Biden aux Israéliens : « Justice doit être faite », mais ne laissez pas la rage vous guider en temps de guerre
En clôture de sa visite en Israël d'une demi-journée, le président américain a annoncé des actions humanitaires pour les Palestiniens et accusé les terroristes pour la frappe de l'hôpital
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Soutenant fermement le droit d’Israël à faire la guerre au Hamas, le président Joe Biden a invité mercredi les Israéliens à tirer les leçons des campagnes américaines après les attaques terroristes du 11 septembre.
« Justice doit être faite », a déclaré M. Biden, s’exprimant depuis Tel-Aviv après une visite de six heures en Israël, la première d’un président américain en temps de guerre.
« Mais je vous mets en garde : ne vous laissez pas consumer par la colère que vous ressentez », a-t-il poursuivi. « Après le 11 septembre, nous aussi étions en colère aux États-Unis. Nous avons fait le nécessaire pour obtenir justice et nous l’avons obtenue, nous avons aussi commis des erreurs. «
Exprimant un malaise face à la possibilité que la guerre d’Israël contre le Hamas déraille en raison de trop nombreuses pertes civiles, Biden a rappelé que la direction d’un pays en temps de guerre « exige de la clarté sur les objectifs et une évaluation honnête de l’adéquation entre ces objectifs et les moyens utilisés ».
Plus tôt dans la journée, Biden a confirmé les propos d’Israël selon lesquels l’explosion meurtrière dans un hôpital de Gaza, la nuit passée, est due à une roquette lancée par des terroristes palestiniens.
Il l’a d’ailleurs répété dans son discours d’adieu : « Sur la base des informations dont nous disposons à ce jour, il semble que ce soit le résultat d’une roquette égarée, tirée par un groupe terroriste de Gaza. »
Biden a par ailleurs annoncé des mesures pour assurer l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils de Gaza.
« Les habitants de Gaza ont besoin de nourriture, d’eau, de médicaments, d’abris », a-t-il déclaré. « Aujourd’hui, j’ai demandé au gouvernement israélien, avec lequel je me suis entretenu pendant un certain temps ce matin, d’accepter la livraison d’une aide humanitaire vitale aux civils de Gaza, étant entendu qu’il y aura des inspections et que l’aide devra aller aux civils, et non au Hamas. »
Le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé dans le même temps autoriser l’approvisionnement en eau, en médicaments et en nourriture du sud de Gaza depuis l’Égypte, en rappelant qu’il interviendrait si ces biens de première nécessité allaient in fine au Hamas. Il a par ailleurs précisé qu’aucune forme d’aide n’entrerait dans la bande de Gaza par l’un des points de passage d’Israël.
Biden a annoncé le déblocage de 100 millions de dollars de fonds supplémentaires pour Gaza et la Cisjordanie. Le président américain a par ailleurs déclaré qu’il « demandera au Congrès des États-Unis un plan de soutien sans précédent pour la défense d’Israël. Nous allons maintenir l’approvisionnement complet du Dôme de Fer afin qu’il puisse continuer à monter la garde dans le ciel israélien et sauver des vies israéliennes. »
Rappelant l’importance de mener la guerre suivant le principe de la main de fer dans un gant de velours, Biden a dit qu’Israël était « un État juif, mais aussi une démocratie. Comme les États-Unis, vos règles ne sont pas celles des terroristes. Vous vous placez sous la primauté du droit. En cas de conflit, vous appliquez et respectez le droit de la guerre. »
« Ce qui nous distingue des terroristes, c’est que nous croyons en la dignité fondamentale de chaque vie humaine : israélienne, palestinienne, arabe, juive, musulmane, chrétienne, tout le monde indistinctement. Vous ne pouvez pas abandonner ce qui fait de vous ce que vous êtes. Si vous y renoncez, alors c’est que les terroristes auront gagné. »
Israël est en guerre contre le Hamas à Gaza suite à l’assaut meurtrier du groupe terroriste, le 7 octobre dernier, au cours duquel quelque 1 400 personnes ont été massacrées et 200 à 250, prises en otage et emmenées dans la bande de Gaza.
Biden a commencé son discours par un hommage poignant à la douleur des Israéliens, qui lui a fait évoquer la Shoah.
Les attaques du 7 octobre du Hamas « sont devenues le jour le plus meurtrier de toute l’histoire du peuple juif depuis la Shoah. Cela fait remonter à la surface des souvenirs douloureux et les cicatrices de millénaires entiers d’antisémitisme forcené et de génocides du peuple juif », a-t-il déclaré. « A l’époque, le monde a regardé ce qui se passait. Il savait. Et le monde n’a rien fait. »
« Nous ne resterons pas les bras croisés, sans rien faire. Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais », a promis M. Biden.
