L’objectif principal de Biden en Israël était d’assurer l’aide humanitaire à Gaza
Aucune résistance de la part de Netanyahu, soucieux de son image dans le monde, dit le président américain ; 20 camions devraient passer par Rafah vendredi, voire plus
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Rentrant de sa visite éclair à Tel Aviv en guerre, le président américain Joe Biden a insinué mercredi que la raison principale de son voyage était de persuader Israël et l’Égypte d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.
« Lorsque nous avons décollé, mes objectifs étaient nombreux, mais ils consistaient essentiellement à permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza et à évacuer autant d’Américains que possible le souhaitant », a déclaré Biden lors d’une rare visite dans la section réservée à la presse d’Air Force One.
Le président a également souligné l’importance pour lui de rencontrer les survivants israéliens de l’attaque du Hamas du 7 octobre, au cours de laquelle quelque 1 400 personnes ont été tuées et plus de 200 autres prises en otage à Gaza. Ses propos reflètent néanmoins son inquiétude pour la population de Gaza, confrontée à une offensive israélienne qui vise à renverser le Hamas, et ce tout en maintenant le soutien indéfectible de son administration à Jérusalem, qui s’est notamment traduit par une aide militaire substantielle.
La situation humanitaire déjà tendue à Gaza s’est aggravée de manière alarmante depuis l’assaut du Hamas, avec l’annonce par Israël d’un siège de l’enclave, de l’arrêt de l’approvisionnement en carburant, en électricité et en eau, ainsi que par la poursuite de bombardements aériens presque incessants de Tsahal. Selon le ministère de la Santé, dirigé par le Hamas, 3 785 Palestiniens ont été tués, dont de nombreux civils, un bilan qui devrait s’alourdir considérablement une fois qu’Israël aura lancé son incursion terrestre.
Israël a déclaré qu’il poursuivrait sa campagne militaire jusqu’à ce qu’il renverse le Hamas et qu’il n’autoriserait pas l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis ses propres frontières tant que les otages n’auront pas été libérés.
Mais après la rencontre de Biden avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le cabinet de guerre israélien mercredi, Jérusalem a annoncé qu’il avait accepté de permettre l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza depuis l’Égypte.
« Nous avons obtenu un engagement (…) de la part des Israéliens, avec notamment un vote unanime de leur cabinet de guerre et du Premier ministre », a déclaré Biden à la presse à bord d’Air Force One.
« Je ne sais pas ce que vous avez entendu en Israël, mais je n’ai rencontré aucune résistance », a-t-il ajouté, précisant qu’il avait été « très direct avec les Israéliens », et que Netanyahu s’était malgré tout « montré à la hauteur ».
Un comité trilatéral composé d’Israël, des États-Unis et de l’Égypte a été formé au Caire afin de faciliter et de contrôler l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza par le point de passage de Rafah, a déclaré jeudi un fonctionnaire de l’ONU au Times of Israel.
Après avoir obtenu l’engagement d’Israël, Joe Biden a téléphoné au président égyptien Abdel Fattah el-Sissi pour lui demander d’ouvrir le point de passage égyptien de Rafah vers Gaza afin que l’aide puisse entrer dans l’enclave. Jusque-là, le Caire avait maintenu le point de passage de Rafah fermé, prétextant les frappes israéliennes répétées à proximité du poste de contrôle et exprimant la crainte qu’Israël ne cherche à chasser définitivement les Palestiniens vers le désert égyptien du Sinaï.
Lors de leur entretien, Biden a indiqué que Sissi avait accepté d’ouvrir Rafah et d’autoriser l’entrée de 20 camions d’aide humanitaire à Gaza pour la première fois depuis le début de la guerre – un nombre encore modeste, étant donné que l’ONU estime qu’il faudra 100 camions par jour pour aider à réhabiliter l’enclave. Il a laissé entendre que le nombre de camions autorisés à entrer augmenterait à l’avenir et il a salué Sissi pour s’être montré si « conciliant ».
« Mon message à tous est le suivant : si vous avez la possibilité de soulager la souffrance, faites-le. Sans hésiter. Si vous ne le faites pas, votre réputation dans le monde en souffrira », a déclaré le président, confirmant des rumeurs indiquant qu’il aurait fait comprendre à Netanyahu qu’autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza était indispensable pour contrer les critiques internationales sur la campagne militaire d’Israël à Gaza, en particulier au moment où il envisage d’envoyer des troupes au sol.
« Israël a été durement touché, mais s’il peut soulager les souffrances de personnes qui n’ont nulle part où aller, et c’est ce qu’il convient de faire », a-t-il poursuivi. « S’ils ne le font pas, ils seront tenus pour responsables d’une manière qui est peut-être injuste, mais c’est ce qu’ils doivent faire. »

