière, et qu’il avait identifié comme étant un entrepôt nucléaire secret utilisé pour stocker des matières radioactives, a fait savoir lundi soir le Wall Street Journal.
Des diplomates restés anonymes ont indiqué au journal que l’Iran refusait d’apporter des réponses aux questions posées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans ce qui semble être le tout premier exemple de l’échec de Téhéran à coopérer avec les inspecteurs.
Les diplomates ont précisé qu’il y avait des désaccords internes, au sein de l’AIEA, sur la manière dont la république islamique devait être sanctionnée sur ce problème.
Un rapport de l’AIEA sur les infractions croissantes de l’accord sur le nucléaire de 2015 par l’Iran ne ferait que vaguement référence au manque de coopération de Téhéran avec les inspecteurs, notant que « les interactions en cours entre l’Agence et l’Iran en lien avec la mise en œuvre par l’Iran des Accords de sauvegarde et du Protocole supplémentaire requièrent une coopération entière et opportune de la part de l’Iran ».
Un reportage diffusé au mois de juillet sur la Treizième chaîne israélienne avait clamé que les enquêteurs qui s’étaient rendus sur le site à plusieurs occasions après la révélation de son existence par Netanyahu au cours d’un discours prononcé devant l’Assemblée générale des Nations unies, au mois de septembre dernier, avaient prélevé des échantillons du sol et conclu de manière définitive qu’il y avait là-bas « des traces de substances radioactives ».
Après l’apparition de Netanyahu à la tribune de l’ONU, l’ex-dirigeant de l’AIEA, feu Yukiya Amano, avait déclaré à l’époque que les inspecteurs s’étaient rendus « sur tous les sites et dans tous les lieux qu’ils devaient visiter en Iran » tout en repoussant l’affirmation faite par le Premier ministre que l’organisation s’était trouvée dans l’incapacité d’agir à la suite des renseignements donnés par Israël concernant l’entrepôt.
Des diplomates cités au mois d’avril avaient déclaré toutefois que l’AIEA s’était ultérieurement rendu sur le site du quartier de Turquzabad à Téhéran à de multiples reprises.
Les diplomates ont expliqué au Wall Street Journal que les traces étaient probablement des restes d’expérimentations passées dans le développement des armes nucléaires par la république islamique. L’Iran a toujours nié avoir tenté de fabriquer des armements nucléaires, une dénégation rejetée par les services de renseignement israéliens et occidentaux.
Les diplomates ont ajouté que l’existence des matériaux, sur le site, n’indiquait probablement pas de nouveaux travaux sur le développement d’armes, mais qu’elle contreviendrait à l’engagement pris par Téhéran sur la non-prolifération.
L’Iran a nié que le site ait accueilli une structure nucléaire ou ait servi quelque objectif secret. Dans une réponse initiale au discours prononcé aux Nations unies par Netanyahu, les médias d’État iraniens avaient clamé que l’entrepôt était une structure de recyclage pour la ferraille.
Les diplomates cités en avril avaient néanmoins déclaré que l’AIEA avait visité le site de Turquzabad, à Téhéran, à de multiples occasions.
Se référant aux déclarations de Netanyahu qu’il avait qualifiées de « ridicules », un reportage diffusé sur une chaîne publique de la télévision iranienne avait souligné que le pays s’était engagé dans la non-prolifération et avait noté que le programme nucléaire de la république islamique était placé sous la surveillance de l’AIEA. Le site internet d’une autre chaîne publique avait brièvement évoqué l’accusation de Netanyahu, la qualifiant « d’illusion ».
Un journaliste de Tasnim News qui s’était rendu à l’entrepôt au mois d’octobre dernier s’était entendu dire de la bouche d’un employé de la structure que le site n’abritait pas d’activités militaires et que le leader israélien était « stupide » de croire qu’il s’agissait d’un entrepôt nucléaire. Le journaliste n’avait pas pénétré dans les lieux et n’avait échangé avec l’employé que par l’intermédiaire d’un interphone, depuis l’extérieur du portail verrouillé.
Lundi également, un porte-parole du gouvernement iranien a averti que Téhéran « prendrait un fort recul » face à ses obligations définies dans l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec les puissances mondiales si l’Europe ne pouvait offrir au pays de nouveaux arrangements avant la fin de la semaine. D’importants diplomates iraniens se sont rendus en France et en Russie pour des pourparlers de dernière minute.
Ces propos tenus par Ali Rabiei ont renforcé la date-butoir que l’Iran avait établie – initialement fixée à vendredi – pour que l’Europe trouve un moyen de lui permettre de vendre son pétrole brut sur le marché global. Les sanctions écrasantes imposées après le retrait par le président américain Donald Trump des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire, il y a un an, avait mis un terme à ces ventes.
Le rapport de l’AIEA, la semaine dernière, a fait savoir que les stocks d’uranium faiblement enrichis de la république islamique dépassent encore la quantité autorisée selon les termes du JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), le nom donné à l’accord sur le nucléaire.
L’Agence de l’ONU a également indiqué que Téhéran continuait à enrichir de l’uranium à hauteur de 4,5 %, dépassant le taux autorisé de 3,67 %.
L’uranium enrichi à 3,67 % est suffisant à des fins pacifiques, bien en dessous du niveau de 90 % nécessaire pour les armes. A 4,5 %, l’uranium peut contribuer à approvisionner le réacteur Bushehr, qui alimente la seule centrale électrique du pays.
Les initiatives que l’Iran est dorénavant susceptible de prendre restent indéterminées, même si elles peuvent impliquer la reprise du fonctionnement des centrifuges avancées – interdite dans l’accord – ou un renforcement de son travail d’enrichissement de l’uranium.
La république chiite insiste sur le fait que les démarches entreprises jusqu’à présent sont facilement réversibles.
Rabiei a également clamé, lundi, que le point de vue de l’Iran convergeait avec celui de la France sur les moyens à mettre en œuvre pour sauver l’accord sur le nucléaire.
Il a laissé entendre que le président Hassan Rouhani pourrait rencontrer son homologue américain Donald Trump si cela servait les intérêts de la république islamique, tout en avertissant qu’il n’était pas nécessaire de s’entretenir avec un « agitateur » dans les circonstances actuelles.
Rouhani s’est entretenu régulièrement au téléphone avec le président Emmanuel Macron ces dernières semaines pour venir au secours du JCPOA.
Le dirigeant français tente de convaincre les Etats-Unis d’accorder à l’Iran un allégement des sanctions imposées depuis la sortie de Washington de l’accord sur le nucléaire.
« Au cours des dernières semaines, il y a eu des négociations sérieuses » entre Rouhani et Macron ainsi que des négociations avec les autres nations européennes, a expliqué Rabiei.
« Et heureusement, dans de nombreux domaines, nos points de vue se sont rapprochés », a continué le porte-parole du gouvernement au cours d’une conférence de presse.
Il y a « encore beaucoup de choses à régler » dans les négociations entre pays Européens et Iran pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien, a déclaré de son côté mardi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
« Il y a encore beaucoup de choses à régler, cela reste très fragile » a déclaré M. Le Drian devant l’association de la presse diplomatique, alors que Téhéran et trois pays européens – France, Allemagne, Grande-Bretagne – tentent de sauver un accord conclu en 2015 et censé limiter le programme nucléaire iranien, après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018 et le rétablissement de sanctions économiques américaines contre l’Iran.
L’AFP a contribué à cet article.