L’Italie va enquêter sur un accord présumé avec des terroristes palestiniens en 1982
Un membre du groupe parlementaire, chargé d'enquêter sur les agences de renseignement, déclare que "le temps est venu d'entendre la vérité"
Un organe du gouvernement italien, qui supervise les activités des agences de renseignement du pays, va examiner des documents publiés, la semaine dernière, qui semblent confirmer de vieilles accusations selon lesquelles, l’Italie aurait conclu un accord, pour ne pas intervenir dans les attaques terroristes palestiniennes contre des cibles juives, y compris une attaque meurtrière contre une synagogue de Rome en 1982.
Les documents montrent que les services de renseignement italiens disposaient d’informations claires sur l’attaque prévue contre la synagogue, au cours de laquelle un garçon de deux ans a été tué, mais qu’ils ne l’ont pas empêchée, et que la police avait même réduit la sécurité autour du lieu de culte.
« Trente-neuf ans après l’attaque terroriste dans la synagogue de Rome, le temps est venu pour nous d’entendre la vérité », a déclaré Enrico Borghi, membre de la commission parlementaire italienne pour la Sécurité de la République (COPASIR) au journal La Repubblica jeudi.
« Un État doit assumer pleinement sa propre histoire », a ajouté M. Borghi au journal, alors que la commission a commencé à préparer le terrain avant d’examiner officiellement les documents récemment publiés, a rapporté la Douzième chaîne, citant des médias italiens.
Les allégations sont connues depuis 2008, lorsque l’ancien Premier ministre et président italien Francesco Cossiga a déclaré au journal israélien Yedioth Aharonoth que l’Italie avait « vendu ses Juifs », et signé un accord qui donnait aux groupes terroristes palestiniens « carte blanche » pour opérer contre des cibles juives et israéliennes en Italie, en échange de ne pas attaquer d’autres intérêts italiens.
« En échange de cette ‘carte blanche’ en Italie, les Palestiniens s’engageaient à garantir la sécurité de notre État et que des cibles italiennes, hors de nos frontières, ne seraient pas visées par des attentats terroristes. Dans la mesure où ces cibles n’étaient pas impliquées dans une collaboration avec le sionisme et avec l’État d’Israël », avait déclaré Cossiga.

Ces allégations avaient alors été rejetées avec force en Italie, et Cossiga avait été dépeint comme délirant.
Néanmoins, des documents qui font surface aujourd’hui, retrouvés par les médias italiens, montrent que le pays avait clairement ignoré les menaces contre les institutions juives et israéliennes, particulièrement dans le cas de l’attaque d’une synagogue de Rome en 1982.

Lors de la fête de Shemini Atseret en 1982, plusieurs tireurs non-identifiés avaient jeté des grenades et mitraillé les fidèles qui quittaient la synagogue. Un petit garçon de deux ans, Stefano Tache, était mort et 34 personnes avaient été blessées – notamment le frère de quatre ans de la petite victime et ses parents.
Selon ces documents, les services intérieurs de renseignement – ils étaient connus à l’époque sous le nom de Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica (SISDE) – avaient fait parvenir plusieurs informations préalables portant sur « l’intention » d’étudiants palestiniens de s’en prendre à des cibles juives à Rome. En haut de la liste des cibles possibles figurait la synagogue.
Une mise en garde de suivi transmise au ministère italien de l’Intérieur citait « une source habituellement fiable » annonçant que le groupe terroriste Abu Nidal prévoyait de commettre un attentat pendant la période des fêtes juives et qu’il viserait probablement des sites juifs, l’ambassade israélienne étant trop bien gardée.
« Une source habituellement fiable a fait savoir que des Palestiniens vivant en Europe allaient recevoir l’ordre de commettre une série d’attaques contre des cibles israéliennes ou juives en Italie », disait le document.
Malgré ces avertissements, non seulement la sécurité n’avait pas été renforcée mais le jour de l’attentat, le véhicule habituel de police qui était stationné aux abords de la synagogue était absent, révèle le document.
Cette attaque était survenue quelques semaines après l’invasion par Israël du sud-Liban, une tentative visant à empêcher que des factions palestiniennes ne mènent des attentats dans le nord de l’État juif.
Dans les semaines qui avaient suivi l’attaque, le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, s’était rendu en Italie où il avait été reçu par le pape, le président et le ministre des Affaires étrangères et où il avait été ovationné lors d’une session de l’Union interparlementaire.

Selon les médias italiens, l’accord avec les Palestiniens aurait été conclu dès 1973 entre le Premier ministre Aldo Moro et l’OLP d’Arafat, ainsi que le groupe terroriste du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) de George Habash – avec l’engagement de ne pas commettre d’attentats terroristes sur le sol italien, en échange du soutien politique présumé de l’Italie à la cause palestinienne.
Les premiers documents faisant état de l’existence de l’accord avaient été découverts pendant des enquêtes sur le meurtre de Moro.
Le 9 mai 1978, le corps sans vie de Moro avait été découvert, criblé de balles, à l’arrière d’une voiture, dans le centre historique de Rome. Il avait été kidnappé par des terroristes des Brigades rouges après une fusillade sanglante survenue aux abords de son domicile.

Des documents provenant d’archives des services du Premier ministre français et liés à l’attentat de la rue des Rosiers à Paris de 1982 accréditaient l’idée d’un accord secret entre les renseignements français et le groupe terroriste palestinien auteur de l’attaque, Abou Nidal.
Six personnes avaient été tuées et 22 blessées lors de cet attentat perpétré dans le quartier juif historique de Paris le 9 août 1982. Quatre suspects sont toujours réclamés par la justice française.
Le juge d’instruction chargé de l’enquête s’est intéressé aux déclarations réitérées d’Yves Bonnet, patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST, ex-DGSI) entre novembre 1982 et 1985, selon lequel un « marché non écrit » avait été conclu à l’époque avec le groupe terroriste palestinien Abou Nidal, leur garantissant l’absence de poursuites en France en échange de leur engagement à ne plus y commettre d’attentats.
Selon le quotidien français Le Parisien, qui avait révélé l’information, des documents en provenance du cabinet du Premier ministre Michel Rocard, et versés au dossier d’instruction, sont venus accréditer l’existence d’un tel accord.

Parmi ces documents, un compte-rendu d’un « entretien avec le Fatah Conseil révolutionnaire », l’autre nom du groupe Abou Nidal, datant d’octobre 1985 et qui évoque, selon Le Parisien, « noir sur blanc un accord passé avec le groupe terroriste et qui s’insurge du ‘non-respect des engagements antérieurs’ de la France ».
« En prenant connaissance des documents, on comprend qu’il y a un accord », confirmait à l’AFP l’avocat Avi Bitton, qui défend trois anciennes employées du restaurant Jo Goldenberg, visé par cette attaque à la grenade et aux pistolets-mitrailleurs.
« Ce que nous révèlent les derniers documents, c’est que malheureusement la volonté politique est peut-être insuffisante quand on voit qu’il y a probablement eu une forme de marché conclu avec les terroristes », ajoutait-il.