Israël en guerre - Jour 536

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Analyse

L’offensive terrestre majeure à Gaza est terminée ; l’état de guerre provoqué par le Hamas ne l’est pas

Le retrait, dimanche, des troupes au sol de Khan Younès marque la fin de ce qui avait été appelé "la phase de haute intensité" dans les combats - même si le Hamas est encore là et qu'il détient 129 otages

David Horovitz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Les soldats israéliens en opération à Gaza, une photographie diffusée par l'armée le 5 avril 2024. (Crédit : Bureau du porte-parole de Tsahal)
Les soldats israéliens en opération à Gaza, une photographie diffusée par l'armée le 5 avril 2024. (Crédit : Bureau du porte-parole de Tsahal)

Est-ce vraiment ainsi que va se terminer la guerre ? Sans un bruit, sans même un gémissement, avec une armée israélienne qui retire ses hommes de Khan Younès et un ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui établit, au mépris de la réalité, que le Hamas « a arrêté de fonctionner en tant qu’organisation militaire dans toute la bande de Gaza », se contredisant dans la foulée et cherchant à clarifier ses propos quelques heures plus tard ?

Alors qu’Israël a marqué dimanche un triste anniversaire – les six mois qui se sont écoulés depuis le massacre du 7 octobre – les deux objectifs principaux de la guerre, des objectifs répétés à l’envi, la destruction des capacités militaires du Hamas et le retour chez eux, sains et saufs, des 129 otages qui avaient été enlevés en ce funeste jour, n’ont manifestement pas été atteints.

Comme Gallant l’a reconnu sans tarder après ses paroles sur un Hamas qui ne serait plus en mesure de fonctionner dans toute la bande de Gaza, dimanche après-midi, le groupe terroriste reste pourtant encore terré, bien vivant, à Rafah, où ses dirigeants se cacheraient, entourés d’otages et protégés par des bataillons. Du reste, deux autres bataillons, dit-on, seraient encore fonctionnels dans le centre de l’enclave côtière.

Et alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué, lors de la réunion de cabinet de dimanche – comme il l’a fait à plusieurs occasions, ces derniers temps – qu’Israël « est à deux pas » d’une victoire totale, son troisième objectif déclaré dans le conflit, qui était de garantir que ni le Hamas, ni une autre menace terroriste ne pourront relever leur tête hideuse à Gaza, est également loin d’être atteint.

Comme l’a confié Israel Ziv, général à la retraite – ancien responsable des opérations militaires qui était retourné sur le front le 7 octobre, se rendant en voiture dans le sud du pays pour voir s’il pouvait aider à combattre le Hamas qui se livrait à son massacre terroriste – devant les caméras de la Douzième chaîne, peu après l’intervention de Gallant : « A cet instant-même », a-t-il déclaré, Khan Younès « est en train de retomber entre les mains du Hamas ». Et en l’absence de toute forme de leadership alternatif, « le contrôle du Hamas continue dans la bande ».

« La guerre à Gaza est terminée », a dit Ziv, « mais l’état de guerre ne l’est pas ». Le retrait des troupes au sol du sud de Gaza, un retrait qui a été annoncé dimanche, signalant la fin des opérations terrestres majeures, « risque de faire perdre des avancées obtenues par l’armée au prix de luttes acharnées », a-t-il ajouté. « Nous ne sommes arrivés nulle part pour le moment ».

Des parents et des sympathisants des otages détenus à Gaza depuis le massacre du 7 octobre par le Hamas brandissant des pancartes et des drapeaux nationaux lors d’une manifestation devant la Knesset, à Jérusalem, le 7 avril 2024. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Le correspondant militaire de la Douzième chaîne Nir Dvori, lisant ses notes pendant le journal d’information de la soirée en prime-time – sans doute après un point-presse de Tsahal – a fait la même évaluation : « Nous sommes passés de la guerre aux combats. Les manœuvres terrestres de haute intensité sont terminées partout sur le territoire de Gaza. L’opération est finie à Khan Younès. L’armée passe dorénavant à un système qui sera constitué de raids plus localisés ». De tels raids ont d’ores et déjà lieu dans le nord de Gaza et ils deviendront le modus-operandi des militaires dans le sud de l’enclave côtière également, a-t-il continué.

Ne faisant aucun effort pour cacher son désarroi à l’annonce de ces informations, Dvori a noté que « la chasse au chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, relève donc dorénavant du domaine du renseignement. Et Israël, comme nous pouvons le constater, renonce à ses deux principaux leviers d’influence : la pression militaire et l’aide humanitaire ».