Il a déclaré aux proches des disparus et des otages que les États-Unis « faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour obtenir la libération des otages du Hamas.
« Je ne peux pas donner ici publiquement plus de détails, mais je vous assure que pour moi, président des Etats-Unis, il n’y a pas de plus haute priorité que la libération et le retour en toute sécurité de tous ces otages », a-t-il insisté.
Biden, qui a perdu sa première femme et sa fille dans un accident de voiture en 1972, ainsi qu’un fils issu de son deuxième mariage en 2015, a longuement parlé du sentiment de perte et du chagrin.
« Je m’adresse à ceux qui pleurent la mort d’un enfant, d’un parent, d’un conjoint, d’un frère ou d’une sœur, d’un ami : je sais, vous avez l’impression d’avoir un trou noir au milieu de la poitrine », a-t-il déclaré. « On a l’impression d’être happé par ce trou noir. Les remords du survivant, la colère, les questions de foi qui troublent l’âme, le regard qui tombe sur une chaise vide, la shiva, le premier Shabbat sans eux. Ce sont les choses du quotidien, les petites choses, qui vous manquent le plus. »
« Je dis à ceux qui ont perdu des êtres chers ce que je sais, à savoir qu’ils ne seront jamais vraiment partis », a déclaré Biden. Il y a quelque chose qui ne se perdra jamais : votre amour pour eux et leur amour pour vous. »
Biden a également rappelé que les États-Unis apportaient à Israël leur soutien total pendant cette guerre.
« Vous n’êtes pas seuls », a déclaré Biden. « Vous n’êtes pas seuls. Tant que les États-Unis seront là, et nous serons toujours là, nous ne vous laisserons pas tomber. »
« Le monde saura qu’Israël est plus fort que jamais », a-t-il promis. « Mon message à tout État ou à tout autre acteur hostile désireux d’attaquer Israël reste le même qu’il y a une semaine. Non. Non. Ne faites pas ça. »
Biden s’est entretenu avec Netanyahu dans la journée. Au moment d’une déclaration conjointe, à Tel Aviv, peu après l’arrivée de Biden, le président américain a comparé le Hamas au groupe État islamique, en disant : « Ils ont commis des actes et des atrocités qui font paraitre l’EI un peu plus rationnel. »
En lisant ses notes, Netanyahu s’est exprimé avant Biden, qualifiant cette toute première visite présidentielle américaine en Israël en temps de guerre de « profondément, profondément émouvante ».
« Le monde civilisé s’est uni pour vaincre les nazis et pour vaincre l’EI. De la même manière, le monde civilisé doit s’unir pour vaincre le Hamas », a déclaré Netanyahu, disant qu’Israël était uni et allait vaincre le Hamas, « éliminer cette terrible menace de nos vies. La civilisation va l’emporter – pour notre bien à nous, pour le vôtre, pour la paix et la sécurité dans notre région et dans le monde. »
Netanyahu s’est félicité de la « clarté morale dont vous avez fait preuve dès le moment où Israël a été attaqué » et a déclaré que le président avait « à juste titre tracé une ligne claire entre les forces de la civilisation et celles de la barbarie ».
Il n’a pas fait allusion à la situation humanitaire à Gaza ni à l’explosion de l’hôpital dans la ville de Gaza.
Plus tard, Biden et Netanyahu ont co-présidé une réunion du Conseil des ministres de guerre à Tel Aviv, chacun avec ses conseillers. Dans de brefs propos publics avant la réunion, M. Biden a souligné que les États-Unis « continueront à vous soutenir ».
Le président américain s’est réjoui de la composition de ce Conseil de guerre – créé lorsque le parti Kakhol lavan a rejoint la coalition la semaine dernière –, qui « tient bon, debout et uni ».
Biden s’est plus tard entretenu à Tel Aviv avec un groupe de secouristes et de médecins, parmi lesquels le fondateur de United Hatzalah, Eli Beer, qui a soigné des victimes de l’attaque du Hamas, ainsi que des proches des personnes tuées ou disparues, avant de prendre part à une réunion à huis clos avec le président Isaac Herzog.
L’étape jordanienne du déplacement de Biden – qui devait donner lieu à un sommet quadripartite avec Abbas, le roi Abdallah II de Jordanie et le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi – a été annulée suite à l’explosion de l’hôpital.
Israël a fait savoir que, depuis le 7 octobre, près de 450 roquettes lancées par des groupes terroristes de Gaza ont manqué leur cible et atterri à l’intérieur de la bande de Gaza, causant un nombre inconnu de morts côté palestinien. Israël affirme par ailleurs que ses forces ont tué quelque 1 500 terroristes sur son territoire, suite à l’incursion massive du 7 octobre dernier.