Biden a indiqué que son nouvel envoyé pour les questions humanitaires au Moyen-Orient, David Satterfield, se trouvait actuellement au Caire pour coordonner les efforts, notamment pour réparer les routes adjacentes à Rafah qui ont été endommagées par les bombardements de Tsahal, en vue de permettre l’ouverture du point de passage vendredi.
Le président a précisé que Rafah ne serait ouvert que pour l’acheminement de l’aide vers Gaza, et non pour permettre aux civils de fuir l’enclave.
Selon le mécanisme négocié par les États-Unis, le personnel des Nations unies sera chargé de distribuer l’aide une fois qu’elle sera arrivée dans la bande de Gaza.

« Si le Hamas (…) empêchait l’acheminement de l’aide ou la confisquait, celle-ci cesserait immédiatement », a déclaré le président. « Tel est mon engagement. »
« Je suis venu pour obtenir quelque chose. Et je l’ai obtenu », a souligné Biden.
Il a reconnu que la Maison Blanche avait longuement débattu de la question de savoir s’il devait faire le voyage, car sa présidence risquait d’être tenue pour responsable s’il ne parvenait pas à obtenir l’entrée de l’aide humanitaire.
Pour ce qui est des efforts d’évacuation des habitants de Gaza hors de l’enclave, Biden a assuré qu’il poursuivait ses efforts dans ce sens et qu’il était optimiste.
« J’espère que nous pourrons faire sortir certains Américains de Gaza… par différents moyens également », a-t-il déclaré sans donner plus de détails.
La guerre a éclaté le 7 octobre, lorsqu’au moins 1 500 terroristes du Hamas ont fait irruption en Israël depuis la bande de Gaza par voie terrestre, aérienne et maritime, massacrant quelque 1 400 personnes, pour la plupart des civils, et prenant plus de 200 otages de tous âges couvert par un barrage de milliers de roquettes tirées sur les villes et villages israéliens.
Israël a juré d’éradiquer le Hamas et affirme qu’il vise toutes les zones de Gaza où le Hamas opère, tout en cherchant à minimiser les dommages causés aux civils.
Interrogé sur ses rencontres avec les survivants et les premiers intervenants du massacre perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, le président a évoqué les entretiens individuels qu’il avait eus avec les victimes de fusillades de masse aux États-Unis.

« J’ai appris il y a longtemps que, lorsque quelqu’un traverse une épreuve qui dépasse son entendement, parler à quelqu’un qui, selon lui, comprend ou a peut-être vécu quelque chose de similaire, lui redonne un peu d’espoir », a expliqué Biden, qui a perdu sa première femme et sa fille dans un accident de la route en 1972.
« Mon équipe me critique parfois parce que […] je prends trois ou quatre heures pour répondre à toutes leurs questions. Mais c’est important. C’est très important », a poursuivi le président. « Les gens ont besoin de quelque chose de concret, de quelque chose qui leur donne un peu d’espoir. Si je peux apporter un peu de cela, cela vaut la peine de le faire. On l’a fait pour moi. »
Dans un discours adressé aux Israéliens avant de quitter Tel Aviv mercredi, Joe Biden avait insisté : « Je viens en Israël avec un seul message : Vous n’êtes pas seuls. Vous n’êtes pas seuls. Tant que les États-Unis seront là – et ils le seront pour toujours – vous ne serez jamais seuls. »