L’israélien Netafim crée les premiers crédits carbone pour les riziculteurs
La technologie d'irrigation au goutte-à-goutte innovante et les crédits cont permettre d'économiser de l'eau, de réduire les émissions à effet de serre et d'améliorer les rendements
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
SHARM EL-SHEIKH, Egypte — L’entreprise israélienne d’irrigation au goutte-à-goutte de précision Netafim a annoncé vendredi sa première initiative de crédit carbone en direction des riziculteurs – une annonce faite lors de la conférence sur le climat de l’ONU, la COP27, qui se déroule jusqu’au 18 novembre dans la station balnéaire de Sharm el-Sheikh, en Egypte.
Netafim — une filiale israélienne de la compagnie mondiale Orbia — a révolutionné l’agriculture sur tout le globe en introduisant l’irrigation par goutte-à-goutte dans les années 1960.
A travers sa nouvelle méthode destinée aux rizières, la compagnie a fait savoir que 70 % de l’eau utilisée aujourd’hui pour l’exploitation du riz pourrait être économisée. Le riz est d’habitude cultivé dans des champs submergés d’eau. Selon Netafim, il faut 1 500 litres d’eau par kilo de riz en utilisant ce système d’irrigation révolutionnaire contre 5 000 litres avec la méthode traditionnelle.
La technique fait également baisser de 30 % le besoin en fertilisants et réduit de 36 % les besoins en énergie tout en réduisant les émissions de méthane à quasiment zéro.
La culture du riz utilise traditionnellement 30 % à 40 % de l’eau potable partout dans le monde et elle est à l’origine de 10 à 15 % de toutes les émissions de méthane d’origine humaine.
La demande de riz devrait augmenter de 28 % à l’horizon 2050.
Netafim a annoncé que sa technologie d’irrigation de précision serait mise en œuvre en Italie, en Turquie, en Inde et dans d’autres pays d’Asie du sud-est.
Mais pour les agriculteurs les plus pauvres, les équipements nécessaires sont coûteux à l’achat. Il faut donc des incitations et c’est à cette question qu’un nouveau programme de Netafim, dont l’objectif est de permettre aux cultivateurs de riz d’employer son système d’irrigation pour gagner de l’argent grâce à des crédits carbone, s’est attaqué.
Les crédits carbone sont des permis échangés entre les industries qui proposent des technologies visant à abaisser ou à absorber (des phénomènes qualifiés de « séquestration ») les émissions à l’origine du réchauffement global (dioxyde de carbone, méthane) et les compagnies qui doivent mieux maîtriser les émissions qu’elles sont dans l’incapacité d’éliminer totalement, dans le but de réduire leur empreinte carbone.
John Farner, responsable du développement durable à Netafim, a expliqué au Times of Israel en marge de la conférence de la COP27 que les agronomes de l’entreprise en Israël, ses personnels en Italie et l’équipe de la firme chargée du développement durable dans le monde, qui travaille depuis les États-Unis, s’étaient associés à la Ferme LaFagiana à Venise pour développer le concept.
Au lancement de la saison du riz, au début de l’année, ils se sont rapprochés de l’université de Turin qui a installé des chambres de flux dans les champs – des dispositifs qui peuvent directement mesurer les émissions (flux) qui partent de la terre vers l’atmosphère en temps réel.
La compagnie a fait appel à des contrôleurs, en Italie, qui se sont assurés que les mesures étaient réalisées dans les règles. Les résultats seront soumis sous peu à Verra, l’une des quelques firmes de vérification chargées de déterminer que les méthodes utilisées pour absorber les gaz à effet de serre répondent bien aux normes internationales pour mettre en place des projets de séquestration de carbone.
Les exploitants agricoles qui utilisent le système de goutte-à-goutte de Netafim pourront gagner dix crédits-carbone par hectare de terre chaque année, a ajouté Farner. Alors que le prix actuel par tonne de méthane est de 20 à trente dollars, cette somme pourrait bien représenter une petite fortune pour un grand nombre des fermiers les plus modestes.
En Italie, c’est Netafim qui gèrera le projet et qui garantira que les exploitants suivent certaines procédures et soumettent les données indispensables à son bon déroulement. Les crédits carbone seront présentés à la vente par le vérificateur et une fois qu’ils seront achetés, Netafim versera le montant équivalent aux fermiers.
Mais l’accès au capital initial reste un obstacle – particulièrement dans les pays en voie de développement. Les crédits carbone seront payés à la fin de la saison de la culture du riz et les équipements doivent être achetés à son lancement.
Netafim recherche actuellement des entreprises qui souhaiteraient pré-acheter les crédits, de manière à ce que les exploitants puissent obtenir le capital nécessaire. La société s’intéresse également à des modèles alternatifs de gestion et de paiement des crédits carbone.
L’incitation financière que représentent ces crédits offre la possibilité à Netafim de faire d’énormes profits dans la mesure où pour obtenir ces crédits, les fermiers devront acquérir les équipements de l’entreprise israélienne.
« Cela va changer la donne. Et c’est un projet gagnant-gagnant pour nous, pour les agriculteurs, pour ceux qui achètent les crédits et pour l’environnement », s’est exclamé Farner. « En plus du profit apporté par les crédits, les exploitants vont économiser de l’eau et des fertilisants et ils vont améliorer leurs rendements ».
Il a ajouté que si la submersion des parcelles était habituellement employée pour produire un cycle annuel de riz, l’irrigation de précision par goutte-à-goutte impliquait que la même terre pouvait être réutilisée, soit pour le riz, soit pour une autre culture au retour financier plus important, comme c’est le cas pour les oignons et les haricots.
Le programme des crédits carbone sera mis à disposition des agriculteurs du monde entier dès 2023.
« Si seulement 10 % des exploitants des rizières se tournent vers le goutte-à-goutte, la chute des émissions sera l’équivalente de la mise hors de circulation de 40 millions de voitures sur les routes », précise Gaby Miodownik, président et vice-président exécutif d’Orbia, Agriculture de précision (Netafim).
« Avec ce programme, c’est la première fois qu’un crédit carbone est généré sur la base de la mise en œuvre d’une technologie de l’irrigation. Face au changement climatique, le chemin le plus sûr vers l’agriculture durable est de cultiver avec moins de terre, moins d’eau et des émissions à effet de serre significativement moindres ».