L’opposition fragilisée sur son choix de candidat pour le panel de nomination des juges
Lapid tente de pousser un candidat de son propre parti, tandis qu'un représentant de HaMahane HaMamlahti accuse le leader de l'opposition de "mettre la charrue avant les bœufs".
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
L’alliance des plus grands partis d’opposition de la Knesset a montré des signes de fragilité lundi, chacun accusant l’autre de déchirer l’opposition concernant la nomination d’un député au sein du prochain panel de neuf membres chargé de sélectionner les juges.
Le leader de l’opposition et chef du parti Yesh Atid, Yair Lapid, a publié une déclaration dans laquelle il a appelé « l’opposition à ne plus se détruire » et il a demandé aux législateurs alliés de se prononcer en faveur de la candidate qu’il a choisie pour le panel, la députée Karine Elharrar, qui appartient à sa formation.
Un représentant du principal rival de Yesh Atid, le parti HaMahane HaMamlahti du député Benny Gantz, a déclaré aux journalistes que « Lapid essaie de mettre la charrue avant les bœufs et il met en péril les grandes initiatives sur lesquelles nous travaillons », une référence aux négociations en vue d’un compromis sur le projet de la coalition qui vise à réformer le système judiciaire. Ces pourparlers se déroulent sous l’égide du président Isaac Herzog.
Pour ajouter à la tension, le parti travailliste a annoncé lundi après-midi qu’il présentait la députée Efrat Rayten comme candidate à la commission, mais la cheffe du parti, Merav Michaeli, a déclaré que le parti travailliste s’alignerait finalement sur le choix consensuel de l’opposition et elle a exhorté tous les partis à se réunir pour s’aligner.
Une lutte pourrait s’avérer inutile, car le remaniement du système judiciaire proposé par le ministre de la Justice Yariv Levin donnerait à la coalition le contrôle de la nomination des juges, ce qui pourrait supprimer le siège à la commission de sélection qui est traditionnellement accordé à l’opposition.
La coalition ne s’est pas non plus engagée à convoquer la commission, alors que son plan visant à modifier sa composition pour accroître le contrôle de la coalition est toujours en suspens, malgré les quelque 80 postes de juges à pourvoir et les deux postes vacants à venir à la Cour suprême.
La Knesset a jusqu’au 15 juin pour élire deux députés qui rejoindront le panel, dans le cadre d’un complément politique de quatre membres, dont trois juges et deux membres de l’Association du barreau israélien. Bien que la date du vote secret à la Knesset n’ait pas encore été officiellement fixée, il devrait avoir lieu la semaine prochaine et le représentant de HaMahane HaMamlahti a déclaré que l’opposition espérait qu’il se tiendrait le 14 juin.
Les élections de l’Association du Barreau d’Israël doivent se tenir dans trois semaines pour départager deux candidats ayant des points de vue opposés sur la manière de collaborer avec le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu – et elles devraient donc également avoir une influence sur la commission de sélection des juges.
Des responsables de la coalition, dont le secrétaire du cabinet Yossi Fuchs et, à huis clos, Levin, ont menacé de présenter deux candidats de la coalition pour les postes de législateurs au sein de la commission, bien que la convention ait accordé l’un de ces postes à un député de l’opposition.
Une source proche de Levin a déclaré que le ministre de la Justice n’avait pas encore décidé s’il allait présenter deux candidats de la coalition et qu’en fin de compte, c’est Netanyahu qui déciderait. Les partis de Lapid et de Gantz ont menacé de quitter les discussions à la résidence du président si la coalition poursuivait cette stratégie.
Bien que l’affiliation d’un seul député ne permette pas à un camp de prendre le contrôle décisif de la chambre – une majorité de sept sur neuf est nécessaire pour élire un juge à la Cour suprême, et une majorité simple de cinq est requise pour désigner les juges des juridictions inférieures, ce qui signifie que les partis politiques et les représentants de la profession doivent faire des compromis – la décision est considérée comme un symbole de la bonne foi de la coalition dans les négociations en cours sur les réformes.
Levin n’a pas encore décidé qui il préfèrerait présenter au sein du camp de la coalition pour la commission de sélection des juges, bien que ses collègues du Likud, Tally Gotliv et Nissim Vituri, aient déjà fait part de leur intérêt.
Le parti d’extrême droite Otzma Yehudit s’est également vu promettre un siège au sein de la commission, soit par le biais de l’élection d’un député, soit par le biais d’un ministre accompagnant le ministre de la Justice au sein de la commission. Le parti a déclaré qu’il n’avait pas encore décidé qui revendiquerait ce siège.
Au début du mois, Lapid avait désigné Elharrar, membre de l’équipe de négociation de la réforme judiciaire de Yesh Atid, comme sa candidate de préférence.
« Selon l’accord que nous avons conclu, la coalition ne présentera qu’un seul candidat », a pour sa part déclaré le responsable de HaMahane HaMamlahti lors de son briefing de lundi.
« Le président de la Knesset n’a pas encore annoncé la date des élections ni la date limite de dépôt des candidatures, mais pour Lapid, il était important de mettre la charrue avant les bœufs et d’annoncer son propre candidat sans coordination avec les autres membres de l’opposition », a poursuivi le fonctionnaire, soulignant la nécessité d’une coordination.
Lapid a également déclaré « qu’il serait impensable de faire un tel cadeau à M. Levin et à [l’architecte du remaniement, Simcha] Rothman en divisant le vote ».
Une source de l’opposition a déclaré que les représentants de Lapid avaient informé les conseillers de Gantz que Yesh Atid prévoyait de présenter Elharrar, et qu’ils n’avaient pas reçu de réponse à ce projet avant qu’il ne soit annoncé.
Le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a appelé les chefs des autres partis d’opposition à se réunir et à choisir un candidat. « Je pense que ce jeu d’enfants auquel nous assistons actuellement est inapproprié », a-t-il déclaré lors de l’ouverture de la réunion de la faction de Yisrael Beytenu à la Knesset.
S’exprimant à la radio de l’armée lundi, Rothman a souligné que « la réforme n’est pas morte » et il a déclaré qu’il incombait à la coalition de faire pression unilatéralement pour des changements judiciaires si aucun accord ne pouvait être trouvé à la table du président.
Les représentants de Yesh Atid, de l’Unité nationale et de la coalition doivent reprendre leurs discussions mardi à Jérusalem.
Lapid et Gantz sont depuis longtemps de alliés cordiaux, qui n’ont jamais réussi à se réconcilier après que Gantz a rompu leur alliance électorale pour rejoindre Netanyahu dans un gouvernement d’unité en 2020, laissant Lapid dans l’opposition. Au cours de la période précédant les élections à la Knesset de novembre dernier, Gantz a tenté de se positionner en tant que candidat possible au poste de premier ministre, aux côtés des favoris Netanyahu et Lapid, et il a récemment réalisé des sondages qui le placent devant Lapid en tant qu’alternative à Netanyahu.