Le ministre de la Défense Yoav Gallant lors d’un point de situation au Commandement Sud de Tsahal, le 7 avril 2024. (Crédit : Ariel Hermoni/Ministère de la Défense)

« Après six mois », a résumé Dvori sans plaisir, « Israël conserve ainsi trois importants problèmes : comment obtenir le retour des otages ; comment permettre aux résidents du nord et du sud [qui avaient évacué à cause des combats] de retourner chez eux et comment établir une alternative au Hamas » s’agissant de l’administration de la bande.

« Si Israël ne peut pas établir un cadre pour tenter de régler ces problématiques – et je n’ai pas connaissance de l’existence d’un tel cadre à l’heure actuelle – alors nous allons devoir faire face à de très grandes difficultés », a-t-il conclu.

Le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, qui s’est également exprimé dimanche, s’est montré inflexible, répétant que le retrait des troupes au sol, à Gaza, ne signalait d’aucune façon la fin de la guerre. « Nous sommes loin d’avoir terminé », a-t-il insisté. Mais « nous allons combattre différemment dans le contexte de cette guerre… les dirigeants du Hamas sont encore dans la clandestinité. Nous les aurons tôt ou tard. Nous progressons, nous continuons à tuer toujours plus de terroristes et de commandants et nous continuons à détruire toujours plus d’infrastructures terroristes ».

« Nous ne laisserons aucune brigade du Hamas encore en activité dans tous les secteurs de la bande », a promis Halevi. « Nous avons des plans et nous passerons à l’action lorsque nous le déciderons ».

Le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, s’adressant à la presse depuis une base militaire dans le centre d’Israël, le 7 avril 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Peut-être qu’après des mois de négociation sur un accord portant sur la remise en liberté des otages – des pourparlers qui ont été déjoués de manière répétée par les exigences du Hamas qui demandent à Israël de mettre un terme à la guerre et de retirer ses forces de Gaza – l’incohérence apparente de la situation, dans cette soirée qui a marqué l’anniversaire des six mois qui se sont écoulés depuis le 7 octobre, a-t-elle occulté une image d’ensemble, une image où un accord de trêve contre otages serait actuellement en train de prendre forme.

Concernant les paroles de Netanyahu portant sur une « victoire totale » et imminente, peut-être ce dernier a-t-il finalement reconnu qu’Israël ne pourrait pas mener à bien sa guerre contre le Hamas sans le soutien diplomatique et pratique de son plus proche allié et principal fournisseur d’armes. Et le président américain Joe Biden, ainsi que les responsables de premier plan de son administration, ont établi avec beaucoup de clarté, ces dernières semaines, qu’ils ne pensaient pas que l’armée israélienne avait un plan viable lui permettant de cibler le Hamas tout en protégeant les plus d’un million de Gazaouis qui ont trouvé refuge à Rafah et dans ses alentours, et qu’ils ne soutiendront en conséquence aucune offensive majeure là-bas.

Des Palestiniens armés et masqués sont vus sur des camions chargés d’aide humanitaire internationale entrant à Gaza par le passage de Kerem Shalom, dans le sud de la bande de Gaza, le 3 avril 2024. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

L’administration américaine est profondément méfiante face à Netanyahu, aliénée par sa coalition, furieuse face à sa réticence persistante à s’assurer que l’aide humanitaire entrant à Gaza sera adéquate et excessivement frustrée par le refus du Premier ministre à travailler sur la gouvernance post-Hamas dans la bande de Gaza – un travail pourtant très nécessaire pour Israël.

Et la réserve de soutien – des soutiens déjà chancelants – est sur le point d’être épuisée après la frappe accidentelle meurtrière d’un convoi transportant des travailleurs humanitaires de l’ONG World Central Kitchen, lundi dernier dans la soirée.

Des hommes passent devant une station de pompage de Khan Younès au milieu des débris, le 7 avril 2024. (Crédit : MOHAMMED ABED / AFP)

Quelques heures après avoir parlé, le Bureau de Gallant a fait savoir que le ministre de la Défense avait simplement voulu dire que le Hamas avait cessé de fonctionner en tant qu’organisation militaire « dans le secteur de Khan Younès et dans d’autres secteurs de la bande où l’armée a mené des opérations, pas dans tout Gaza ».

Pour Israël, officiellement, six mois après le 7 octobre, la guerre n’est donc pas terminée. Ce qui a du sens dans la mesure où ses objectifs n’ont pas été atteints. Mais Israël se heurte encore très certainement aux « trois problèmes importants » qui ont été cités par Dvori – comment assurer la remise en liberté des otages, sains et saufs ; comment permettre aux résidents de revenir chez eux, dans le nord et dans le sud du pays et comment bâtir une alternative au Hamas. Des problèmes que l’État juif devra gérer dans un contexte d’hostilité mondiale, de diminution du soutien américain et dans un climat de fracture intérieure croissante.

L’opération terrestre majeure qui avait été lancée par Israël est terminée. L’état d’urgence dans lequel Israël a été précipité par le Hamas, en date du 7 octobre, est loin de l’être.

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